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C'est pour être ému, et pour jouir du charme de l'imitation, que je vais au théâtre, et non pour admirer le musicien qui chante. Le vulgaire qui ne voit, n'entend, et ne sent que par les yeux, les oreilles et le cœur d'autrui, applaudit les trilles, les broderies, les sauts et les bords de la voix, comme il applaudissait au dix-septième siècle cette poésie ampoulée et extravagante, où l'on faisait suer le feu, et où l'on empoisonnait l'oubli avec de l'encre. Quel nom donner à une musique où le compositeur et le chanteur se disputent à qui confondra le sens des paroles? Cette sorte de musique n'est assurément ni italienne, ni latine, ni hébraïque; car je défie les personnes qui savent ces langues, d'entendre un seul mot des paroles que l'on chante.

Quand je vais à l'église ou à l'opéra, ce n'est point le chant des oiseaux que je veux entendre, mais la voix d'un homme qui parle doucement à mon esprit, à mon imagination, à mon cœur. ( Extrait d'une Dissertation de l'abbé Conti. )

Quel plaisir peut-on avoir à ces sortes de spec❤ tacles, dit M. Eximeno, en parlant de l'opéra ? A mon sens, la preuve la plus certaine de l'ennui qu'on y éprouve, c'est le bruit qu'on ne cesse d'y faire; il est vrai qu'à la fin de l'air, lorsque la cadence arrive, il règne un profond silence, et qu'après que le chanteur a parcouru d'une haleine une longue suite de sons qui ne signifient rien, le théâtre retentit

de cris et de battemens de mains les musiciens ne pourraient-ils pas s'excuser en alléguant ces deux

vers:

, giustc

E poichè paga il volgo sciocco à
Sciocamente cantar per dargli gusto.

Voyez le Traité dell'origine e delle regole della Musicu, par D. Eximeno. Roma, 1774.

DU JOUR A LA MER!

TRANQUILLES habitans des campagnes fertiles, que nous avons vues fuir sous l'horizon; diligens laboureurs, qui, dès l'aube du jour, allez, par un travail assidu, arracher à la terre votre modique subsistance; et vous, infatigables vignerons, qui, courbés sur le cep que vous avez planté, ne cultivez pas pour vous le doux fruit de la vigne; et vous, enfans des arts, qui, répandus dans les villes, préparez pour l'oisive opulence les instrumens du luxe et des délices, soit que vos bras robustes consacrés à la noble architecture, convertissent en palais la masse informe des carrières, soit que vos mains industrieuses rendent malléables les plus durs métaux; et vous, citoyens fortunés, qui, placés dans la classe

1 Note de l'editeur. Les Quatre Parties du Jour à la Mer ont été imprimées en 1785, mais sur une copie incomplète où ne se trouvait point la description des attérages et de l'échouement.

...

la plus désirable dans la société, entre l'abondance et le besoin, servez également l'un et l'autre par vos travaux publics ou domestiques.. ô hommes! qui que vous soyez, rendez grace à la nature bienfaisante, qui laisse tous les jours sous vos yeux, les lieux chéris où vous êtes nés ! Heureux celui qui ignore les merveilles et les périls de la navigation, art sublime, utile autant que funeste, produit de tous les arts et de la cupidité!

LE MATIN.

Heureux bergers, saluez l'aurore; que vos troupeaux bondissent sur l'herbe fraîche. La nature, attentive au grand spectacle qui se prépare, cesse d'être muette; l'odeur suave du matin s'est répandue dans vos campagnes; le chant des oiseaux s'est fait entendre; les sombres forêts reçoivent une impression de lumière; les couleurs sortent du néant, et la cime radieuse des montagnes annonce aux vallons l'astre du jour.

Ainsi vous aurez vu ses rayons bienfai

sans, tandis que nous, qui voguons vers les régions occidentales, voyons à peine pâlir l'étoile du matin. Cependant la proue du navire ne trace plus sur l'océan des sillons de flammes argentées. L'horizon, qui s'étend sous un voile dont l'épaisseur se dissipe, laisse apercevoir la triste uniformité de la plaine liquide. Le sommet des mâts s'est découvert; les voiles et les mancuvres se présentent à l'œil du maître qui les parcourt; le pilote n'a plus besoin des feux de l'habitacle pour observer l'aiguille aimantée; le gabier est déjà dans la hune; il aperçoit, il compte les vaisseaux qui voguent autour de nous à différens aires de vent. Le matelot, fatigué des veilles de la nuit, s'assied sur le tillac; il se réjouit d'apercevoir au lever de l'aurore les signes d'un vent favorable. Une étincelle sortie du sein de l'onde, peint d'or et d'azur les nuages amoncelés vers l'orient; le ciel s'enflamme; le soleil s'élance sur l'horizon. Où êtes-vous, légers habitans des airs, qui, par la variété de vos plumages et la mélodie de vos concerts, charmez les yeux et les oreilles ? C'est à vous qu'il appartient de célébrer la première heure d'un beau jour.

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