ANTIGONE.

Non, te dis-je, on pourra lui ravir fa conquête.
Viens, je confìrai tout à ton zèle, à ta foi,
J'aurai les loix, les Dieux, & les peuples pour moi.
Fuyons pour un moment ces pompes qui m'outragent,
Entrons dans la carrière où mes deffeins m'engagent,
Arrofons, s'il le faut, ces afyles fi faints,

Moins du fang des taureaux, que du fang des humains.

Fin du premier acte.

ACTE

Les trois portes du temple font ouvertes. Quoique cette Scène, & beaucoup d'autres fe paffent dans l'intérieur du temple, cependant, comme les théatres font rarement conftruits d'une maniére favorable à la voix, les acteurs font obligés d'avancer dans le périftile; mais les trois portes du temple ouvertes, défignent qu'on eft dans le temple.

Quoi

L'HIER OPHANT E.

Uoi! dans ces jours facrés! quoi! dans ce temple
augufte,

Où Dieu pardonne au crime, & confole le jufte,
Une feule prêtreffe oferait nous priver

Des expiations qu'elle doit achever!

Quoi ! d'un si faint devoir Arzane se dispense ! ¦
UNE PRETRES SE. (*)

Arzane en fa retraite, obstinée au filence,

Arrofant de fes pleurs les images des Dieux,

(*) Ce rôle doit être joné par la prêtreffe inférieure qui est atzachée à Statira.

Seigneur, vous le favez, fe cache à tous les yeux.
En proye à fes chagrins, de langueurs affaiblie,
Elle implore la fin d'une mourante vic.

L'HIER OPHANT E.

Nous plaignons fon état, mais il faut obéir;
Un moment aux autels elle pourra fervir.
Depuis que dans ce temple elle s'elt enfermée,
Ce jour est le feul jour où le fort l'a nommée.
Qu'on la faffe venir. (*) La volonté du Ciel
Demande fa présence, & l'appelle à l'autel.
De guirlandes de fleurs par elle couronnée
Olimpie en triomphe aux Dieux fera menée.
Calandre initié dans nos fecrets divins,

Sera purifié par fes auguftes mains.

Tout doit être accompli. Nos rites, nos mistères,
Ces ordres que les Dieux ont donnés à nos pères,
Ne peuvent point changer, ne font point incertains,
Comme ces faibles loix qu'inventent les humains.

SCENE II.

L'HIEROPHANTE, PRETRES, PRETRESSES, STATIRA.

V

L'HIERO PHANTE à Statira.

Enez; vous ne pouvez, à vous-même contraire,

1 4

(*) La prêtreffe inférieure va chercher Arzane

Refufer

Refufer de remplir vôtre faint ministère.
Depuis l'inftant facré qu'en cet afyle heureux
Vous avez prononcé d'irrévocables vœux,
Ce grand jour eft le feul où Dieu vous a choifie
Pour annoncer fes loix aux vainqueurs de l'Afie.
Soyez digne du Dieu que vous repréfentez.
STATI RA

(Couverte d'un voile qui accompagne fon vifage fans le ca-
cher, & vêtue comme les autres prêtreffes.)

O Ciel! après quinze ans qu'en ces murs écartés,
Dans l'ombre du filence au monde inacceffible,
J'avais enfeveli ma deftinée horrible,

Pourquoi me tires-tu de mon obscurité ?
Tu veux me rendre au jour, à la calamité.
(à l'Hierophante.)

Ah! Seigneur, en ces lieux lorfque je fuis venue,
C'était pour y pleurer, pour mourir inconnue.
Vous le favez.

L'HIER OPHANT E.

Le Ciel vous prefcrit d'autres loix;
Et quand vous préfidez pour la premiére fois
Aux pompes de l'himen, à nôtre grand miftère,
Vôtre nom, vôtre rang ne peuvent plus fe taire;
Il faut parler.

STATIR A.

Seigneur, qu'importe qui je fois?
Le fang le plus abject, le fang des plus grands Rois,

Ne

Ne font-ils pas égaux devant l'Etre fuprême ?
On eft connu de lui bien plus que de foi-même.
De grands noms autrefois avaient pû me flatter;
Dans la nuit de la tombe il les faut emporter.
Laiffez moi pour jamais en perdre la mémoire.

L'HIEROPHANT E.

Nous renonçons fans doute à l'orgueil, à la gloire ;
Nous penfons comme vous: mais la Divinité
Exige un aveu fimple, & veut la vérité.

Parlez... Vous frémiffez!

STATI R A.

Vous frémirez vous-même.

(Aux prêtres & aux prêtresses. )

Vous qui fervez d'un Dieu la majefté fuprême, Qui partagez mon fort à fon culte attachés, Qu'entre vous & ce Dieu mes fecrets foient cachés.

L'HIER OPHANT E.

Nous vous le jurons tous.

STATIRA.

Avant que de m'entendre,

Dites moi s'il eft vrai que le cruel Caffandre

Soit ici dans le rang de nos initiés?

L'HIEROPHANT E.