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gagé dans une guerre civile, et avoit pris les armes contre son souverain par un pur esprit d'intrigue et de galanterie, sans aucune vue grande ni utile: il vécut tranquille et honoré, et emporta en mourant la réputation d'un des plus honnêtes hommes de son siècle. L'héritier de son nom, avec plus de vertu que lui, prit une part très-active à la révolution de 1789, dans la seule vue de servir la cause de la liberté et de l'humanité il périt sous les glaives des assassins, victime de cette révolution, comme l'ont été la plupart de ses principaux chefs, qui n'ont eu ni assez d'habileté pour en diriger le cours, ni assez de lumières pour en prévoir les effets.

:

S.

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On m'a engagé à faire un livre. J'ai re-
présenté que ce droit n'appartenait qu'aux
hommes que le génie presse de produire
et auxquels il accorde la puissance d'an-
noncer des vérités nouvelles, ou de créer
de nouveaux plaisirs; qu'il était au moins
inutile de se tourmenter pour ne point ins-
truire, peut-être ennuyer, et ne faire autre
chose que rajeunir par le style (supposé
encore qu'on pût avoir un style), ce qui
avait été pensé, dit ou redit jusqu'à sa-
tiété. On n'a pas assuré positivement que
j'avais du génie, mais on me l'a fait en-
tendre. On m'a ensuite démontré que mon
objection n'arrêtait personne ; qu'on se fai-
sait une grande réputation avec un petit
ouvrage; qu'avec des prôneurs je serais
bientôt de plusieurs académies, et
et que,
si

je n'acquérais pas la gloire, j'obtiendrais la célébrité. On m'a cité un grand nombre d'exemples alors j'ai pris la plume, et j'achève en ce moment des Considérations sur les Mours.

:

On m'observera que par malheur mon livre est fait, et qu'on m'a tout pris, jusqu'à mon titre; et l'on ajoutera que la confidence que je vous fais vous est aussi indifférente qu'à vos abonnés. Je crois qu'on se trompe sur tous ces points.

On met si souvent des titres nouveaux à des ouvrages anciens, que je pourrais bien faire, comme un autre, cette petite supercherie au public; mais je veux me servir de celui qui s'applique le mieux à mon sujet. Je connais bien le livre de Duclos ; et quoiqu'il soit plus piquant que profond; qu'on y trouve plus de saillie que de suite, plus de finesse que de grâces; que son style soit sec, son ton dogmatique; et qu'en traitant des mœurs il n'ait pas dit un mot des femmes qui ont une si grande influence sur les mœurs, je ne déclare pas moins que ce livre est du petit nombre de ceux qu'on fait très-bien de relire. Mais il y`a quarante ans qu'il a paru. Certainement,

que

si pendant cet intervalle le fond des mœurs, des siècles ne changent point, est resté le même, les formes que Duclos a peintes ont vieilli. Cet auteur a subi le sort commun à tous les moralistes. Il n'y a que trop aujourd'hui de ces êtres vils et féroces, qui, se jouant de ce qu'il y a de plus doux et de plus sacré sur la terre, l'amitié et la vertu, en prennent le masque pour porter le désordre, la ruine et le désespoir dans la famille de l'homme honnête, sensible et confiant ; mais ils n'emploient pas le langage du Tartuffe. On voit encore des femmes qui tiennent bureau d'esprit, qui fatiguent autant par celui qu'elles montrent que par celui qu'elles exigent ; qui veulent qu'on en ait, ou plutôt qu'on en fasse sans relâche. Elles ne causent point avec une négligence aimable, elles dissertent avec un pénible effort; elles agitent constamment des questions rebattues de littérature; leur conversation est un travail, et ceux qu'elles y admettent sont des athlètes qui s'observent avec inquiétude; qui font et. repoussent dés attaques, et auxquels il n'est jamais permis de déposer les armes. Ces femmes cependant paraissent n'avoir rien

de commun avec les Femmes savantes de Molière. Le Financier, qui a plus de ridicules, n'en a aucun de ceux de Turcaret. Et ces portraits de la Bruyère, si vigoureusement peints, où le trait est si marqué, et dont il avait sans doute les originaux sous les yeux, ne ressemblent plus. Je suis persuadé que chez la nation la plus mobile de la terre, qui a autant d'ardeur que d'inconstance dans ses goûts, et qui étend l'empire de la mode jusque sur les vices et les vertus, on pourrait publier tous les vingt ans des observations neuves sur les mœurs. En méditant ensuite les écrits qui les représenteraient avec fidélité, en confrontant les différentes époques, en établissant les analogies et les différences, le philosophe parviendrait à marquer les progrès ou la décadence de l'esprit humain et à en faire l'histoire.

Vous conviendrez que, quand même Duclos aurait fait un excellent livre, il suffirait que le mien fût autre pour n'être point sans mérite. Il ne sera pas non plus sans utilité, si mes moyens répondent à mes. vues. Enfin, je ne le crois pas sans intérêt

pour vous.

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