Un bonheur en attire un autre-Comédie en un acte et en vers.

Par F.-G. MARCHAND.

(Lu le 23 mai 1883.)

PERSONNAGES:

GONTRAN, nouveau marié.

LUDOVIC, Son ami, avocat, célibataire.

HÉLÈNE, épouse de Gontran.

CLÉMENCE, amie d'Hélène.

MADELEINE.

Le théâtre représente un salon chez Gontran.

SCENE PREMIERE

Gontran, Ludovic.

GONTRAN.

Oui, mon cher Ludovic, le bonheur conjugal
Est un bonheur parfait, mais... fort original;
Le ménage n'est pas cet hymen que l'on rêve,
Et la lune de miel, sitôt qu'elle se lève,
Eclaire un horizon dont l'aspect tout nouveau
Nous fait un peu monter des vapeurs au cerveau.

LUDOVIC.

Tiens! tiens !

GONTRAN.

Je suis heureux...

LUDOVIC.

Ah!... mais?...

GONTRAN.

...comme personne ;

Au régime conjoint, bientôt l'on se façonne ;...

Seulement... tu sais... (il hésite)

GONTRAN.

Oui, pour l'âme ingénue

Qu'un tuteur inflexible a toujours retenue

Loin des plaisirs mondains; mais pour nous, vieux lurons, Habitués au bruit, aux clameurs, aux... jurons,

Le bonheur ainsi fait frise l'austérité,

Et son calme constant manque un peu de gaîté.
Une béatitude uniforme et tenace

A quelque chose en soi, franchement, qui m'agace!
Cela vous fait l'effet d'un causeur importun
Qui, mettant à profit quelque verve d'emprunt,
Débite à tous propos d'éternelles redites...
Toute uniformité doit avoir ses limites!...