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ment formidable qui décidera de votre sort éternel. Ce n'est pas certes une foible preuve de la dégradation originelle de l'homme, que ces extravagances puissent trouver place dans son esprit. Mais fussent-elles autant de vérités incontestables, il faut lui apprendre qu'il ne sauroit encore en déduire aucun motif solide, pour se tranquilliser dans l'état d'indépendance absolue où il cherche à se placer. Car la Religion nous enseigne, qu'entre Dieu et l'homme, il existe un Médiateur qui, réunissant en soi la nature divine et la nature humaine, comble l'espace immense qui nous sépare du premier Être, et donne à nos hommages unis aux siens, à nos œuvres unies aux siennes, une valeur infinie. Dès-lors tous les prétextes fondés sur le néant de l'homme, pour se dispenser de rendre. à Dieu le culte qu'il exige de nous, s'évanouissent comme l'ombre. Notre infirmité naturelle, qui sembloit nous reléguer à jamais loin de l'Etre infini, sert même à nous faire comprendre l'énormité du crime que nous commettons, en violant les lois d'une société que Dieu a établie par des voies si merveilleuses.

Nous savons, et l'analogie seule nous conduiroit à juger, qu'il existe de pures intelligences plus parfaites que l'homme, et membres, ainsi que lui, de cette haute société dont le Médiateur est le lien. Mais il ne nous est point donné de pleinement

connoître la vaste hiérarchie des êtres spirituels, ni l'ensemble des lois qui les régissent. Il en est d'uniquement relatives à un état trop différent du nôtre, pour que Dieu ait voulu nous les découvrir. Il nous a départi la mesure précise de lumière dont nous avons besoin dans notre condition présente; mais rien de plus. En accordant à l'homme tout ce qui lui est nécessaire pour parvenir à sa fin, il lui refuse ce qui ne serviroit qu'à satisfaire sa vaine curiosité. Car, outre que la foi, pour être méritoire, doit être mêlée de ténèbres, et ressembler, suivant l'expression de l'apôtre, à une lampe qui luit dans un lieu obscur (1), il y a un ordre de connoissances que notre nature ne comporte point ici-bas; et, dans les connoissances où nous pouvons atteindre, un degré de clarté qui, loin de nous être utile, nous deviendroit très-dangereux, et dérangeroit complètement l'économie des desseins de Dieu à notre égard. Notre liberté, notre existence même dépendent de ce mélange de lumière et d'obscurité. Si nous apercevions toute la grandeur de l'ame humaine, sans découvrir en même temps les perfections infiniment plus élevées du souverain Être; ravis, sans pouvoir nous en défendre, d'une admiration désordonnée pour nousmêmes, nous tomberions à l'instant, comme l'ange

(1) B. Petri. Ep, II, cap. 1, 19.

rebelle, par l'orgueil. Et si Dieu, tout à coup se dévoilant, nous permettoit de contempler une foible partie de sa gloire, l'ame transportée briseroit ses organes, trop frêles pour résister à l'impétuosité des sentimens que cette vue exciteroit en elle.

On conçoit donc que les lois générales de la Religion se modifient selon la nature des différens êtres qu'elle unit, et selon les divers états où ces êtres se peuvent trouver. Ainsi l'homme, être mixte, a des devoirs relatifs à sa double nature et à sa condition présente; et comme il ne se conserve, et que ses facultés ne se développent, que dans l'état de société, Dieu a pris soin d'établir une société dépositaire des lois destinées à régler l'usage de ces facultés, ou à mettre l'ordre dans tout l'homme, dans ses pensées, ses affections, ses actions: société spirituelle à la fois et visible, parce que l'homme est esprit et corps; société une, parce que la Religion est une; société universelle, parce que la Religion est universelle; société perpétuelle, parce que la Religion est perpétuelle; société sainte ou parfaite, parce qu'elle est régie par des lois parfaites, sous l'autorité d'un parfait Monarque.

Quiconque se sépare de cette société fondée par le Médiateur, et gouvernée par lui, ne possédant aucun droit au bienfait de la médiation, est privé de tout moyen de communiquer avec Dieu. Il lui ravit la gloire qu'il vouloit tirer des homimages de

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sa créature, divinisés par leur union avec ceux du Médiateur, et se déclare assez grand pour s'unir à l'Être infini, sans l'intermédiaire de l'HommeDieu. Il se fait Dieu lui-même, en opposant sa raison à la raison divine, qui a jugé l'incarnation nécessaire pour établir cette étonnante société de l'homme et de son auteur. Il rebute la plus éclatante marque d'amour qu'ait pu lui donner le ToutPuissant. Il dédaigne ses bienfaits, se soulève contre ses volontés, trouble l'harmonie de la création, et là où l'Éternel, principe immuable de tout bien, avoit voulu réaliser une image de ses perfections, le force de contempler le mal. Ceux-là, certes, se forment une étrange idée de Dieu, qui le supposent insensible à un tel outrage. Plus il est parfait, plus l'indifférence est opposée à sa nature. Il hait souverainement le désordre; il l'a en horreur, comme l'homme a horreur de sa destruction; avec la différence que cette horreur est dans l'homme un sentiment aveugle et borné, tandis que la haine du désordre, commandée à Dieu par sa sagesse infinie, est infinie comme elle.

Or, la Religion renfermant toutes les lois auxquelles l'homme doit obéir, rejeter la Religion, c'est rejeter tous les devoirs ensemble; c'est rompre à la fois tous les liens de la société des intelligences, et se constituer dans le plus complet et le plus effroyable état de désordre où une créature libre se

puisse placer. Le ciel et la terre passeroient, plutôt qu'un si grand crime demeurât impuni; car le bouleversement de la nature physique, et l'anéantissement même de l'univers, seroient un mal infiniment moindre que la violation d'une seule règle de la justice.

Le peu d'importance qu'on affecte d'attacher à la Religion, vient de ce qu'on ne la connoît pas ; et le malheur est qu'on croit la connoître, parce qu'on en a beaucoup entendu parler, parce qu'on en a beaucoup parlé soi-même, sans en avoir d'autre idée que celle qu'on s'en est formée au hasard, sous l'influence de mille préjugés, et d'autant d'intérêts contraires à la vérité qu'on a de pas sions. Si l'on comprenoit seulement que la Religion est, dans le monde moral, l'unique moyen de l'ordre, on pourroit la haïr sans doute, comme on peut haïr Dieu; mais l'on cesseroit de la mépriser. Le crime de ceux qui la violent ne seroit pas moins énorme, mais il seroit moins stupide. Comme l'ange d'orgueil, ils choisiroient entre le bien et le mal, avec connoissance. La perversion de la volonté ne s'étendroit pas jusqu'à la raison. Ils épouvanteroient par leur audace désespérée, mais ils n'exciteroient pas cette pitié humiliante qu'inspire leur

imbécile dédain.

Qu'ils sachent donc qu'en créant l'homme à son image, c'est-à-dire, capable de connoître, d'aimer

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