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PHILOSOPHIQUES.

PHILOSOPHIE SCHOLASTIQUE.

2nd Volan

ABÉLARD.

J'AI fixé ailleurs (1) le caractère général, marqué les périodes, signalé les grands noms, esquissé les principaux systèmes de la philosophie scholastique. J'ajoute ici que la scholastique appartient à la France, qui produisit, forma ou attira les docteurs les plus illustres. L'université de Paris est au moyen âge la grande école de l'Europe. Or, l'homme qui par ses qualités et par ses défauts, par la hardiesse de ses opinions, l'éclat de sa vie, la passion innée de la polémique et le plus rare talent d'enseignement, concourut le plus à accroître et à répandre le goût des études et ce mouvement intellectuel d'où est sortie au

(1) Cours de 1829, leçon 9o.

treizième siècle l'université de Paris, cet homme est Pierre Abélard.

Ce nom est assurément un des noms les plus célèbres; et la gloire n'a jamais tort il ne s'agit que d'en retrouver les titres.

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Abelard, de Palais, près Nantes, après avoir fait ses premières études philosophiques en son pays, et parcouru les écoles de plusieurs provinces pour y augmenter son instruction, vint se perfectionner à Paris, où d'élève il devint bientôt le rival et le vainqueur de tout ce qu'il y avait de maîtres renommés : il régna en quelque sorte dans la dialectique. Plus tard, quand il mêla la théologie à la philosophie, il attira une si grande multitude d'auditeurs de toutes les parties de la France et même de l'Europe, que, comme il le dit lui-même, les hôtelleries ne suffisaient plus à les contenir ni la terre à les nourrir (1). Partout où il allait, il semblait porter avec lui le bruit et

(1) Abælard. opp. éd. Amb., Hist. Calamit., p. 19: « Ut nec locus hospitiis nec terra sufficeret alimentis. >> Voyez aussi la lettre de Foulques à Abélard. Ibid., p. 218: « Roma suos tibi docendos transmittebat alumnos..... Nulla terrarum spatia, nulla montium cacumina, nulla concava vallium, nulla via difficili licet obsita periculo et latrone, quominus ad te properarent, retinebat. Anglorum turbam juvenum mare interjacens et undarum terribilis procella non terrebat... Remota Britannia.... Andegavenses.... Pictavi, Vascones et Hiberi; Normania, Flandria, Theutonicus et Suevus.... Prætereo cunctos Parisiorum civitatem habitantes.... >>

la foule; le désert où il se retirait devenait peu à peu un auditoire immense (1). En philosophie, il intervint dans la plus grande querelle du temps, celle du réalisme et du nominalisme, et il créa un système intermédiaire. En théologie, il mit de côté la vieille école d'Anselme de Laon (2), qui exposait sans expliquer, et fonda ce qu'on appelle aujourd'hui le rationalisme. Et il ne brilla pas seulement dans l'école ; il émut l'Église et l'État, il occupa deux grands conciles (3); il eut pour adversaire saint Bernard, et un de ses disciples et de ses amis fut Arnauld de Brescia (4). Enfin, pour que rien ne manquât à la singularité de sa vie et à la popularité de son nom, ce dialecticien, qui avait éclipsé Guillaume de Champeaux, ce théologien contre lequel se leva le Bossuet du XIIe siècle, était beau, poëte et musicien; il faisait en langue vulgaire des chansons qui amusaient les écoliers et les dames (5); et,

(1) Ibid., p. 28: « Oratorium quoddam.... ex calamis et culmo primum construxi.... Scholares cœperunt undique concurrere, et relictis civitatibus et castellis solitudinem inhabitare.

(2) Histoire littéraire de la France, t. x, p. 170.

(3) Le concile de Soissons en 1121, et celui de Sens en 1140.

(4) Condamné au concile de Sens avec Abélard. (5) Hist. littéraire de la France, t. ix, p. 173; t. xii, p. 135. Abæl. opp. Epistol. Helois., p. 46 : « Duo autem, fateor, tibi specialiter inerant quibus fœminarum qua

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chanoine de la cathédrale, professeur du cloître, il fut aimé jusqu'au plus absolu dévouement par cette noble créature qui aima comme sainte Thérèse, écrivit quelquefois comme Sénèque, et dont la grâce devait être irrésistible puisqu'elle charma saint Bernard lui-même (1). Héros de roman dans l'église, bel esprit dans un temps barbare, chef d'école et presque martyr d'une opinion, tout concourut à faire d'Abélard un personnage extraordinaire. Mais de tous ses titres celui qui se rapporte à notre objet, et qui lui donne une place à part dans l'histoire de l'esprit humain, c'est l'invention d'un nouveau système philosophique et l'application de ce système et

rumlibet animos statim allicere poteras, dictandi videlicet et cantandi gratia........ amatorio metro vel rythmo composita reliquisti carmina, quæ præ nimia suavitate tam dictaminis quam cantus sæpius frequentata tuum in ore omnium nomen incessanter tenebant. >>

(1) Hist. littéraire de la France, t. x11, p. 642, article Héloïse : « Les plus grands hommes de son temps se firent une gloire d'être en relation avec elle.... Saint Bernard, depuis sa rupture avec Abélard, ne cessa point d'estimer Héloïse, malgré l'attachement inviolable qu'il lui connaissait pour son époux. Elle, réciproquement, conserva toujours les mêmes sentiments de vénération pour l'abbé de Clairvaux. Hugues Metel, autre adversaire d'Abélard, ne fut pas moins zélé partisan de l'abbesse du Paraclet. » Voyez les deux lettres de Metel, citées dans cet article, et la lettre de Pierre le Vénérable.

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