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AP .71624

THE

HIBBERT JOURNAL

DE

DE LA SITUATION RELIGIEUSE L'EGLISE CATHOLIQUE ROMAINE, EN FRANCE, A L'HEURE ACTUELLE.

PAUL SABATIER.

La direction du HIBBERT JOURNAL m'a fait l'honneur de me demander une étude sur la situation religieuse en France. Le sujet est singulièrement complexe et délicat. Il l'est d'autant plus qu'il est traité de tous côtés avec ardeur; mais beaucoup de ces essais, partis des points les plus opposés, ont un même défaut leurs auteurs paraissent n'avoir qu'une préoccupation, celle de trouver des arguments en faveur des causes dont ils sont les champions.

Le sujet dans toute son ampleur ne saurait être traité en une seule étude, si longue qu'elle fût. Pour le Protestantisme quelques pages suffiraient. Respectable et respecté, il apparaît à nos compatriotes un peu comme une sorte d'aristocratie intellectuelle et morale, à la fois réservée et isolée. Ceux qui le voient de plus près sentent chez lui, depuis quelques années, un recueillement et un travail intime qui présagent, peut-être, la fin de la longue crise théologique et ecclésiastique par laquelle il a passé depuis une quarantaine d'années. L'unité protestante, profondément sentie par la masse des fidèles, vient enfin d'être affirmée dans des assises où les diverses églises issues de la Réforme étaient représentées.

VOL IX.-No. 1.

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Le facteur le plus important de la situation religieuse d notre pays est sûrement la Libre-Pensée; mais, pour avoi quelque valeur, une étude sur elle devrait être abondammen documentée; et pour montrer les orientations très diverses et souvent opposées, qui sont englobées sous ce nom, un seu article, même long, ne suffirait pas.

Il y a, en effet, une Libre-Pensée inspirée surtout par de prêtres qui ont rompu avec Rome, qui sont préoccupé d'organiser une anti-Eglise, où la vérité consisterait à oppose aux dogmes catholiques des dogmes exactement contraires On retrouve là une organisation, une hiérarchie, voire mêm une liturgie, calquées sur celles de l'Eglise. C'est aussi 1 même besoin d'imposer des vues uniformes, la même méfianc pour l'initiative individuelle, les mêmes procédés d'intimida tion, d'espionnage et de délation.

Si les procédés sommaires de la Curie, si l'incapacité d'une partie du clergé, les scandales qu'il a pu donner çà et là grossissent chaque jour les rangs de cette Libre-Pensée, or la voit aussi éliminer, avec une remarquable régularité, ceux pour lesquels pensée et liberté ne sont pas une vaine étiquett au fronton d'une salle, et auxquels l'infaillibilité anticlérical pèse bientôt plus que l'infaillibilité romaine.

Ces hommes, aussi peu satisfaits de l'anticléricalisme sim pliste et grossier que du cléricalisme, deviennent de plus en plu nombreux. Une fois sur le chemin des préoccupations intel lectuelles et morales, ils y restent; ils pensent; ils travaillent.

Le mot de Libre Pensée Religieuse a été prononcé propos de ces efforts nouveaux, et il est tout à fait à sa place car il y a, au fond de ces tentatives, l'affirmation implicite qu notre civilisation qui a créé déjà tant de formes religieuses utiles et admirables, malgré leurs imperfections, ne s'arrêter pas, et finira bien par bâtir la nouvelle cathédrale.1

1 S'il y a des libres-penseurs préoccupés d'idéal et de vie religieuse, y a aussi dans l'Eglise des hommes désireux de les comprendre et d fraterniser avec eux. Il y a quelques mois, un évêque contemplait la façad de la cathédrale de Bourges. Du fond de la nef arrivait, comme un murmur la fin des vêpres capitulaires. Un enterrement civil vint à passer, avec l

Montrer avec quelque précision ce mouvement, en faire toucher du doigt la réalité, est impossible ici. Nous nous bornerons donc à regarder l'Eglise Catholique pour tâcher de marquer sa situation exacte. Et encore faudra-t-il réduire la question à l'étude de sa situation morale. Sa situation matérielle a été beaucoup étudiée à propos de la Séparation des Eglises et de l'Etat. Si peu brillante qu'elle soit,' elle est loin d'avoir la gravité et la portée de sa situation morale.

Il y a un écueil que nous aurons beaucoup de peine à éviter: celui qui consiste à confondre l'Eglise avec le S. Siège. Comme les autres gouvernements, celui-ci oublie son rôle et agit comme s'il était l'Eglise elle-même. C'est peut-être très habile, parce qu'on en est arrivé, dans la pratique, à gratifier le pape et ses bureaux non seulement de l'infaillibilité doctrinale, mais d'un privilège magique qui les préserverait de toute erreur. Cet aboutissement logique d'une évolution séculaire de l'autorité constitue un grand danger pour l'Eglise, car le jour où l'attention publique se portera avec suite de ce côté, le jour où elle verra ce que valent moralement les agents de ce gouvernement divin, ses moyens de séduction, ses procédés d'intimidation, il pourrait se faire qu'une vague d'indignation balayât tout ce qui se réclame de lui, et que, dans l'ardeur de l'indignation, on fit expier par l'Eglise entière les péchés d'une poignée d'hommes qui la dirigent, prétendent la représenter et, en somme, ne font autre chose que la terroriser et la trahir.

Il est donc très nécessaire que les lecteurs ne perdent pas de vue cette distinction entre l'Eglise et son gouvernement, même si, sans le vouloir, entraîné par le langage courant, nous bannières rouges de quelques sociétés positivistes. Grave, subitement ému, le prélat du haut du perron salua le mort. "Que ne donnerais-je pas,” ditil ensuite à son compagnon, "pour ouvrir ces portes à deux battants, et faire comprendre à tout ce peuple qui passe, qu'il fait écho, plus souvent qu'il ne croit, à la psalmodie de nos pauvres chanoines décrépits.

Deposuit potentes de sede

Et exaltavit humiles."

1 Plusieurs évêques ont estimé que l'Eglise n'a pas en France plus de quatre à cinq millions d'adhérents effectifs. Les séminaires se dépeuplent et le denier du culte baisse avec une rapidité qu'on n'avait pas prévue.

venions à oublier de la faire explicitement.1 Elle est d'autan plus importante que la crise morale qui nous intéresse surtou ici a été provoquée par l'autorité et ne cesse d'être ravivé par elle.

Les troupes catholiques françaises ont été, au cours d xix siècle, d'un loyalisme à toute épreuve. Elles adoraien le pape avec un élan si naïf, si sincère et si chaleureux qu'on y sentait vibrer des sentiments qui, par delà le pontife universel saluaient les idées dont on croyait voir en sa personne la réalisation provisoire.

A ce corps d'armée le plus discipliné et le plus enthou siaste de tous, on ne s'est pas borné à demander des effort exceptionnels; les bureaux romains lui ont donné des ordre nombreux, contradictoires, mal chiffrés, qui laissent les généraux aussi perplexes que les soldats. Puis, comme s cela ne suffisait pas, on s'est mis à attendre de cette armée des manifestations quotidiennes d'attachement et de dévotion Le pouvoir central a laissé voir qu'il redoutait des défections et a envoyé dans chaque région des gens qui ne valaient pas mieux que la mission dont on les a chargés, celle de surveille les évêques.

Le résultat ne s'est pas fait attendre: ces invraisemblables subalternes ont semé l'épouvante, et le découragement gagne de proche en proche.

Il y a pourtant une petite fraction de l'armée catholique qui triomphe, c'est le corps des soldats mercenaires qu n'ont servi le pape qu'avec la volonté bien arrêtée de s servir de lui, dans les luttes politiques qui les préoccupen exclusivement.

On s'est étonné dans les milieux les plus divers de l'indiffé rence au milieu de laquelle a été mise en vigueur la loi d Séparation. Nous venons d'en donner l'explication.

1 Ce qui augmente encore la difficulté du sujet c'est que la situation religieuse de la France est très différente de celle des autres pays de l'Europe sauf l'Italie.

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