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L'AMPHITHEATRE

ROMAIN

DE TOURS,

D'APRÈS LES CHARTES.

Après la belle découverte de l'amphithéâtre romain de Tours, faite au mois de mai 1853 par la Société archéologique de Touraine, et sur laquelle il faut lire l'importante note de M. le général de Courtigis et le savant rapport de M. de Galembert 2, il n'est pas sans intérêt d'étudier le curieux texte du diplôme du 27 juin 919, qui a mis sur la voie du monument et circonscrit l'espace dans lequel on devait le chercher.

Ce diplôme avait été déjà publié trois fois : la première en 1724, par Martène dans l'Amplissima collectio3, d'après un manuscrit de la bibliothèque de Colbert; Bouquet reproduisit la même leçon dans la collection des Historiens des Gaules *; enfin, le chapitre de Saint-Martin de Tours en donna également une édition, d'après un diplôme original de l'année 1311 du roi Philippe le Bel, qui vidime et confirme le privilége du roi Charles le Simple 5.

Me fondant sur ces textes, j'avais, dès 1847, exprimé l'opinion que l'emplacement des arènes de Tours devait se trouver dans le voisinage de la porte d'Orléans et de l'église de la Bazoche ". Déjà, du reste, le savant bénédictin Housseau avait tiré du di

1. Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t. V, p. 28-42. 2. Ibid., t. V, p. 236-255.

3. T. I, col. 273.

4. T. IX, p. 542.

5. Plaquette in-fol. de cinq pages imprimées, sans lieu ni date.

6. Mém. de la Société archéol. de Touraine, t. IV, p. 5.

III. (Quatrième série.)

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plôme de Saint-Martin les mêmes conclusions que moi', et Chalmel lui-même avait dit que l'amphithéâtre de Tours était situé non loin de l'église de la Bazoche 2, quoiqu'il ne mentionnat pas sur quel texte ou sur quel fait il basait son opinion.

Malgré toutes ces indications, personne ne soupçonnait que ce grand débris de la magnificence romaine pût encore exister à Tours, lorsque, dans la séance du 18 mars 1853, en citant de nouveau le diplôme de l'an 919, en désignant d'avance, d'après quelques substructions entrevues, et d'après la configuration du terrain, l'espace circonscrit entre la rue du Général Meunier et l'établissement des Orphelines, j'amenai la Société archéologique à nommer une commission pour visiter, étudier et décrire les antiquités gallo-romaines de Tours, et spécialement celles du cloître Saint-Gatien 3. Le succès a dépassé toutes les espérances: l'enceinte entière de Cæsarodunum avec une porte et un grand nombre de tours, de belles inscriptions romaines, des fragments considérables de colonnes, de moulures, de sculptures, de pilastres et d'ornements, enfin un amphithéâtre relevé géométriquement par M. de Courtigis, tel fut le résultat de nos explorations sur le terrain désigné.

Je reviens au texte dont j'ai promis l'examen. Je ne crois pas utile de reproduire le diplôme dans son entier, parce que les collections que j'ai indiquées peuvent être consultées par tout le monde", mais je citerai le passage qui concerne les arènes.

Par ce diplôme, qui porte la date du 27 juin 9195, le roi

1. Mss. de la Bibl. imp., col. Housseau, t. XXIV. M. Lambron de Lignim a publié ces notes dans les Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t. IV, p. 59. 2. Hist. de Touraine, t. I, p. 72.

3. Mém. de la Société archéol. de Touraine, t. IV, p. 53, et t. V, p. 236-255. 4. Il existe, en outre à la Bibliothèque impériale plusieurs copies de cet acte, dont voici l'indication: Coll. Bal. n. 47, fol. 167-170, copie autogr. de Duchesne. - - Coll. Bal. n. 282, fol. 47-51 et 119-120, copie incomplète; fol. 57 à 75 copie du XVIe siècle; fol. 76-81, copie de 1671 d'après vidimus.- Coll. Dupuy, n. 657, fol 11-14 copie d'après la Pancarte Noire. Le diplôme original était encore conservé en 1780 aux archives de Saint-Martin de Tours, et il était transcrit au fol. 9 ro de la Pancarte Noire et au fol. 14 vo de la Pancarte blanche.. M. Haureau a publié de nouveau ce diplôme, dans le tome XIV du Gallia Christiana, instrumenta, pag. 55-59.

5. Il me semble superflu de réfuter ici la date du 24 juin 925, qu'un membre de la Société archéologique de Touraine avait assignée à ce document (Mémoires, VI, 132 En voici le texte : Datum quinto kalendas julii, indictione septima, anno vicesimo septimo, regnante Carolo rege glorioso, redintegrante vicesimo secundo, largiore vero hereditate indepta VIIo.

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Charles le Simple confirme, à la prière de Robert, abbé de SaintMartin et frère du roi Eudes, toutes les possessions et tous les priviléges concédés par les rois ses prédécesseurs, à l'abbaye de Saint-Martin de Tours, et spécialement le droit de frapper une monnaie particulière. Parmi les domaines confirmés par le roi de France, on remarque « des terrains avec la Salle nommée au<«<trefois Maudite, et qui s'appelle maintenant la Maison-Dieu, à « cause de la réception du corps de saint Martin, avec le mur (de la ville) et une poterne; ces terrains, situés dans l'en« ceinte des murs de la ville de Tours, ont depuis la porte d'Or« léans jusqu'aux Arènes quatre-vingt-seize perches de superficie; « les chanoines de Saint-Martin donnant en échange à l'abbé Hugues, pour l'habitation du comte, également dans l'intérieur de la ville, quatre-vingt-seize perches de terrain, du côté de « la Loire, avec une église, le mur (de la ville) et une poterne. Areas cum sala, quæ quondam dicebatur Maledicta, quæ modo propter receptionem sancti Martini Domus Dei dicitur, intra muros Turonicæ urbis sitas, cum muro et posterula, habentes in circuitu a porta Aurelianensi usque ad ARENAS perticas nonaginta sex; dantes pro ipsis domino Hugoni abbati, ad comitatum, similiter intra ipsam civitatem perticas nonaginta sex, ex parte Ligeris, cum ecclesia et muro atque posterula'.

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Il s'agit, comme on le voit, d'un échange de terrains d'égale contenance entre les chanoines de Saint-Martin de Tours et leur abbé Hugues.

Les terrains donnés par l'abbé Hugues sont situés dans l'intérieur des murs de la ville et occupent, depuis la porte d'Orléans jusqu'aux Arènes, une superficie de quatre-vingt-seize perches.

L'antique enceinte de la cité gallo-romaine de Tours existe encore dans son entier, comme je l'ai dit, et a été tracée avec la plus grande exactitude sur le plan annexé au tome V des Mémoires de la Société archéologique de Touraine. Elle est d'ailleurs décrite minutieusement dans ce volume; je n'entrerai donc dans aucun détail à ce sujet. La porte d'Orléans s'ouvrait nécessairement dans la partie des murs qui est du côté d'Orléans, c'est-à

1. La leçon donnée par les bénédictins porte : Ad Arenas perticas nonaginta sex dantos, quod ipsis domino...; celle que j'adopte est celle des manuscrits, et est aussi claire que l'autre est incompréhensible.

dire à l'est. Je n'ai pas trouvé d'autre document ancien où soit mentionnée cette porte, dont il ne reste plus aucun vestige. Elle était située à l'extrémité orientale de la Grande-Rue, cette artère principale, qui traversait la cité entière de l'est à l'ouest', à l'endroit même où s'arrête aujourd'hui le mur gallo-romain. Les anciens plans la désignent sous le nom de porte de la Tour-FeuHugon.

Les mots areas habentes in circuitu perticas nonaginta sex ont laissé d'abord quelque incertitude dans mon esprit. Le rédacteur de la charte voulait-il exprimer par là que l'on mesurait quatre-vingt-seize perches linéaires en faisant le tour des terrains concédés? Voulait-il dire qu'ils avaient quatre-vingt-seize perches de superficie? Je n'ai retrouvé cette expression que dans trois chartes, mais elles appartiennent à la Touraine et au dixième siècle, et autorisent de la manière la plus certaine la dernière interprétation. La première est un acte du 30 octobre 909, en faveur de l'abbaye de Saint-Martin; nous y lisons: Concedimus alodum quendam, hoc est, terram arabilem, habentem in se totum in circuitú perticas CCCXLI, ad perticam legitimam de pedibus VII et medio ac digitis III, in qua terra arabili idem domnus Gauzuinus de vinea arpennes II jam plantatos habebat2. Une seconde pièce, tirée du même chartrier, est du 25 mars 920 et ne jette aucune lumière sur la question: Dedit.. peciolam de terra.. habentem totum in circuitu perticas XXXVI; et insuper dedit.. alodellum tertium.., habet totum in circuitu perticas XXXIV3. Enfin, le troisième document, daté du 3 mai 943, et provenant des archives de Marmoutier, porte: Alodum.. condonamus, habentem in se... totum in circuitu arpennes CLX. Le doute n'est plus permis, l'arpent a toujours été une mesure de superficie et jamais une mesure de longueur, tandis que la perche servait pour les deux usages. La charte de 909 montre en outre qu'il existait alors une perche légale de sept pieds et demi et trois doigts de longueur, et que trois

1. De nos jours on lui a enlevé cette dénomination, et elle porte maintenant les noms de rue du Faubourg Saint-Pierre-des-Corps, rue de la Caserne, rue Colbert, rue du Commerce, place aux Fruits, rue du Grand-Marché, place Victoire, et rue du Faubourg-Notre-Dame-la-Riche.

2. Bibl. imp., collection Baluze, 76, fol. 85 ro.

3. Ibid. fol. 93 ro.

4. Martène, Histoire de Marmoutier, 2e partie, t. I, charte 23° ( résidu SaintGermain, n. 974).

cent quarante et une perches carrées faisaient plus de deux arpents'. En Touraine, l'arpent, usité encore en 1794, était composé de cent chaînées ou perches carrées; mais la valeur de la perche a beaucoup varié, et on en trouve depuis sept pieds et demi de longueur jusqu'à trente pieds. H est également incertain que l'arpent fût constamment composé de cent perches carrées. Des éléments aussi variables ne pourraient donc donuer qu'une évaluation très-douteuse des quatre-vingt-seize perches dont parle le diplôme.

Je reviens à mon texte.

Du terrain concédé faisait partie l'édifice appelé autrefois Salle Maudite, et qu'on nomme maintenant, dit le diplôme de l'an 919, la Maison-Dieu, depuis qu'on y a reçu le corps de saint Martin. La détermination du lieu où fut déposé pendant quelque temps le corps de l'évêque vénéré se rattache à l'un des faits les plus mémorables de l'histoire de Touraine. Je ne ferai que le rappeler en deux mots, parce que j'ai déjà traité cette question dans l'introduction au Supplément des chroniques de Touraine.

En 843, une bande de Normands, sous la conduite d'Hasting, vint mettre le siége devant la ville de Tours. Un assaut furieux fut donné, la brèche était pratiquée, et les assiégés allaient céder au choc impétueux des Barbares, lorsque parut au haut du rempart la chasse qui contenait les reliques vénérées de saint Martin. A cette vue, les Tourangeaux reprirent courage, culbutèrent à leur tour les Normands et les forcèrent à une fuite honteuse. « Dans cet endroit de la ville, où le corps de saint Martin, déposé sur la muraille, devint le premier gage de la victoire, << existaient des ruines de vieilles constructions que l'on préten« dait avoir été le palais de Valentinien. C'est là qu'assis or« gueilleusement sur son tròne, cet empereur avait dédaigné de « se lever devant saint Martin, jusqu'à ce qu'un feu subit, consu« mant son siége, le forcat à rendre au saint l'honneur qui lui « était dû. Sur cet emplacement l'archevêque de Tours, avec le «< concours pieux de son peuple, construisit en l'honneur du « saint l'église qu'on appelle Saint-Martin de la Basoche 2. » De

1. En supposant que le pied romain fût encore en usage à cette époque, et en admettant qu'il correspondait à om,296296, on trouve que la longueur de cette perche légale équivaudrait à 2m,1377.

2. In eo autem urbis loco quo corpus ejus, supra murum pernoctans, victoriæ pr

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