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presque noires, que le front semblât serré comme dans un étau. En redescendant, vers 4,000 mètres, M. Sivel, le plus vigoureux des deux, fut pris d'un tremblement très fort et d'un malaise extrême; mais ces troubles passagers n'eurent aucune suite fâcheuse.

Cette année, la Société de navigation aérienne avait organisé deux nouvelles ascensions: une ascension de longue durée, une ascension à grande hauteur. Pour entreprendre en ballon des études météorologiques complètes, il paraissait en effet nécessaire de séjourner longtemps dans l'atmosphère, afin de se rendre compte des modifications que subissent les courans aériens sur un long parcours, ou bien, en y restant peu de temps, de s'élever à de grandes altitudes pour enregistrer d'une manière plus précise la superposition des vents. Pour ces expéditions, le capitaine Sivel avait préparé son ballon, le Zénith, cubant 3,000 mètres. La première eut lieu le 23 mars dernier avec un plein succès. Parti de l'usine à gaz de La Villette, à 6 heures 20 minutes du soir, MM. Sivel, Crocé-Spinelli, Jobert, Gaston et Albert Tissandier opéraient leur descente le lendemain à 5 heures du soir, à Monplaisir, non loin du bassin d'Arcachon, après un voyage qui avait duré près de 23 heures. C'est le yoyage le plus long qui ait été exécuté dans l'air. L'aéronaute Green, qui a exécuté plus de 1,400 ascensions, est parvenu à maintenir son ballon 16 heures seulement au-dessus des nuages; M. Rolier, pendant le siége de Paris, emporté par un vent furieux jusqu'en Norvége, n'est pas resté 15 heures dans l'atmosphère, tandis que les voyageurs du Zenith ont vu le soleil se coucher à Paris le 23 mars, et planaient encore dans l'air le lendemain au moment où l'astre allait disparaître dans le golfe de Gascogne. La seconde des deux ascensions projetées, l'ascension à grande hauteur, fut exécutée le 15 avril par MM. Sivel, Crocé-Spinelli et Gaston Tissandier. On sait quelle a été l'issue lamentable de ce voyage, qui a coûté la vie à deux des plus dévoués pionniers de la science. Les détails de l'ascension du 15 avril sont à l'heure qu'il est connus de tout le monde, et nous pouvons nous dispenser de les répéter ici. Rappelons seulement que par deux fois l'aérostat s'est élevé au-dessus de 8,000 mètres; M. Tissandier s'est évanoui en lisant ce chiffre sur le baromètre anéroïde. On avait emporté six baromètres-témoins: ce sont des tubes recourbés, terminés par une pointe effilée d'où le mercure s'échappe quand la pression baisse, et qui sont enfermés dans des étuis scellés, remplis de sciure de bois. Deux de ces témoins ont été retrouvés intacts; ils ont accusé une hauteur maximum de 8,600 mètres. La température, qui était de 14 degrés au départ, est descendue à 21 degrés à 6,400 mètres; mais à l'intérieur du ballon elle dépassait 20 degrés, tandis que l'air était à 10 degrés au-dessous de zéro, sans doute par l'effet de la radiation solaire.

Le terrible accident du 15 avril est dû très probablement à l'effet

combiné de deux causes distinctes: le manque d'oxygène et les variations brusques de la pression. Les expériences de M. Paul Bert ont mis en pleine lumière l'influence de la densité de l'oxygène et celle de la pression atmosphérique sur les phénomènes de la vie. Dans l'air au niveau de la mer, l'oxygène a la densité 0,21; quand cette densité diminue soit par suite de la raréfaction de l'air, soit par suite d'une consommation d'oxygène (comme dans le cas d'un animal confiné sous une cloche), le sang ne s'assimile plus la dose d'oxygène nécessaire à la circulation. Dès que la densité du gaz vital descend à 0,04, c'est-à-dire à un cinquième de la densité normale 0,21, la mort a lieu par asphyxie, quelle que soit d'ailleurs la pression à laquelle a lieu l'expérience (1). On comprend que des symptômes fâcheux se déclarent bien avant que cette limite soit atteinte, et c'est pour les prévenir que M. Bert a imaginé de faire emporter par les aéronautes des ballonnets remplis d'oxygène et munis de tubes d'aspiration. Malheureusement la provision emportée par le Zénith n'était que de 120 litres, à peine de quoi respirer pendant vingt minutes, et l'état de prostration où étaient tombés MM. Sivel et CrocéSpinelli a dû les empêcher de recourir à l'aspirateur lorsqu'il en était temps. Plus graves peut-être encore étaient les conséquences des variations brusques de la pression à ces hauteurs dangereuses où s'était élancé le Zénith. Les hémorrhagies pulmonaires et nasales, qui sont un des symptômes du mal de montagne, et qui ont été observées plus d'une fois dans les ascensions aérostatiques, sont causées par la diminution de la pression extérieure et par la dilatation des gaz du sang. Déjà, lorsqu'on s'élève à 3,000 mètres, beaucoup de personnes éprouvent des troubles physiologiques dus à cette cause: bruissement des oreilles, sensation de vertige, etc. Ce vertige n'est pas du tout ce qu'on éprouve quand, placé au sommet d'une tour, on regarde le sol; c'est un vertige physiologique produit par le trouble de la circulation cérébrale. Les gaz du sang, se trouvant subitement à une tension supérieure à la pression de l'air, tendent à s'échapper; de même le sang semble faire effort pour briser les vaisseaux qui le retiennent, et il survient des congestions multiples dans le cerveau, les poumons et le foie. Il est même probable que cette

(1) Lorsqu'il ne reste plus dans l'air confiné à la pression ordinaire que 4 pour 100 d'oxygène, l'animal en a consommé 17 pour 100, qui ont été remplacés par 17 pour 100 d'acide carbonique. Cette proportion d'acide carbonique, sans être absolument inoffensive, n'entraîne cependant pas la mort; les expériences que M. Bert a faites avec de l'air comprimé prouvent que l'acide carbonique devient mortel quand la densité de ce gaz dépasse 0,26, par conséquent lorsqu'il excède la proportion de 26 centièmes dans l'air à la pression ordinaire. En résumé, la mort a lieu par asphyxie dans l'air confiné: 1o pour des pressions inférieures à une atmosphère, quand la densité de l'oxygène ambiant descend au-dessous de 0,04; 2° pour des pressions supérieures à 2 atmosphères, quand la densité de l'acide carbonique exhalé dépasse 0,26; 3° pour une pression de 1 à 2 atmosphères, les deux limites se rapprochent, et la mort paraît avoir lieu à la fois par privation d'oxygène et par excès d'acide carbonique.

congestion du cerveau produit soit le délire, soit le sommeil. C'est un de ces accès de délire congestif qui a poussé Crocé-Spinelli à jeter tout le lest au moment même où il était temps de descendre. A cette excitation cérébrale a succédé une période de sommeil profond que les médecins appellent coma, puis l'irruption du sang hors des vaisseaux des voies aériennes a déterminé l'asphyxie.

L'année dernière, M. Bert avait pourtant soumis Sivel et Crocé-Spinelli à une épreuve qui semblait décisive en leur faisant faire une << ascension en chambre, » c'est-à-dire en les plaçant sous une cloche pneumatique où l'air peut être raréfié à volonté. A la pression de 300 millimètres, qui correspond à une altitude de 7,500 mètres, Crocé-Spinelli avait les lèvres bleues et l'oreille droite presque noire; une aspiration d'oxygène fit disparaître ces symptômes inquiétans. Dans une expérience de ce genre faite sur lui-même, M. Bert avait constaté un affaiblissement singulier de ses facultés mentales, affaiblissement qui doit être à coup sûr une cause d'erreur pour les aéronautes qui vont à une grande altitude.

Les changemens de pression sont surtout dangereux lorsque la transition est trop brusque; il en résulte une rupture d'équilibre dans l'organisme qui peut entraîner les désordres les plus graves. C'est ainsi que les plongeurs et les ouvriers qui ont travaillé dans l'air comprimé à la fondation des piles d'un pont sont atteints de paralysie, lorsqu'ils sont amenés sans transition à l'air libre. M. Bert a vu des animaux brusquement décomprimés succomber sur place. On sait que les attaques d'apoplexie s'observent plus fréquemment les jours où le baromètre baisse ou monte tout à coup. Les soubresauts irréguliers du Zénith ont certainement aggravé la situation des trois aéronautes. Une circonstance à noter, c'est que les deux qui ont succombé avaient mangé avant l'ascension, tandis que M. Tissandier était à jeun. Il est fort possible que la digestion ait rendu plus nuisibles les effets des variations de la pression; on sait qu'il est dangereux de prendre un bain après un repas.

Le triste résultat de l'expérience du 15 avril montre que c'est trop peu d'emporter une provision d'oxygène, si les moyens de respiration artificielle ne sont pas complétement automatiques. Il faudrait pour ces ascensions se munir d'un appareil analogue au scaphandre, qui permette de respirer en dehors du milieu ambiant. M. Faye, dans une lettre adressée à l'Académie des Sciences, conseille de renoncer définitivement aux ascensions qui dépasseraient 7,000 mètres; mais déjà de tous côtés des hommes amoureux du péril s'offrent pour recommencer l'a

venture.

Le directeur-gérant, C. BULOZ.

Reed
MAY

197

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L'émotion était extrême à Washington après la bataille de Manassas. On peut se figurer quelles devaient être alors les alarmes de ceux qui trois mois auparavant avaient déjà tremblé pour la sûreté de la capitale à la simple nouvelle de la défaite de Banks. Ils pensaient bien que cette fois les confédérés ne renouvelleraient pas la faute qu'ils étaient supposés avoir commise l'année précédente, et qu'ils poursuivraient l'armée vaincue jusque dans les jardins de la Maison-Blanche. En réalité, ces alarmes étaient vaines. Les grands ouvrages élevés par l'armée du Potomac mettaient Washington à l'abri d'un coup de main. Lee n'avait pu suivre, avec le gros de ses troupes, la retraite de Pope. Celui-ci en effet se repliait sur ses dépôts, tandis que l'armée confédérée avait absolument besoin de se ravitailler avant de reprendre l'offensive. Aussitôt que Lee sut l'ennemi campé sous le canon des forts de Washington, il porta ses re

(1) L'intéressant récit qu'on va lire fait encore partie des deux nouveaux volumes de l'Histoire de la guerre civile en Amérique par M. le Comte de Paris, qui vont paraître incessamment chez l'éditeur Michel Lévy.

TOME IX.

15 MAI 1875.

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gards ailleurs et rappela les faibles avant-postes qui seuls avaient suivi la retraite des fédéraux. Sa victoire lui avait ouvert les portes du Maryland. Dès le 3 septembre 1862, il mit son armée en mouvement vers Leesburg et se prépara à passer le Potomac.

Ce passage était un grand événement pour la cause des confédérés. Ils abandonnaient la défensive pour prendre enfin le rôle offensif. Au point de vue strictement militaire, cette résolution était peut-être téméraire : elle pouvait compromettre les résultats de la brillante campagne qui venait de conduire l'armée de la Virginie septentrionale des bords du Rapidan à ceux du Potomac. Cette campagne l'avait laissée dans un état de dénûment qui semblait devoir lui imposer un temps d'arrêt. Vivres, équipemens, chaussures, munitions, tout lui manquait à la fois; les routes étaient couvertes d'éclopés, les vides faits par de sanglantes batailles n'avaient pu être remplis. Enfin, en portant la guerre sur le territoire ennemi, Lee allait se priver des grands avantages que la défensive avait jusqu'alors assurés à sa cause. Il est vrai qu'il ne regardait pas le Maryland comme un pays ennemi. État à esclaves, les hommes politiques du sud le considéraient comme appartenant de droit à leur confédération, et les militaires comptaient y rencontrer les mêmes sympathies qui les avaient si puissamment aidés en Virginie. Les émigrés du Maryland réfugiés dans les rangs de l'armée de Lee avaient fait croire à ce général, malgré sa perspicacité, que des milliers de volontaires se rangeraient autour de lui dès qu'il paraîtrait sur le sol de leur état, et que cette terre, encore vierge des horreurs de la guerre, ravitaillerait son armée beaucoup mieux que les dépôts lointains de Richmond. D'ailleurs, en présence de la grande armée qui se reformait à Washington, l'invasion du Maryland était peut-être le seul moyen de protéger la Virginie. En menaçant les états du nord, Lee empêchait le gouvernement fédéral de renforcer l'armée du Potomac, et les qualités dont ses généraux et ses soldats venaient de donner la preuve lui permettaient de tenter la fortune. S'il n'avait rencontré d'autres adversaires que ceux qu'il venait de vaincre, s'il n'avait eu à déjouer que la stratégie du général Halleck ou de M. Staunton, une grande victoire, le blocus et peut-être même la prise de Washington auraient pu couronner son audacieuse entreprise. D'autre part, pour soutenir le courage des populations du sud, qui commençaient à souffrir cruellement, il fallait transporter les charges de la guerre sur le territoire ennemi : il fallait que le nord vît, à son tour, ses moissons ravagées, ses bestiaux enlevés, ses fermes réduites en cendres; on croyait même que son ardeur belliqueuse ne résisterait pas à une telle épreuve. La voix unanime de l'armée réclamait cette invasion comme la récompense

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