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PENSÉES DE DOMAT'.

I. L'éloquence de l'avocat consiste à faire connaître la justice par la vérité.

Fins différentes de l'éloquence plaire, instruire, persuader, exhorter, louer. Toutes doivent avoir pour règle la vérité. Les avocats ont pour objet la vérité même.

II. Nous faisons dans le palais, qui est le temple de la justice, ce que faisaient les marchands dans le temple.

Les passions sont des lois que les juges suivent.

III. Quelle satisfaction peut-on avoir de ne voir que des misères sans ressource? quel sujet de vanité de se trouver dans des obscurités impénétrables!

IV. L'esprit sans piété ne sert qu'à rendre misérables ceux qui en ont; ce qui arrive en bien des manières et entre autres par la peine qu'il y a à souffrir les sots.

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V. Il y a deux manières de venir à la connaissance de la vérité l'une par démonstration, et l'autre par des vraisemblables qui peuvent venir à un tel point que la preuve en soit aussi forte que la démonstration,

III Recueil MS. du P. Guerrier, pag 239.

et même plus touchante, plus persuasive et plus convaincante. Par exemple, on est plus persuadé qu'on mourra, quoiqu'il n'y en ait point de démonstration, que de toutes les démonstrations d'Euclide.

VI. Comme le corps s'appesantit et s'affaiblit par l'âge et la durée de la vie, le cœur s'appesantit et s'affaiblit par la durée des mauvaises habitudes.

VII. Il n'y a point de charité qui s'étende à compatir vivement à tous les déplaisirs, même les plus grands et des plus proches.

- Le superflu des riches devrait servir pour le nécessaire des pauvres; mais tout au contraire, le nécessaire des pauvres sert pour le superflu des riches.

VIII. Les événements sont hors de nous; notre volonté seule est à nous. Ne pouvant régler aucun événement, nous devons nous mettre en état que nul événement ne nous trouble et ne nous empêche d'être heureux.

IX. La poésie a d'ordinaire plus d'éclat et plus d'agrément que la prose; mais ce n'est que comme les grotesques dans la peinture: ce qui plaît est plus surprenant mais assurément moins solide et moins beau que le naturel.

X. Il y a une différence extrême entre la manière dont nous sentons les injustices qui nous regardent, et celle dont nous jugeons de celles qui ne regardent que notre prochain.

XI. N'y a-t-il pas quelque compagnie où l'on examine sur le bon sens comme sur la loi?

XII. Il y a une infinité de lois qui ne subsistent que parce qu'on n'a pas le temps de les réformer.

XIII. Les gens d'épée appellent les officiers gens d'écritoire; il faut appeler les officiers gens de tête, et eux gens de main.

XIV. On se rend nécessaires mille choses superflues; en quoi il y a bien des misères, pertes de temps, vie plus difficile, plus ennuyeuse. Trois choses pour être heureux : le corps sain, l'esprit libre et le cœur pur.

XV. Toutes les sottises et toutes les injustices que je ne fais me meuvent la bile. Je ne serai ni de l'humeur de Démocrite ni de celle d'Héraclite. J'y prendrais un tiers parti par mon naturel, d'être toujours en colère contre tout le monde.

XVI. Le geste est un effort de l'âme pour se communiquer à travers du corps et faire passer dans l'âme de celui qui entend ce qu'elle sent et ce qu'elle voit.

XVII. Pourquoi souffrons-nous les douleurs sans nous mettre en colère; et que nous ne souffrons pas les injustices ou les maux que nous causent les hommes, sans mouvement de colère? Les maladies viennent comme de nous : c'est notre nature.

XVIII. Il est impossible d'avoir des démonstrations de la vérité de notre religion, car il arriverait deux choses: l'une que tout le monde l'embrasserait, l'autre qu'il n'y aurait pas de foi qui est la voie par laquelle Dieu a voulu nous unir à lui.

XIX. On doit plus craindre d'avoir trop à l'heure de la mort, que trop peu pendant sa vie.

XX. Nous n'agissons pas par raison, mais par amour; parce que ce n'est pas l'esprit qui agit, mais le cœur qui gouverne; et toute la déférence qu'a le cœur

pour l'esprit est que s'il n'agit pas par raison, il fait au moins accroire qu'il agit par raison.

XXI. La louange, quoique fausse, quoique ridicule, quoique non crue ni par celui qui loue ni par celui qui est loué, ne laisse pas de plaire; et si elle ne plaît par autre motif, elle plaît au moins par la dépendance et par l'assujettissement qu'elle marque de celui qui loue.

XXII. Un peu de beau temps, un bon mot, une louange, une caresse me tirent d'une profonde tristesse dont je n'ai pu me tirer par aucun effort de méditation quelle machine que mon âme! quel abîme de misère et de faiblesse !

XXIII. Nous voulons tellement plaire, que nous ne voulons pas déplaire aux autres lorsque nous nous dé-plaisons à nous-même, et que nous voulons plaire à ceux qui nous déplaisent.

XXIV. Il est bien à craindre que les dévotions extérieures de ce temps, scapulaire, etc., ne soient dans la nouvelle loi ce qu'étaient dans l'ancienne les traditions superstitieuses des Pharisiens par lesquelles et sous prétexte desquelles ils quittaient l'essentiel de la loi, s'imaginant qu'ils étaient purifiés par ces cérémonies.

XXV. On se sert du prétexte de ce qu'on mendie pour ne pas donner à l'hôpital; et de l'hôpital pour ne pas donner aux mendiants.

XXVI. D'où vient qu'on n'a pas la même idée et la même horreur des pensées d'avarice et d'ambition que de celle de luxure, et que l'on croit pouvoir consentir sans crime au désir du bien et de l'honneur plutôt qu'à celui de la volupté. Est-ce parce qu'il est permis de

posséder des richesses et des honneurs? mais il est permis aussi d'avoir une femme.

XXVII. On ne peut tirer du vin d'un tonneau plein sans y faire entrer de l'air par une ouverture; de même pour tirer l'aumône du riche il est quelquefois nécessaire de le flatter, et de l'y porter par un mouvement de vanité.

XXVIII. Les maximes de morale des païens sont des règles particulières pour de certaines actions et en de certaines rencontres pour certaines conditions; celles de l'Évangile sont universelles, car elles changent le fond du cœur et s'étendent à toute la conduite en tous lieux et en toutes rencontres.

XXIX. Le courage de St. Pierre, quand il promit d'exposer sa vie pour J.-C. son maître, n'était pas un courage inspiré par la grâce, ce n'était qu'un courage humain; il ne produisit aussi qu'un effet tout humain quand il coupa cette oreille.

XXX. Quand on est dans la vérité, il ne faut pas craindre de creuser on trouve toujours un bon fond, on ne saurait manquer d'être soutenu. Mais dans les choses vaines et incertaines, périlleux de creuser.

XXXI. Cinq ou six pendards partagent la meilleure partie du monde et la plus riche: c'en est assez pour juger quel bien c'est devant Dieu que les richesses.

XXXII. Ce n'est pas une petite consolation pour quitter ce monde, que de sortir de la foule du grand nombre des sots et des méchants dont on y est environné.

XXXIII. Les hommes ne jugent de la malice des actions et du cœur de l'homme que par rapport à ce qui

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