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hommes hypocrites, lâches, défians et perfides: c'est le point de toute société humaine. Ce que dit Clément XIV à un supérieur de novices, il faudrait le persuader aux maîtres des empires qui ont porté à un si haut degré de perfection cet art infame d'avilir les ames et de corrompre le caractère des peuples. Je terminerai cette notice par une anecdote tirée 'd'une lettre particulière écrite de Rome par un anglais en 1774

« Le pape donna dernièrement un exemple frappant de tolérance. Etant allé, suivant sa coutume, à l'église de Saint-Pierre pour y faire sa prière, il aperçut un jeune homme copiant avec attention un tableau d'autel. Le saint-pere s'arrêta et le regarda travailler sans, l'interrompre. Il prit une idée plus avantageuse du talent de ce jeune homme, à mesure que son travail avançait ; mais s'approchant toujours plus près, il attira l'attention du peintre, qui, ne con naissant pas encore Rome, s'imagina qu'un hérétique trouvé dans une église courait risque d'être puni, comme on punit les chrétiens trouvés dans une mosquée mu, sulmane. Vivement frappé d'une terreur

subite, il s'évanouit aux pieds du saintpère, qui appela aussitôt du secours; et quelques personnes étant arrivées sur-lechamp, firent revenir le jeune étranger.

*

Mon ami, lui dit le saint-père, je suis charmé de vous voir de si grandes dispositions pour la peinture; il faut vous faire copier de bons morceaux. Je veux que vous soyez reçu parmi les jeunes élèves qui sont élevés ici à mes frais. » Ah! saintpère, répondit le jeune homme d'une voix défaillante, je suis protestant. « Protestant! « répliqua le pape; tant pis; j'aimerais

mieux que vous fussiez catholique; mais . il y a eu de grands peintres parmi les protestans: la religion n'a rien à démêler avec la peinture. Je prendrai soin de vous << procurer tout ce qui vous sera nécessaire pour vous perfectionner dans votre art. » Le pape tint parole, et loin de vouloir le gêner sur sa religion, il défendit même qu'on fît aucune tentative pour l'engager à en changer.

S.

SUR LA PERSONNE ET LES ÉCRITS

DE LA BRUYÈRE.

JEAN DE LA BRUYÈRE naquit à Dourdan en 1639. Il venait d'acheter une charge de trésorier de France à Caen, lorsque Bossuet le fit venir à Paris pour enseigner l'histoire à M. le Duc ; et il resta jusqu'à la fin de sa vie attaché au prince en qualité d'homme de lettres, avec mille écus de pension. Il publia son livre des Caractères en 1687, fut reçu à l'Académie française en 1693, et mourut en 1696.

Voilà tout ce que l'histoire littéraire nous apprend de cet écrivain, à qui nous devons un des meilleurs ouvrages qui exis tent dans aucune langue; ouvrage qui, par le succès qu'il eut dès sa naissance, dut attirer les yeux du public sur son auteur, dans ce beau règne où l'attention que le monarque donnait aux productions du génie, réfléchissait sur les grands talens

un éclat dont il ne reste plus que le souvenir.

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On ne connait rien de la famille de La Bruyère et cela est fort indifférent : mais on aimerait à savoir quel était son caractère, son genre de vie, la tournure de son esprit dans la société ; et c'est ce qu'on ignore aussi.

Peut-être que l'obscurité même de sa vie est un assez grand éloge de son caractère. Il vécut dans la maison d'un prince; il souleva contre lui une foule d'hommes vicieux ou ridicules, qu'il désigna dans son livre, ou qui s'y crurent désignés; il eut tous les ennemis que donne la satire, et ceux que donnent les succès; on ne le voit cependant mêlé dans aucune intrigue, engagé dans aucune querelle. Cette destinée suppose, à ce qu'il me semble, un excellent esprit et une conduite sage et modeste.

« On me l'a dépeint, dit l'abbé d'Olivet, «< comme un philosophe qui ne songeait qu'à vivre tranquille avec des amis et des <«< livres; faisant un bon choix des uns et << des autres; ne cherchant ni ne fuyant le plaisir; toujours disposé à une joie mo

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<< deste, et ingénieux à la faire naître; poli << dans ses manières, et sage dans ses dis« cours; craignant toute sorte d'ambition, << même celle de montrer de l'esprit. » Hist. de l'Acad. Franç.

On conçoit aisément que le philosophe qui releva avec tant de finesse et de sagacité les vices, les travers et les ridicules, connaissait trop les hommes pour les rechercher beaucoup; mais qu'il put aimer la société sans s'y livrer; qu'il devait y être très-réservé dans son ton et dans ses manières; attentif à ne pas blesser des convenances qu'il sentait si bien, trop accoutumé enfin à observer dans les autres les défauts du caractère et les faiblesses de l'amourpropre, pour ne pas les réprimer en luimême.

La Bruyère lut son ouvrage, avant de le publier, à M. de Malezieux, qui lui dit : Mon ami, ily a là de quoi vous faire bien des lecteurs et bien des ennemis. En effet le livre des Caractères fit beaucoup de bruit dès sa naissance. On attribua cct éclat aux traits satyriques qu'on y remarqua, ou qu'on crut y voir; et l'on ne peut pas douter que cette circonstance n'y contri

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