Obrazy na stronie
PDF
ePub

Et M. Tissot :

Plus de loups destructeurs, plus de rets ennemis
Qui surprennent le cerf ou les douces brebis.

Ne semble-t-il pas, dans ces deux versions, que les cerfs n'ont plus rien à craindre des loups, et que les brebis sont à l'abri des piéges ? Les vers suivans de M. Millevoye sont remarquables par leur contexture pénible; et, tout mauvais qu'ils sont, nous sommes persuadés qu'ils ont dû coûter à l'auteur beaucoup plus qu'un grand nombre d'excellens vers qui lui ont mérité des palmes académiques :

Daphnis, foulant l'olympe aux parvis inconnus,
Vois sous ses pieds, dans l'air, les astres soutenus.

Autour des hauts bercails les loups ne rôdent plus,
Et le cerf vient bondir sur les rets détendus.

M. Didot, cette fois-ci, a paraphrasé Virgile:
La douce et foible proie

N'a plus à redouter le tyran des forêts;

Sous le bois infidèle on ne voit plus les rets

Des chevreuils innocens méditer l'esclavage.

(Note de l'Éditeur.)

SILÈNE.

SUJET.

Silène, que la fable nous représente assis sur un âne, le front armé de cornes, avec un gros nez retroussé, rouge et enflammé, fut nourricier de Bacchus, et son précepteur. C'étoit une espèce de demi-dieu, toujours ivre, mais philosophe et plaisant. Ici, il enseigne à deux bergers la formation de l'univers. Jusqu'à présent, on avoit cru trouver dans cette histoire de la création du monde, telle que Virgile la raconte, l'exposition du systéme d'Épicure. M. l'abbé Desfontaines, après Dryden, prétend qu'il n'est nullement question du systéme des atomes; qu'on ne fait aucune mention de ces corps élémentaires, qui ne sont pas même nommés, à moins qu'on n'explique SEMINA par Atomes. Il a recours à une opinion un peu hasardée: il pense que Virgile pouvoit avoir lu la Genèse, et que ce poëte en tire ce qu'on lit dans cette églogue sur l'origine et la disposition primitive des choses. Silène passe ensuite au déluge, parle du règne de Saturne, du larcin de Prométhée. Il chante enfin divers traits de la fable, mais sans suite et sans ordre, ce qui n'en est que plus agréable. M. de Fontenelle auroit voulu plus de méthode, plus de liaison dans les récits de Silène. Il est surpris qu'un homme prié de chanter passe d'une chanson à une autre : il ne conçoit rien à cette pièce. Mais cette variété même d'objets que présente successivement Šilène, et la diversité des images, forment un agrément de plus. La poésie de cette églogue et le charme de la versification font regarder cette pastorale comme un chef-d'œuvre par tous ceux qui n'ont pas le goût dépravé, comme l'ont trop souvent les plus subtiles métaphysiciens. Rien n'empêche que cette pièce ne porte la même date que la précédente.

(*) Ma muse, la première, a daigné jouer sur la flûte du pasteur de Syracuse (a), et n'a point rougi d'habiter les forêts.

Lorsque je chantois les rois et les combats, le dieu de Délos me tira l'oreille et me dit: Il faut, Tityre, qu'un berger fasse paître ses brebis et se borne à des vers simples et champêtres. Je vais donc, ô Varus! (b) (assez d'autres seront jaloux de chanter tes louanges et de tristes guerres) je vais essayer des chansons pastorales sur un léger chalumeau. Je ne chante point sans l'aveu d'Apollon. Si quelqu'un cependant, si quelque amateur des bergeries lit aussi ces vers, ces bruyères, illustre Varus, tous ces bocages, lui répèteront votre nom. Il n'est point d'ouvrage plus agréable au dieu des vers que celui qui porte le nom de

Varus.

Poursuivez, Muses.

Deux jeunes bergers, Chromys et Moasile, virent Silène étendu et endormi dans un antre. (1) Il avoit, selon sa coutume, les veines enflées du vin de la veille. On voyoit à terre, loin de lui, des guirlandes tombées de sa tête; et un vasc pesant pendoit par une anse usée. Ils le saisissent (car souvent le vieillard leur avoit promis des chansons, et les avoit trompés) (c) : ils lui font

(*) Ma muse la première a daigné dans les bois, Du pasteur de Sicile emboucher le hauthois.

des chaînes de ces fleurs mêmes dont il s'étoit couronné. Églé se joint à eux et les enhardit, Eglé, la plus belle des naïades; et lorsqu'il ouvroit déjà les yeux sur elle, la nymphe lui ensanglante de mûres le front et les tempes. Pourquoi, dit-il, en riant de leur malice, pourquoi m'enchaîner ? Laissez-moi libre, mes enfans, contentez-vous de m'avoir montré ce que vous pouviez sur moi. Écoutez les vers que vous demandez. Les vers seront pour vous; pour Églé, je lui garde une autre récompense.

(*) En même-temps il commence. Alors vous eussiez vu les faunes et les animaux sauvages se jouer en cadence, et les chênes inflexibles agiter leurs cimes. Le mont Parnasse est moins sensible aux accords d'Apollon; le Rhodope et l'Ismare admirent moins le divin Orphée.

(**) Il chantoit (2) comment les principes de la

(*) Il commence. Aussitôt les animaux des bois
S'assemblent tous en foule autour du vieux Silène;
Les faunes, avec eux se jouant dans la plaine,
Marquent d'un pied léger les accens de sa voix,
Et les pins en cadence agitent leurs feuillages.

(**) Il chantoit tous ces corps, ces principes divers
De l'air, du feu léger, de la terre et des iners,
Qui dans le vide immense, épars à l'aventure,
S'unirent pour former les premiers élémens,
Ces élémens féconds, qui d'êtres différens
Par leur mélange heureux peuplèrent la nature.

terre, (d) de l'air, de la mer et du feu liquide, s'étoient rassemblés dans le vide immense; comment de leur union se formèrent tous les élémens, et le globe terrestre même encore tendre.

(e) Il dit comment la terre s'endurcit, comment les eaux, séparées d'elle, s'enfermèrent dans l'abyme, comment enfin la matière prit diverses formes. Il chante la terre étonnée de l'éclat du soleil naissant, et des eaux qui tombent sur elle de la hauteur des nuages. Il représente les forêts s'élevant du sein de la terre pour la première fois, et les animaux errant en petit nombre sur les montagnes alors inconnues.

Il parle des pierres jetées par Pyrrha, du règne de Saturne, des oiseaux du Caucase, et du larcin de Prométhée. Il joint à ces récits le malheur d'Hylas (f), il dit dans quelle source il fut précipité, tandis que les Argonautes l'appeloient, et que tout le rivage répétoit Hylas! Hylas! Il console Pasiphaé (g) brûlant pour un taureau plus blanc que la neige : heureuse si jamais il n'eût été de troupeaux! (3) Ah! malheureuse princesse ! quelle fureur te possède? Les filles de Prétus (h) ont rempli les campagnes de faux mugissemens, mais aucune d'elles ne s'est abandonnée à des desirs si honteux, quoiqu'elles eussent peur de voir leur cou sous le joug, et cherché souvent sur leur front uni des cornes naissantes. Ah! princesse infortunée! tu erres maintenant sur les montagnes; et lui, couché mollement à l'ombre d'un chêne,

« PoprzedniaDalej »