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. chaud; il n'excitera point la haine qui ne poursuit que les grands talens et les rares vertus ; il s'estimera comme il estimera tous ceux qui l'environneront, sans examen, sans préférence et sans jalousie. On ne lui fermera pas le palais de la fortune, dont on sera sûr qu'il ne briguera point les premières places; n'ayant pas d'élévation, il se fera des protecteurs; il ne remuera pas le destin des empires, mais le sien sera tranquille; il remplira ses obligations de façon à éviter la censure, et à ne pas mériter la louange, et il mourra sans former et sans laisser de regrets.

Tout ce que j'ajouterais ne serait qu'un commentaire inutile de ces mots admirables, qui renferment tout ce qu'il faut savoir et pratiquer pour être heureux : facere officium taliter qualiter, sinere ire tempus ut vult ire, et semper benè dicere de domino priori. Ces préceptes sont ceux d'un philosophe, de l'illustre ami du grand Pentagruel, qui avait été captif, amoureux, pourfendeur, qui buvait largement, mariait les vieilles, caressait les jeunes, obtenait des pardons, savait dix langues, et avait soixantetrois manières de gagner de l'argent.

Comment se refuser à une autorité si grave? qu'opposer à de telles maximes? comment les gens médiocres pour qui elles ont été dictées, peuvent-ils se résoudre à s'en écarter? par quelle étrange manie veulent-ils être des personnages, de petits intrigans, de froids écrivains, des critiques platement méchans? pourquoi cherchentils à cabaler, à tracasser, à noircir? pourquoi entreprennent-ils de décider? pourquoi abandonnent-ils une place commode pour en enlever une autre dans laquelle ils sont importuns, ridicules et malheureux? pourquoi affligent-ils la société par cette même médiocrité qui était le gage de l'obscurité et de la paix?

Mais a-t-on bien compris toutes les beautés du passage latin que j'ai cité? est-on assez pénétré de son excellence? pourraiton y opposer un volume entier de quelque moraliste que ce soit, plus fécond en conséquences utiles? Ne voit-on pas que chaque mot est si plein de sens, qu'il n'en faut ni un de plus ni un de moins pour former le plan d'éducation le plus complet?

Faire son devoir tellement quellement : on est d'abord un peu surpris de ce conseil;

mais plus on le médite, plus on en admire la sagesse, plus on en aime la simplicité. Si vous faites trop mal, vous serez puni; si vous faites trop bien, vous serez persécuté. Il n'y a que le tellement quellement qui soit exempt d'inconvénient; c'est le point juste au-delà et en-deçà duquel il n'y a que danger. Félicitez-vous' donc de ce .que la seule bonne position qu'on ait pu vous indiquer soit la plus facile à prendre et à garder.

Laisser aller le tems comme il veut aller : voilà un de ces axiômes qui, comme l'a dit Bâcon, sont faits avec l'expérience: celle de tous les siècles a enseigné que pour vivre riche, applaudi et content, il ne fallait point attaquer l'homme injuste, se révolter contre l'oppresseur, ridiculiser la sottise, et que, fût-il en son pouvoir de confondre l'imposteur, de défendre l'innocence et de faire pâlir le tyran, il faudrait rejeter loin de soi ces projets hasardeux, parce qu'il sera toujours infiniment plus sûr et plus aisé de laisser aller le monde comme il veut aller.

Quelque sublime que soit ce précepte, j'avouerai qu'il ne suffisait pas; il n'était

:

que négatif aussi notre auteur en a-t-il ajouté un plus ferme, plus décisif, et qui doit à la fin vaincre toutes les résistances: C'est de dire toujours du bien de M. le prieur.

La finesse et la profondeur de ce grand mot toujours ne vous échappent pas. Vous entendez bien que, quoi que M. le prieur puisse dire ou faire, il faut toujours le louer, fût-il aussi bizarre que Tibère, ou un imbécille tel que Claude, ou un fou furieux comme Néron. Prodiguez les éloges, et le prieur vous prodiguera ses faveurs.

Si l'on n'a pas quelques motifs secrets d'animosité contre Panurge, on ne niera pas qu'il n'ait enseigné tout ce qu'il était nécessaire d'apprendre, et que la science du bonheur ne se trouve dans les trois sentences que cet homme de génie nous a laissées.

DEVAINES.

SUR

LES ANGLAIS, LES VOYAGES,

LE THIBET, MAROC ET LE CONGO.

J'AI

A vu beaucoup d'anglais entreprendre des voyages pour leur plaisir; mais je n'ai guère lu de relations que de ceux qu'ils ont fait pour leurs affaires. Nous aimons à parler de ce qui nous réussit le mieux, et les anglais qui choisissent quelquefois mal leurs plaisirs, font presque toujours bien leurs affaires. Il m'a passé sous les yeux depuis quelque tems beaucoup de relations de voyages dans l'Inde, et tous faits par des anglais, tous par des ambassadeurs, qui tous ont été envoyés avec le même but, et presque les mêmes instructions. L'un va au royaume d'Ava, régler des inté rêts de commercé entre les anglais et les birmans; un autre cherche à établir des relations commerciales entre les habitans

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