Obrazy na stronie
PDF
ePub

CATULLE, ou pour m'exprimer avec plus

d'exactitude, Caïus Valerius Catullus, naquit à Vérone l'an 668 de la fondation de Rome, quand les lettres et les arts venaient enfin de s'introduire chez les romains, qui jusqu'alors ne connaissaient d'autre vertu que la force et le courage, d'autre science que la discipline militaire, et d'autre gloire que celle de vaincre.

[ocr errors]

Huit ans s'étaient à peine écoulés depuis que les censeurs Cnæus Domitius Enobarbus, et Lucius Licinius Crassus, avaient porté un édit par lequel les grammairiens et les philosophes étaient bannis de Rome, comme corrupteurs de la jeunesse ; et sans doute il fut difficile d'inspirer le goût des occupations douces et des tranquilles études, qui seules peuvent orner l'esprit et polir les mœurs, à des républicains féroces, accoutumés aux spectacles de sang, toujours occupés de combats, presque toujours vainqueurs, terribles et menaçans lors même qu'ils étaient vaincus, et conser

vant dans leurs défaites tout l'orgueil de leurs prétentions et de leurs espérances, comme si le ciel leur eût révélé le secret de leur destinée.

Il n'est guères permis de douter que Catulle n'appartînt à une famille considérable et distinguée; c'était chez Valerius son père, que descendait et logeait César, toutes les fois qu'il passait par Vérone; et l'on voit encore aujourd'hui, dans la presqu'île du lac voisin de cette ville, les restes d'un ancien édifice qu'on croit avoir été sa maison de campagne, la même qu'il a chantée en vers si charmans, et dont le séjour lui fit oublier ses peines et ses

travaux.

Dès ses plus jeunes années, Catulle se rendit à Rome, où, comme s'ils eussent voulu se faire pardonner la longue résistance qu'ils avaient opposée à l'instruction, les citoyens les plus distingués de la république s'empressaient à l'envi d'apprendre et d'enseigner l'art de la parole; art qu'on ne perfectionne jamais sans perfectionner en même tems celui du raisonnement et de la pensée. Il y trouva l'éloquence latine déjà portée à un si haut degré de perfec

tion, que les grecs en avaient conçu de la jalousie, et craignaient de perdre le seul avantage qu'ils eussent conservé sur leurs vainqueurs.

Cicéron faisait souvenir de Démosthène car il lui fut impossible de le faire oublier; Saluste peignait les vices et les mœurs de son tems avec le peinceau de Thucidide; Cornelius-Nepos esquissait l'imposant tableau de tout ce qui s'était passé jusqu'alors sur la vaste scène du monde; Varron, après avoir exercé les grandes charges de la république, consacrait tous ses momens à la culture des lettres, et traçait à ses concitoyens l'histoire de leur langue, de leur origine, de leur religion et de leur gouvernement; Lucrèce parait la philosophie des charmes d'une poésie qui réunissait àla-fois le caractère de la simplicité et celui de la majesté; le même homme qui méditait la destruction de la république s'occupait de perfectionner l'art de bien parler et de bien écrire; César analysait les mots, les syllabes, et ne croyait point s'abaisser en descendant aux fonctions du grammairien le plus scrupuleux. Voilà par quels hommes s'ouvrit ce siècle à jamais mémo

rable, où les romains acquirent une domination bien plus glorieuse et bien plus durable que celle où les avait conduits le succès de leurs armes et de leur politique.

"Lorsqu'il s'agit de la grandeur des romains, on n'est ordinairement frappé que de l'audace de leurs entreprises, de l'éclat de leurs succès et de l'étendue de leur puissance; on ne remarque pas que ce fut surtout par leur attention à cultiver les arts de la paix ainsi que ceux de la guerre, que fes romains se montrèrent véritablement grands. Les Scipion, Les Lælius', les Lucullus, les Caton, les Jules- César furent à-la-fois généraux et philosophes, hommes d'état et hommes de lettres. Ainsi, de nos jours, deux héros unis par les liens de la fraternité, doués des mêmes talens et couronnés des mêmes lauriers, ont su, par le noble usage qu'ils font du repos, étendre leur gloire au-delà de leurs travaux et de leurs succès militaires.

Les talens du jeune Catulle se firent bientôt remarquer; en très-peu de tems, il vit au nombre de ses amis les personnages les plus instruits et les plus célèbres, parmi

lesquels je me contenterai de nommer Cicéron, qui, de l'aveu de notre poëte, lui rendit un service important, celui peutêtre de plaider en sa faveur, et CorneliusNepos son compatriote, à qui il dédia une partie de ses ouvrages.

Cependant Catulle brûlait de connaître la partie des arts et des lettres, et de s'abreuver aux sources mêmes du savoir, du bon goût et de la véritable politesse, celle de l'esprit et des mœurs; jamais desir ne fut plus ardent ni plus promptement satisfait. Munimius partait pour la Bythinie en qualité de prêteur, et Catulle fut nommé pour l'accompagner; il parcourut les prinpales villes de l'Asie, et vraisemblablement c'est à ce voyage que la poésie latine fut redevable de ces grâces naïves et piquantes, de ces tournures aimables et faciles, de cet art de traiter avec élégance et avec pureté les sujets les moins purs et les plus libres, de ce bon ton, de cet enjouement dont la Grèce avait fourni le modèle, dont elle seule offrit jusqu'alors l'exemple, et que les romains désespéraient de pouvoir jamais faire passer dans leur langue.

« PoprzedniaDalej »