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L 2955

FEB 1 0 1931

JURISPRUDENCE GÉNÉRALE

AVERTISSEMENT DE LA DIRECTION

Une histoire générale du Droit devait être nécessairement l'introduction ou le couronnement de la vaste publication que MM. Dalloz ont commencée il y a plus de vingt-cinq ans, et que, par une grâce singulière, ils doivent à Dieu d'avoir pu conduire à son terme. Les précis historiques placés au commencement de chacun des Traités dont se composé la Jurisprudence générale ne peuvent être considérés, en effet, que comme des fragments de cette histoire : quelle que soit la valeur particulière de chacun d'eux, ils ne constituent que des études partielles. Restait donc une large esquisse à tracer, qui mît en quelque sorte en faisceau tous ces fragments pour synthétiser en un puissant ensemble l'enseignement supérieur qui en découle; mais, pour cela, il fallait que la marche de notre Droit français fût exposée âge par âge, siècle par siècle, qu'elle vint se dérouler en tableaux successifs et correspondant au moins à chaque époque marquante dans nos mœurs, dans notre histoire politique.

Quoique l'étude de l'histoire du Droit soit déjà ancienne en France, nous ne possédons cependant aucune histoire générale vraiment digne de ce nom. L'Essai sur l'Histoire du Droit français au moyen âge, de M. Ch. Giraud, dont deux volumes ont paru, sera peutêtre achevé un jour; mais les six volumes de l'Histoire du Droit civil de Rome et du Droit français du regrettable Laferrière n'auront vraisemblablement pas de suite. Pendent opera!!! Malgré quelques inégalités dans l'exécution, ils nous donnaient l'espérance que l'histoire de notre Droit national aurait bientôt chez nous un monument complet et important, si la mort n'avait prématurément ravi à la science l'un de ses plus consciencieux représentants. Parmi les précis historiques, il faut signaler:

Le Précis de l'Histoire du Droit français, de l'abbé Fleury, ouvrage substantiel, et dont les vues sont pleines de sagesse. Il est fort décrié chez nos voisins d'outre-Rhin; cependant il serait

injuste de lui dénier tout mérite, quoiqu'il soit incomplet à raison de l'époque où il s'arrête et eu égard aux travaux et aux publications de la science moderne;

L'Abrégé de l'histoire du Droit français, Historie Juris gallicani Epitome, de Silberrad, professeur de droit à Strasbourg, publié à la suite de l'Histoire du Droit romain et germanique d'Heineccius, et dans lequel l'auteur se montre au courant de tous les travaux publiés par les jurisconsultes allemands jusqu'à la fin du XVIII' siècle ;

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Les Révolutions du Droit français, de Bernardi, complétées et de nouveau publiées en 1816 sous le titre De l'Origine et des Progrès de la Législation française ou Histoire du Droit public et privé de la France, depuis la fondation de la monarchie jusques et y compris la Révolution;

L'Histoire du Droit français, de M. Laferrière, publiée d'abord en 1836 et 1838 en deux volumes in-8°, et depuis, avec de notables corrections, en 1859, sous le titre d'Essai sur l'Histoire du Droit français, 2 vol. in-12;

Le Précis de l'Histoire du Droit civil en France, de Poncelet, rédigé, d'après le cours de ce professeur à la Faculté de Paris, par M. Rapetti;

Le Précis historique du Droit français, de M. Minier.

Les travaux qui ont pour objet l'histoire du Droit français, étudié dans quelques-uns de ses monuments ou dans quelques-unes de ses parties, sont très-nombreux eu France depuis le XVI siècle et présentent un intérêt certainement supérieur : ils sont dans leur ensemble une mine inépuisable. Parmi les auteurs qu'il convient de citer, nommons Loysel et Pithou, ces deux disciples de Cujas; Baluze, le collecteur des Capitulaires; Ducange, dont les Glossaires sont un prodige de science; la Thaumassière, Laurière, Berroyer, Montesquieu, Bréquigny, et, depuis, leurs dignes successeurs, Pardessus, Beugnot, M. Guérard, si compétent comme médiéviste; Klimrath, dont les fragments historiques sont d'un si haut prix; Championnière, dans son Traité des eaux courantes; le premier président Troplong, qui, dans les belles préfaces de ses Commentaires, a touché avec une haute raison à certaines parties et à certaines époques de l'histoire du Droit; M. Laboulaye, à qui l'histoire du Droit doit deux excellentes monographies, l'une sur l'histoire du Droit de propriété en Occident, l'autre sur la condition des femmes dans les mêmes contrées; M. Bertauld, pour son Introduction à l'Histoire des sources du Droit français, et tant d'autres écrivains qui ont soutenu avec éclat l'honneur du nom français.

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Cette histoire qui nous manque, nos voisins l'ont faite pour nous et à notre place. Sans parler de tous les travaux publiés en Allemagne sur l'histoire du Droit romain et du Droit germanique, et sur certains monuments de notre Droit national, tels que la loi salique, les coutumes, etc., deux histoires du Droit français ont vu le jour au delà du Rhin dans ces derniers temps. L'une a pour titre Geschichte der Rechtsverfassung Frankreichs (Histoire de la formation du Droit français); elle est écrite en allemand et va jusqu'à l'année 1850; son auteur est M. Wilhem Schaffner. L'autre est l'œuvre collective de M. Warnkœnig, jurisconsulte bien connu en France par ses travaux sur le Droit romain, et de M. Stein, auteur de plusieurs ouvrages sur le Droit public. Elle a été publiée en allemand, sous le titre de Franzosische Staats und Rechtsgeschichte (Histoire du Droit politique et civil en France). Les trois volumes parus s'arrêtent à la révolution de 1789. Remarquables sous plusieurs rapports, ces deux histoires se recommandent chacune par un genre de mérite différent : la première, par

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des vues plus systématiques; la seconde, par une plus grande richesse de matériaux et d'indications.

Parmi les ouvrages publiés à l'étranger et qui, dans leur ensemble, ont pour objet, sinon toute l'histoire du droit français, au moins certaines époques ou certaines matières de l'histoire de ce droit, il faut citer deux œuvres capitales: l'Histoire du Droit romain au moyen âge, de Savigny, et l'Histoire du Droit de succession au moyen âge, de Gans. Le nom de ces deux illustres écrivains recommande leurs œuvres suffisamment. L'ouvrage de Savigny manque sans doute d'animation; mais il passe, à bon droit, pour un modèle de critique historique. L'histoire de Gans est de tout point une grande œuvre : elle est appelée à faire vivre, par l'élévation de ses vues, quelquefois un peu hasardées il est vrai, le nom de son auteur.

Comme l'histoire du Droit puise aux sources de l'histoire générale, il serait injuste d'oublier dans cette nomenclature les travaux historiques de M. Guizot, dont le haut mérite a valu depuis tant d'années une réputation si méritée à leur illustre auteur, ainsi que ceux de Sismondi, d'Augustin et d'Amédée Thierry, de M. Michelet, etc. De tels noms n'ont besoin que d'être cités. Il faudrait encore ajouter à cette liste le remarquable travail de M. Rathery sur l'Histoire des États Généraux, et celui de M. Dareste sur l'Histoire de l'administration en France depuis Philippe-Auguste jusqu'à Louis XIV. Un historien du Droit trouvera toujours de précieuses indications à utiliser dans ces livres, et dans nombre d'autres ouvrages dont on ne pourrait entreprendre de faire une énumération complète à cette place sans s'exposer à commettre quelques omissions injustes.

Enfin, il doit être permis de mentionner ici le Compte rendu des séances et des travaux de l'Académie des Sciences morales et politiques, fondé par M. Loiseau, actuellement premier président de la cour de Besançon, et par M. Ch. Vergé, docteur en droit, qui le continue seul depuis 1848. On trouvera dans ce recueil d'intéressants mémoires et les communications les plus diverses sur certains points de l'histoire du Droit.

Une publication aussi considérable que la Jurisprudence générale ne pouvait se terminer, a-t-on dit au début de cet Avertissement, sans qu'une étude générale cherchât à rattacher entre elles les différentes parties de cette vaste encyclopédie juridique. Un travail d'analyse, en effet, laisse toujours désirer, après lui, un travail synthétique. L'homme le plus versé dans une science éprouve, à certains intervalles, le besoin de reconstituer dans son esprit l'ensemble de cette science.

Pour satisfaire à ce besoin naturel, quel que soit l'objet auquel l'intelligence s'applique, la Jurisprudence générale devait présenter une revue qui reflétât le plus exactement possible la physionomie du Droit français. Le caractère de l'Essai historique était dès lors déterminé. Il ne devait être, ni une œuvre d'érudition pure, ni une conception ayant pour objet la démonstration d'une thèse philosophique ou sociale plus ou moins aventurée.

L'histoire du Droit peut être, en effet, écrite de deux manières. Des savants se sont illustrés en cherchant à élucider telle ou telle partie de l'histoire du Droit. C'est ainsi, par exemple, que la loi salique a été, en Allemagne et en France, l'objet d'études patientes, qui se sont proposé de reconstituer les textes de sa rédaction première et de sa rédaction corrigée au IX siècle; c'est encore ainsi que les monuments du droit gallo-franc et du droit féodal et coutumier ont été, pour la plupart, l'objet d'études critiques d'une véritable valeur scientifique. Mais une histoire du Droit conçue dans un tel sentiment aurait manqué d'un intérêt véritable, peut-être

même d'utilité. Notre époque ne dédaigne pas la science; mais elle est surtout avide de conclusions, et le caractère de la publication à laquelle l'Essai historique devait servir de préface requérait impérieusement des vues d'ensemble.

D'un autre côté, un travail trop exclusivement philosophique, avec quelque conscience qu'il eût été fait, aurait inévitablement soulevé les défiances du lecteur. Ce n'est pas qu'il soit possible de bannir la philosophie de l'étude du Droit. Sans les horizons qu'elle fait entrevoir, aussi bien que sans les lumières de l'histoire, le texte de la loi ne peut être qu'une lettre morte. Le jurisconsulte, dans toute l'acception du mot, sera toujours celui qui rattachera l'étude du Droit aux vérités éternelles qui président aux destinées de l'humanité, mais qui soumettra ces vérités à la méthode expérimentale, à l'épreuve de la vie, et qui, pour cela, ira les cherchant à travers les enseignements de l'histoire.

Ces considérations indiquent naturellement quels devaient être l'étendue et le caractère de l'Essai historique. Il devait dérouler sous les yeux du lecteur tout le passé du Droit français, en exposer à grands traits les différentes phases, en utilisant les résultats acquis à la science dans son état présent, et en faisant revivre des périodes entières laissées dans l'ombre dans les études partielles dont l'histoire du Droit a été l'objet.

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Il fallait surtout mettre en relief le caractère philosophique, social ou politique, des institutions qui se sont développées dans la suite des siècles. Enfin, il n'importait pas moins de constater aussi nettement que possible ce que la génération actuelle doit à celles qui l'ont précédée, de marquer l'avènement précis dans le cours des âges des principes sur lesquels nous vivons encore aujourd'hui, ou d'en constater la filiation. Si, dans cette revue rapide, quelques points de l'histoire de notre Droit français laissaient à désirer de plus amples développements, le lecteur les trouverait dans les historiques spéciaux à chaque traité du Répertoire. L'Essai sur l'histoire générale du Droit français forme un travail distinct: il ne s'adresse pas seulement aux jurisconsultes; il convient encore à tous ceux qui, dans leurs études, suivent la marche générale de la civilisation et interrogent son passé pour aider à son avenir.

Mars 1870.

La plus minutieuse attention ne prévient pas toujours les erreurs. Ainsi, à la page 149, lig. 10 et suiv., le texte doit être rétabli ainsi : « Beaucoup de coutumes admettaient dans l'ordre de succession entre frères le privilége que l'on appelait le double lien; les frères et sœurs germains excluaient, pour le partage de la succession de l'un d'eux, les frères et sœurs consanguins ou utérins, etc. » — V. aussi l'Errata p. 338.

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