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exprimer, c'est que des cours de cette sorte, nécessairement un peu superficiels, mais propres à éveiller la curiosité, sont particulièrement à leur place à la realschule, peut-être plus qu'au gymnase, qui peut se reposer, pour cette portion de l'instruction des élèves, sur les leçons de l'université.

Tandis qu'en général le gymnase se contente d'une seule langue étrangère, à savoir le français, la realschule en enseigne deux, le français depuis la huitième, l'anglais à partir de la quatrième. Quatre heures par semaine sont données au français pendant tout le cours des études; l'anglais obtient trois ou quatre heures. L'explication du mécanisme grammatical est faite avec un grand soin, mais on s'attache à connaître la structure de ces langues plus qu'à les parler. Loin de se tourner vers le côté pratique, beaucoup de maîtres cherchent à donner au français dans les écoles le rôle que le latin joue au collége.

Les mathématiques sont poussées plus loin qu'au gymnase: pour obtenir le certificat de maturité, qui se délivre à la sortie, les élèves doivent savoir résoudre les équations du premier, du second et du troisième degré, posséder la trigonométrie rectiligne, les élémens de la géométrie analytique et de la géométrie descriptive ainsi que de la mécanique. En certaines realschulen, on enseigne la trigonométrie sphérique et le calcul différentiel. Dans les écoles polytechniques qui se sont fondées en Allemagne à l'imitation de la nôtre, il y a une section mathématique où les élèves sortant de prima doivent être en état d'entrer; mais ce sont surtout les sciences d'observation qui appartiennent en propre à la realschule, car, si la botanique et la zoologie ont leur place dans les classes du gymnase, il n'y est guère question de physique et encore moins de chimie. A la realschule, la botanique pendant l'été, la zoologie pendant l'hiver, sont enseignées depuis la huitième jusqu'à la quatrième inclusivement. La classe de botanique à laquelle j'ai assisté en sixième à Berlin est une des plus intéressantes que j'aie vues. Les écoliers avaient reçu l'ordre de rapporter pour la leçon du lundi deux plantes à leur choix, mais à autant d'exemplaires chacune qu'il y avait d'élèves dans la classe. Ils s'étaient entendus pour rapporter des coquelicots et des vicias villosas. Chaque enfant une fois pourvu (la classe en était toute fleurie), on procéda au déchiffrement. Un élève était appelé à répondre pour le coquelicot, l'autre pour la vicia villosa. Au commandement comptez les feuilles! ouvrez le calice! on voyait toutes ces jeunes têtes se pencher avec attention, compter à voix basse, écarter avec précaution les folioles du calice. Il était aisé de voir qu'ils étaient déjà habitués à ménager leur plante, à exécuter leur dissection avec soin. Combien y a-t-il de feuilles? Un élève ré

pond Dix, un autre : Douze, d'autres: Neuf, onze, treize. On fixe alors une limite. Nous dirons que le nombre des feuilles n'est pas déterminé, et qu'il varie de huit à quatorze. Chaque propriété était inscrite au tableau, qu'on avait divisé en deux colonnes pour montrer les ressemblances et les différences des deux plantes. L'explication allait lentement, car chemin faisant le professeur disait ou faisait dire à ces commençans ce qu'est et à quoi sert la corolle, l'ovaire, la tige, la racine. Il rappelait aussi les plantes vues antérieurement un commencement de classification était donné. Les élèves, à qui il était défendu de prendre des notes, devaient rapporter par écrit pour la prochaine leçon ce qui avait été ainsi constaté en commun. Le maître apportait à son enseignement une grande sévérité, ce qui ne l'empêchait pas de se laisser aller à des digressions et à des récits écoutés avidement par les enfans. Ainsi le pavot donna l'occasion de parler de l'opium, et du commerce d'opium fait autrefois par l'Angleterre avec la Chine. Nous avons en France l'excellente habitude des courses botaniques; mais ce que j'ai vu, c'était une exploration botanique faite en classe. Les élèves ont tous leur herbier : s'ils font un voyage, ils doivent rapporter quelque objet nouveau pour enrichir le cabinet d'histoire naturelle. Le même caractère se retrouve dans les leçons de physique et de chimie : l'interrogation s'y mêle constamment à l'enseignement. Le professeur de physique, par exemple, après avoir exposé un ordre de phénomènes et avant de montrer l'expérience qui doit en fournir la loi, s'adresse à un élève : « Comment vous y seriez-vous pris? >> La démonstration vient de la sorte se présenter sous forme d'un récit, et les élèves apprennent à connaître les hommes qui ont le plus contribué au progrès de la science. Ce mode d'enseignement, -dont il ne faut pas abuser, car il est un peu long et pourrait devenir monotone, s'il est employé à propos, fait chercher et ré

fléchir.

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Quand nous aurons ajouté l'histoire, la géographie, le dessin, nous aurons à peu près énuméré tous les objets d'étude de la realschule. Une si grande diversité de matières n'a pas laissé que d'inquiéter la pédagogie allemande. Depuis plus de vingt ans, une question à l'ordre du jour dans les journaux scolaires et dans les livres, c'est la « concentration » de cet enseignement. Il s'agirait de trouver la matière qui serait regardée comme le noyau autour duquel les autres vinssent se placer par couches concentriques, ou encore, pour employer un terme favori de ce long débat, il faudrait découvrir le centre de gravité de la realschule. La discussion, qui s'est poursuivie parfois avec une grande vivacité, dure encore. Les uns ont cru découvrir le point central dans les mathématiques, d'autres

dans les sciences naturelles, quelques-uns dans l'allemand, d'autres encore dans les langues étrangères ou enfin dans le latin. Un disciple de Herbart insinue que le centre, c'est l'intelligence de l'élève; un directeur a répliqué que c'était le personnel des professeurs. Il est clair que cette polémique, comme toutes celles où les mots jouent le principal rôle, pourra encore être continuée longtemps. Ce qui est plus important, c'est l'ordre dans lequel doivent se succéder et se superposer ces connaissances. Tandis que l'étude du français et des élémens de l'histoire naturelle commence dès les plus basses classes, on n'aborde la géométrie que vers la douzième année la physique et la chimie sont réservées pour la fin des études.

Telle est la realschule, ou du moins telle elle devrait être, car il faut maintenant montrer quel en est le côté faible et dire le mal dont elle souffre. Le plus petit nombre seulement des élèves va jusqu'au bout des classes: une fois qu'ils ont acquis les connaissances qu'eux ou leurs familles jugent suffisantes, ils quittent l'école pour entrer dans l'industrie, dans le commerce, dans l'économie agricole. Les chiffres que publient à ce sujet les statistiques allemandes sont significatifs. Après la seconde, dont le certificat donne droit au volontariat d'un an, il se produit une désertion presque générale (1). Déjà avant cette classe les départs sont fréquens le maximum d'élèves se trouve en cinquième et en quatrième. Aussi, malgré tous les avantages qui lui ont été accordés, la realschule n'est pas-batisfaite. Elle a naturellement, il faut le dire, le tempérament inquiet et mécontent. Dans le conseil qui fut convoqué en octobre 1873 au ministère de l'instruction publique à Berlin pour délibérer sur un certain nombre de questions scolaires, quatre questions soumises à l'assemblée concernaient la realschule, et ce furent celles qui soulevèrent la discussion la plus prolongée et la moins concluante. Une véritable anarchie d'opinions se fit jour. Ce qui frappe surtout, c'est que tous les fonctionnaires qui par leur position appartiennent à la realschule demandent des réformes et des remaniemens. Les uns veulent la création d'un nouvel enseignement sans latin qui soit un intermédiaire entre l'école et la realschule; d'autres proposent l'incorporation de cette dernière dans le gymnase; quelquesuns veulent pour elle un élargissement, quelques autres une restriction du plan d'études. Au contraire elle trouve ses panégyristes et ses défenseurs parmi les directeurs de gymnases. La raison de

(1) A Carlsruhe, en 1872, sur 244 élèves, 24 sont en seconde, 4 en première. A Mannheim, sur 314 élèves, il y en a 40 en seconde et seulement 4 en première. D'après un travail d'ensemble, sur 100 élèves, il en arrive moins de 10 jusqu'à l'examen de maturité.

cette attitude se devine: le gymnase se félicite d'une séparation qui le met à l'abri d'un voisin incommode; il sait que l'arrivée d'une quantité d'élèves qui dès le premier jour sont résolus à ne point achever leurs classes serait pour lui une médiocre acquisition. Nous devons d'ailleurs ajouter que, malgré les dissentimens de détail, tout le monde reconnaît qu'il est bon d'ouvrir plusieurs voies à la jeunesse personne ne songe à revenir en arrière et à refondre ces deux instructions en une seule. C'est même un fait d'expérience que, partout où il existe une realschule et un gymnase, les élèves se séparent sans difficulté dès les premières classes et même dès l'école primaire. C'est ce qu'avait prévu M. Saint-Marc Girardin dans son livre sur l'Instruction intermédiaire. « On ne saurait marquer de trop bonne heure le but de l'éducation... Dès le premier coup de ciseau qu'un sculpteur donne à son marbre, il sait ce qu'il veut en faire. Il doit en être de même pour l'enfant... Quoique certains objets d'enseignement soient les mêmes, il y a une différence dans la méthode d'enseigner, et l'esprit ne se développe point de la même façon dans l'école élémentaire qui correspond à une école industrielle que dans celle qui correspond à une école classique. »

Cette séparation, pour le dire ici en passant, repose sur un tout autre principe que celle qu'un ministre de l'empire, sous le nom de bifurcation, avait voulu introduire dans nos lycées. Ce qui était contre nature dans la bifurcation de M. Fortoul, c'était la prétention de faire tenir deux séries de classes sur une base commune, et de réunir encore à certaines heures des élèves qui suivaient des directions différentes; mais ici il y a séparation dès la base, comme elle doit exister dans une société où tout le monde ne suit pas les mêmes voies. J'ai entendu dire parfois qu'une séparation de ce genre était contraire à l'égalité démocratique. Je suis prêt à m'incliner devant cette objection, si l'on me montre que tous nos enfans ont part à l'enseignement secondaire; mais entre ceux qui vont au lycée et ceux qui, à partir de dix ou douze ans, ne reçoivent d'instruction d'aucune sorte, la bifurcation n'est-elle pas plus profonde? Comme je sortais de la realschule de Mayence en compagnie du directeur, nous fûmes salués dans la rue par un cocher qui était assis sur le siége de sa voiture. « Vous voyez cet homme, me dit M. Schödler, ses deux fils ont suivi chez moi la série complète des classes; ils sont aujourd'hui premiers commis dans deux maisons de banque. » Valait-il mieux pour eux qu'ils restassent sans moyen d'instruction sous prétexte qu'il est plus conforme à l'égalité d'avoir pour tous les élèves un seul modèle de culture?

III.

Il serait peut-être naturel qu'après avoir esquissé l'histoire et montré l'organisation de la realschule allemande, nous fissions un retour vers la France pour voir ce qui y correspond chez nous; mais une telle étude nous entraînerait trop loin. Nous pouvons nous en dispenser d'autant mieux que ce sujet a été traité l'an dernier avec plus de compétence (1). J'indiquerai seulement comment le problème, par suite des circonstances, a été autrement posé en France qu'en Allemagne, et j'essaierai de résumer les leçons que nous devons tirer pour l'avenir de cette comparaison entre les deux pays.

Avec sa bourgeoisie intelligente et riche, la France, commerçante et industrielle comme elle l'est depuis longtemps, a dû sentir de bonne heure, ce semble, le besoin d'un enseignement pratique. On a souvent cité à cet égard Montaigne, Rabelais, qui raillent les latineurs de collége. « C'est un bel et grand agencement sans doute que le grec et le latin, dit l'auteur des Essais, mais on l'achète trop cher... Ce grand monde, que les uns multiplient encore comme espèces sous un genre, c'est le miroir où il nous faut regarder pour nous connaître de bon biais. Somme, je veux que ce soit le livre de mon écolier. » Mais il faut prendre garde de tomber dans une confusion. Il y a ici autre chose qu'une question didactique. Le point capital, c'est de savoir si l'on songe à appeler aux bienfaits de l'instruction les parties de la population jusqu'où elle n'a pas l'habitude de descendre. Dès qu'on prend la question de ce côté, il faut bien convenir que les noms de ces écrivains ne sont pas ici tout à fait à leur place. On ne saurait leur reprocher de n'avoir pas devancé leur temps; mais il est certain qu'ils ont en vue l'instruction du petit nombre. Montaigne fait l'éducation d'un gentilhomme et Rabelais celle d'un prince.

Sans remonter si haut, il semble que dans le même temps où cet enseignement s'est fondé en Allemagne, c'est-à-dire au milieu du XVIIIe siècle, il aurait dû commencer aussi en France. Les conjonctures étaient favorables. En 1763, après la publication de l'Émile, après l'expulsion des jésuites, les questions d'éducation excitaient l'intérêt général et donnaient lieu à de nombreux projets. Les parlemens semblèrent vouloir prendre la direction de ce mouvement. Le président du parlement de Paris, Rolland d'Erceville, en divers écrits, faisait la critique des colléges, et présentait les plans d'une sorte d'université polytechnique qui selon lui devait les remplacer.

(1) Baudrillart, la Famille et l'éducation en France.

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