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accueillit la nouvelle de la fécondité de ces mines. On ne regardait les spécimens extraits que comme une curiosité minéralogique, mais il fallut bien vite se rendre à l'évidence; aujourd'hui ces mines viennent immédiatement pour le chiffre de la production après celles du Chili, qui fournissent la moitié de tout le cuivre consommé sur le globe.

Les ingénieurs du vieux monde ont tout à apprendre à visiter ces gisemens, uniques dans leur genre. En ce qui regarde l'exploitation et la préparation mécanique, tout y est porté à un degré de perfection qui rarement a été dépassé. Il le faut bien, puisqu'en un pays si éloigné, où tout manque, où la main-d'œuvre est des plus chères et varie de 3 à 5 dollars par jour, on travaille avec profit des mines dont la richesse moyenne en cuivre ne dépasse pas 3 pour 100. Ce titre est partout, fût-ce dans les mines d'Allemagne où l'ouvrier vit à si bon marché, la dernière limite du minimum, même en tenant compte que le cuivre est à l'état métallique. C'est ici surtout qu'il faut voir travailler les rock-breakers ou machines à concasser la roche, qui prennent entre leurs puissantes mâchoires d'acier les plus forts blocs pierreux sortis de la mine et les font éclater avec la même aisance qu'un casse-noix le fruit qu'on lui présente. Le génie américain, si fécond dans les inventions mécaniques, est ici sans cesse en éveil et a reculé les limites de l'audace. Le fameux pilon de Ball peut broyer par jour à lui seul jusqu'à 100,000 kilogrammes de minerai. On peut mesurer le progrès accompli en rappelant que la vieille flèche allemande écrase à peine 1,000 kilogrammes, le pilon anglais de la Cornouaille 2,000 kilogrammes, et le stamp californien le plus perfectionné 4,000 kilogrammes. Il est curieux de voir l'outil mastodonte du lac, soulevé directement par la vapeur comme les marteaux-pilons des grandes forges, se dresser et retomber ensuite de tout son poids sur les énormes blocs rocheux qu'il pulvérise d'un seul coup. Le bruit formidable s'entend de très loin; le puissant engin ébranle le sol comme un tremblement de terre, et il faut toujours l'asseoir sur les fondations les plus épaisses et les plus solides pour qu'il ne démolisse point par ses percussions répétées l'édifice où il est établi.

Le moment est venu de révéler quelques faits étranges se rapportant à un cas particulier de l'exploitation des gîtes du Lac-Supérieur, qui furent jadis fouillés par une race aborigène de mineurs émigrans, différens des Indiens d'aujourd'hui. On a retrouvé des excavations recouvertes par la terre végétale et où des arbres d'un âge de plusieurs siècles, par exemple un pin vieux de quatre cents ans, avaient poussé. Dans une de ces tranchées antiques, on a signalé des restes de soutènemens informes, d'étais en bois, sous un

énorme bloc métallique, que les mineurs de ces temps inconnus avaient essayé de soulever, et dont, de guerre lasse, ils avaient détaché des morceaux, sans doute avec le couteau ou la hache de silex. Sur quelques points, la roche pierreuse semblait avoir été attaquée par le feu pour être rendue plus friable. Ce procédé, dont les anciens ont fait usage en d'autres contrées, est encore employé dans quelques mines d'Allemagne. Avec les blocs de cuivre natif, les exploitans aborigènes fabriquaient des haches, des pointes de lance, des couteaux, des poinçons, qu'on a çà et là retrouvés. A Houghton, nous avons vu aux mains d'un vénérable pionnier de la presqu'île de Keweenaw une série de ces instrumens récemment déterrés près du Portage, et qui feraient envie à bien des musées, tant ils sont d'une conservation intacte, d'une forme élégante, et tant est belle la patine qui les recouvre.

Dans la plupart des anciennes excavations, on a mis à jour quantité de marteaux de pierre, ronds ou ovales, avec une rainure au milieu pour l'emmanchement. En un endroit, les mineurs avaient mis leurs marteaux en tas avec ordre, et l'on en trouva tant qu'on en chargea une charrette. Quand on dispose ainsi ses outils, c'est avec une idée de retour. Pourquoi ces ouvriers n'avaient-ils plus reparu? Tout semble faire croire que c'étaient des émigrans partis du sud, qu'ils ne travaillaient que l'été, pendant la bonne saison, et s'en allaient l'hiver aux premiers froids. Qu'auraient-ils fait, que seraient-ils devenus, quand 3 pieds de neige couvraient le sol pendant des mois entiers? Dans les tumulus funéraires du Missouri, de l'Illinois, de l'Ohio, on retrouve des haches, des couteaux de cuivre, provenant précisément des exploitations du LacSupérieur. Qui a édifié ces tumulus? Nul ne le sait. Qui a exploité les mines du lac? On l'ignore également; mais c'est évidemment la même race qui apparaît ici et là, et dans les deux cas elle est différente des Indiens actuels, qui ne bâtissent pas de tumulus et n'ont jamais exploité de mines. Là-dessus, les récits des missionnaires du XVIIe siècle ne laissent pas de doutes. Aucune tradition, aucune légende sur les anciennes exploitations de cuivre chez tous les Indiens des lacs. C'est au plus si quelques-uns portent par hasard une amulette de ce métal; ils n'osent pas même toucher à un gros bloc de cuivre natif qui apparaît sur la rive méridionale du Lac-Supérieur. Ils prétendent que c'est le Grand-Esprit, le manitou des eaux, et que le sacrilége qui voudra y porter la main mourra. Quand les missionnaires arrivèrent, il y avait d'ailleurs plusieurs siècles que les exploitations étaient abandonnées; nous venons d'en donner la preuve. La date et les véritables auteurs de ces exploitations, voilà les données d'un problème de plus à poser

dans l'ethnologie américaine, qui en a déjà tant à résoudre. Les savans des États-Unis appellent, faute de mieux, les aborigènes qui, à une époque encore inconnue, peuplèrent le centre de l'Amérique du Nord et qui, comparés aux indigènes venus après eux, semblent semi-civilisés, les mound-builders ou bâtisseurs de tumulus. Ceux-ci seraient non-seulement les mêmes qui auraient exploité les mines de cuivre du Lac-Supérieur, mais encore strié d'hiéroglyphes les granits en place de la Californie et de l'Arizona, laissé partout des débris, des amas de poteries, de silex éclatés ou taillés, d'ossemens d'animaux incinérés, de coquilles comestibles amoncelées, enfin de meules portatives en porphyre, usées par le rouleau et destinées à broyer le maïs. Qui sait si les Atlantides dont parlait Platon sur la foi des prêtres égyptiens ne seraient pas ces mêmes aborigènes? Une plus longue dissertation sur ces points ténébreux de l'histoire primitive américaine est ici hors de propos. Il faut revenir en arrière, non pour saluer une race mystérieuse, les premiers habitans d'un continent assurément plus ancien que l'Europe, mais pour résumer ce qui a été dit. Nous avons constaté une fois de plus que le progrès matériel existe partout aux États-Unis : autour des grands lacs, au nord-ouest comme dans l'extrême ouest et le sud de l'Union. Partout on défriche, on exploite le sol et le soussol, partout on plante et l'on cultive. Autour des grands lacs, c'est une nature vierge et fertile qui s'ouvre, et deux colonisations rivales, bien qu'à peu près semblables, y sont aux prises : la colonisation américaine sur la rive méridionale des lacs et tout autour du lac Michigan, la colonisation anglo-canadienne sur la rive septentrionale. Un jour, ces deux colonisations n'en feront sans doute qu'une seule, et le drapeau étoilé de l'Union flottera des glaces du pôle au golfe mexicain, peut-être même jusqu'à l'isthme de Panama. En attendant, il faut bien faire une halte au milieu des agrandissemens prodigieux que les États-Unis ont eus depuis trente ans. C'est vers l'époque où ils achetaient aux Indiens chippeways la presqu'île de Keweenaw qu'ils convoitaient déjà la Californie. C'est assez d'extension pour à présent; leurs hommes d'état les plus avides le pensent eux-mêmes. Il faut coloniser, peupler, bâtir, vivifier tout cet immense espace, et aucune localité ne paraît plus propice à recevoir de nouveaux essaims de travailleurs que la presqu'île féconde de Keweenaw et les bords prospères du Lac-Supérieur. C'est à cette partie du Michigan que semble surtout s'appliquer l'heureuse devise de cet état: Si quæris peninsulam amœnam, circumspice; « si tu cherches une péninsule gracieuse, la voici! >>

L. SIMONIN.

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On s'étonnera peut-être de nous voir encore réclamer l'attention pour d'ignorantes et rustiques hérésies. Ce n'est pas qu'à ces sectes illettrées nous voulions attribuer une importance ou un avenir sans proportion avec leur valeur morale ou leur force numérique. Si nous insistons sur cette face obscure de la vie nationale, c'est qu'à nos yeux c'est le côté par lequel le Russe du peuple, si différent du Russe que connaît l'Occident, se laisse le plus facilement saisir et représenter. On a dit de la Russie que ce n'était qu'une façade, une construction extérieure, et on n'en regarde guère en effet que le frontispice européen. C'est presque toujours par le dehors, par les institutions et les lois, par la haute société, c'est-à-dire par le dessus, par la superficie, qu'on envisage l'empire du nord. Nous avons préféré suivre une marche inverse; c'est par le dedans, par le fond et en quelque sorte par le dessous que nous voulons d'abord prendre le peuple russe. L'étude et l'intelligence des institutions n'en seront ensuite que plus aisées.

En dehors du schisme, du raskol proprement dit, en dehors des vieux-croyants popovisy ou bezpopovisy, il est en Russie des sectes d'une autre origine, d'un autre esprit, qui montrent le caractère populaire sous une face nouvelle, des sectes multiformes, qui, tout

(1) Voyez la Revue des 15 août, 15 septembre, 15 octobre 1873, 15 janvier, 1er mars, 1er mai, 15 juin, 1er novembre 1874, et 1er mai 1875.

en confinant par quelques côtés avec les rameaux extrêmes du raskol, s'en séparent nettement par le point de départ et les principes. Chez ces hérésies, le point de départ n'est plus une rupture avec l'église nationale au nom même de la tradition orthodoxe, c'est une révolte consciente et raisonnée contre l'orthodoxie orientale, parfois même contre toute la tradition chrétienne. Envisagées dans leur principe, les sectes russes présentent ce singulier contraste que les unes sont minutieuses, méticuleuses, et les autres radicales, que les unes semblent ne s'attacher qu'à d'insignifians détails, et que les autres rejettent d'un seul coup tout le dogme et le culte, en sorte qu'on y trouve les deux extrêmes opposés, le plus aveugle, le plus étroit conservatisme, les plus hardies, les plus révolutionnaires innovations. Ce contraste tient à la fois au caractère national, excessif dans la révolte comme dans la soumission, et à la constitution de l'église orientale, où, comme dans le catholicisme romain, toutes les parties de l'édifice dogmatique sont tellement liées ensemble, qu'il n'y a de place aux divisions que sur les rites ou la discipline, et qu'on n'y peut repousser une croyance sans les renverser toutes du même coup; à travers leur variété et leur opposition, les sectes étrangères au raskol du XVIIe siècle ont toutes un point de vue commun : à l'inverse du schisme, elles font peu de cas du rituel, peu de cas des cérémonies extérieures. Au lieu de s'attacher à la lettre et au sens littéral, elles proclament le culte de l'esprit et se vantent de professer un christianisme spirituel. A cet égard, ces hérésies, d'ailleurs si diverses, peuvent toutes être regardées comme une réaction contre le raskol, comme une révolte contre le formalisme des vieux-croyans. Chez elles, le génie moscovite s'affranchit des formes comme des traditions du culte, il s'émancipe de tout joug, de toute autorité, et, s'abandonnant librement à son penchant pour les solutions logiques et absolues, il va droit aux conséquences les plus outrées, aux conclusions les plus excentriques.

Les origines de ces différentes sectes ne sont point aussi claires, aussi faciles à suivre que les origines du raskol. Les racines en semblent plonger au-delà des limites du sol national, les unes en Orient, les autres en Occident, tenant à la fois à l'Europe et à l'Asie et se reliant en même temps aux vieilles croyances perdues des premiers siècles de notre ère et aux vagues efforts, aux aveugles tâtonnemens de la conscience moderne. Plusieurs de ces hérésies ont pu être historiquement rattachées à l'influence étrangère, au contact de l'Europe avant ou depuis Pierre le Grand, et elles montrent cette influence sous un des côtés les moins connus, sous le seul peut-être par lequel le peuple russe en ait été directement atteint. Aux principales de ces sectes, quelques prélats russes ont, en sou

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