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du Thibet et les anglais du Bengale; un troisième entreprend de faire pénétrer des commerçans anglais jusque dans l'intérieur de la Chine. S'ils ne réussissent pas également, c'est du moins une chose bien frappante que cette persévérance à chercher les moyens de s'agrandir; cette sagacité à les démêler et cette activité à les saisir ; cette :; unité de vues, cette union de volontés qui forment le caractère distinctif d'une nation essentiellement commerçante. L'esprit de commerce est le seul qui intéresse directement les particuliers à l'agrandissement de la nation, le seul qui leur donne les moyens d'y coopérer d'une manière sensible; et c'est une alliance bien puissante que celle de l'intérêt des individus avec l'intérêt du gouvernement; que celle où tant de regards se tiennent toujours ouverts pour avertir et diriger un bras toujours prêt à agir.

Une autre chose à remarquer dans les écrits des anglais, est la simplicité du récit. Un anglais part pour un voyage sans aucune détermination prise sur la manière dont il doit envisager les choses, sur les choses même qu'il peut se proposer plus particulièrement d'observer; il n'a pas le

projet de faire de sa relation un corps d'ouvrage destiné à établir tel ou tel système. Il se met en route, observe également tout ce qui se présente à ses yeux, vous dit ce qu'il a vu et non ce qu'il a pensé, vous associe à sa marche beaucoup plutôt qu'à ses réflexions. Il ne cherche point à former votre opinion; mais après avoir pour ainsi dire voyagé avec lui, vous avez en arrivant une opinion toute formée sur les faits qu'il vous a présentés avec tant d'exactitude de là vient la supériorité des anglais dans la partie des voyages. On sent qu'on doit les croire, et dès-lors l'intérêt existe.

Par ce mot d'intérêt, je n'entends pas seulement celui que tout voyageur cherche à inspirer pour sa personne et ses aventures, et qui, dans un ouvrage de ce genre n'est jamais qu'un avantage secondaire, le moyen et non le but de l'ouvrage. Ce cannevas historique, qui sert de base à des faits curieux, à des observations utiles, a sans doute le mérite d'attirer l'attention du lecteur, d'attacher à des souvenirs locaux ces faits et ces observations qui autrement pourraient se confondre et se perdre dans sa mémoire;

mais ce serait un grand inconvénient, si l'on abusait de cette manière facile d'amuser l'imagination, et que l'historien étouffât l'observateur. Il est cependant quelques aventures qui, indépendamment de toute vue d'instruction, méritent par leur singularité, d'être recueillies et d'occuper une place parmi les voyages. Mais dans ce sens, les relations les plus intéressantes ne sont pas toujours les plus utiles. Certainement l'histoire d'un homme qui aura traversé des déserts, et couché sous les huttes des sauvages, qui aura été exposé à la cruauté des cannibales et à la rage des lions et des tigres, certainement, dis-je, cette histoire sera très-amusante; mais quels résultats bien curieux pouvons-nous en tirer? A peu de chose près, tous les sauvages se ressemblent, et ce n'est pas pour courir la chance d'être mangé des bêtes qu'il vaut la peine d'aller faire quelques milliers de lieues.

Généralement les peuples les plus curieux à observer sont les peuples à demi - civi lisés, ceux sur-tout auxquels la civilisation est venue du dehors, et chez qui elle ne s'est point formée insensiblement

du besoin et de l'habitude de la société. Ces peuples qui, éclairés sur quelques points par les lumières qu'ils ont empruntées à leurs voisins, sont restés sur tous les autrés dans une obscurité profonde., Cet exemple ne peut guère se rencontrer en Europe; cependant ce serait encore un voyage piquant que celui de la Russie, pour un homme qui n'aurait d'idée sur les russes, que d'après ceux qu'il aurait pu voir en France. Je crois aussi qu'après avoir soupé en bonne compagnie avec un pair d'Ecosse ou d'Irlande, on serait un peu étonné de se trouver transporté parmi des paysans irlandais, ou des monta gnards d'Ecosse. Mais ces contrastes doivent tous les jours devenir moins frappans parmi des nations dont la portion éclairée communique nécessairement à la longue des lumières à l'autre. Le lieu où il faut les chercher, c'est parmi ces nations à qui leur position ou la forme de leur gouvernement aôte le moyen d'acquérir de nouvelles lumières sans leur permettre de laisser périr celles qui leur sont acquises. Le Thibet en Asie, en Afrique, l'empire de Maroc, et peut-être dans un degré de civilisation

encore moins avancée, le royaume de Congo, peuvent servir d'exemple.

Je commence par le Thibet : c'est cette partie de la Tartarie qui confine au nord et à l'ouest à l'empire de la Chine : c'est l'empire et la résidence du dalai - lama, souverain pontife, et même dieu des chinois et des indous, e immortel comme on sait. C'est enfin des trois contrées que j'ai citées, la plus avancée dans la civilisation, et celle qui probablement restera le plus long-tems arrêtée à ce point auquel elle est depuis long-tems parvenue.

Les européens n'avaient eu jusqu'à présent que des notions vagues et incertaines sur l'existence du dalai-lama, et l'intérieur des pays soumis à son obéissance; ce fut vers la fin du siècle qui vient de se terminer, que la compagnie anglaise de Calcutta trouva moyen de faire pénétrer successivement dans le Thibet plusieurs envoyés, dont la mission était de tâcher d'établir quelques communications entre les thibétains et les anglais du Bengale, et par là, s'il était possible, d'arriver enfin jusqu'à la Chine. Le dernier de ces envoyés fut M. Turner, qui passa au Thibet, en 1783.,

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