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de son amour pour l'Eglise, et de son zèle pour le salut des fidèles, et pour la perfection des saints; » il ajoute qu'il s'empresse, dans sa sollicitude épiscopale, de les donner à ses chers diocésains. Empressement tardif, en vérité!

III.

Les maitres de Bossuet vouloient donc retoucher les Elévations et les Méditations; qu'ont-ils corrigé? D'abord le titre du dernier de ces ouvrages. Comme on l'a vu plus haut dans sa lettre aux religieuses de la Visitation, l'auteur l'intitule, non pas Méditations, mais Réflexions sur l'Evangile; et ce titre se trouve dans le manuscrit et dans les anciennes copies, dans celle de Jouarre ainsi que dans celle de Meaux. Néanmoins, comme le public est habitué au mot Méditations, pour ne pas jeter la confusion dans les idées, on l'a conservé dans la nouvelle édition.

Après cela les critiques ont mis des titres aux divisions des deux ouvrages, c'est-à-dire au commencement de chaque élévation et de chaque méditation. Si l'auteur n'avait pas été prévenu par la mort, il n'auroit pas manqué d'écrire ces indications sommaires : voilà pourquoi on les a maintenues pareillement, en avertissant une fois pour toutes qu'elles sont, non pas de Bossuet, mais de l'abbé Ledieu.

Ensuite les correcteurs ont modifié, d'après la Vulgate, plusieurs textes bibliques que l'auteur cite d'après d'autres versions plus exactes et non moins authentiques: on a rejeté sans scrupule ces prétendues rectifications.

En outre ils ont intercalé, dans les Méditations, trois longs passages que ne renferment ni le manuscrit, ni les anciennes copies on les a repoussés comme apocryphes, avec la seule réserve de les mentionner en lieu convenable.

Disons enfin que les savans éditeurs ont changé des termes, des phrases, des passages entiers. Il faudroit un volume pour relever toutes ces corrections, ou plutôt toutes ces altérations présomptueuses; qu'il nous suffise d'en signaler quelques-unes.

Dans la Ile Elévation de la XIe semaine, Bossuet montre en saint JeanBaptiste quatre choses qui nous préparent à Jésus-Christ. La deuxième est « sa vie étonnante dans le désert, dit le manuscrit; mais l'édition de l'évêque de Troyes porte, ainsi que toutes les autres : « Sa vie éton

'Seconde instruction, jointe aux Méditations, édition de 1731. Bien qu'il eût mis la dernière main aux Oraisons funèbres, Bossuet refusa longtemps de les donner au public; mais il ordonna de publier les Elevations et les Méditations, quoiqu'il trouvat ces ouvrages fort imparfaits. Pourquoi cette différence de volonte? Parce que les Elévations et les Méditations traitent des sujets pieux.

nante dans le désert dès son enfance 1. »-Les deux textes contiennent trois lignes plus bas :

Les éditions.

Quatre mémorables circonstances de l'histoire de saint Jean-Baptiste, que nous remarquons chacune à sa place, pour nous préparer à voir la gloire du Sauveur.

Suivons donc le saint précurseur, et voyons-le devancer en tout et partout le Fils de Dieu, tant dans sa vie que dans sa mort. Il va être conçu 3.....

Le manuscrit.

Quatre mémorables circonstances de l'histoire de saint Jean-Baptiste, pour nous préparer à voir la gloire du Sauveur suivons pas à pas le saint précurseur, et voyons-le devancer en tout et partout le Fils de Dieu. Il va être conçu...........

Ces deux colonnes reproduisent avec la plus grande exactitude, non-seulement les termes et les phrases, mais les alinéa et là ponctuation.

Dans les Élévations suivantes, les éditions disent : « Après avoir accompli le ministère sacré 3; » pour, après cette sainte fonction : « c'est son humilité qui la jeta *; » pour, son humilité la jeta : « même après que l'ange lui eut déclaré quel fils elle devroit concevoir ; » pour, quoi que l'ange lui eût dit du fils qu'elle devoit concevoir : « j'ai résolu de tout temps 6; » pour, j'ai résolu : « celui qui écoute la parole de Dieu et fait sa volonté7; » pour, celui qui écoute la parole de Dieu : <«< il entonne son Evangile par ces mots, » pour, il entonne par ces mots : « remontez. Elevez-vous avant tous les jours ; » pour, remontez avant tous les jours : « un temple, un palais, qui ne sont qu'un amas de bois et de pierres..., ont quelque chose de vivant dans l'idée et dans le dessein de l'architecte 10; » pour, un temple, un palais, qui n'est qu'un amas de bois et de pierres..., est quelque chose de vivant dans l'idée et dans le dessein de son architecte. On voit que nos censeurs sont loin d'être heureux dans leurs corrections; mais citons des passages qui présentent une certaine étendue.

Les éditions.

Le monde me méprisera, ou ne m'honorera pas autant que mon orgueil le désire. Je le méprise à mon tour; je m'en dégoûte. Ce dégoût est le précurseur de l'attrait céleste qui

Le manuscrit.

Le monde me méprisera, ou ne m'honorera pas autant que ma vanité le désire je le méprise, je m'en dégoûte ce degoût est le précurseur de l'attrait céleste qui m'unit à Dieu. Cette

'Edition de Versailles, tome VIII, p. 264. Je cite l'édition de Versailles, parce qu'elle est tout ensemble et la fidèle copie de celles qui l'ont précédée, et pour ainsi dire la matrice de celles qui l'ont suivie. 2 Ubi supra. 3 Ibid., p. 267. - Ibid., 276. Ibid., 279 • Ibid. Ibid., 285.8 Ibid., 286. 9 Ibid., 289.10 Ibid., 295.

m'unit à Dieu. Cette profonde mélancolie où je suis jeté, je ne sais comment, dans les détresses de cette vie, est un précurseur qui me prépare à la lumière.. Les terreurs des jugemens de Dieu,, qui ne me laissent de repos ni nuit ni jour, sont un autre précurseur 1...

profonde mélancolie où je suis jeté je ne sais comment, est un précurseur qui me prépare à la lumière... Les terreurs des jugemens de Dieu, qui me persécutent nuit et jour, sont un autre précurseur...

Les additions des correcteurs n'affaiblissent-elles pas plutôt la pensée qu'elles ne la fortifient? Un peu plus loin :

Les éditions.

Nous disons du Verbe, qu'il étoit Verbe, qu'il étoit Fils unique, qu'il étoit Dieu; et ensuite nous considérons ce qu'il a été fait. Il étoit Dieu dans l'éternité, il a été fait homme dans le temps. Et même saint Pierre dit 2...

Le manuscrit.

Nous disons du Verbe qu'il étoit Verbe, qu'il étoit Fils unique, qu'il étoit Dieu et qu'il a été fait : Dieu dans l'éternité, homme dans le temps. Et ensuite saint Pierre dit...

Ici les éditeurs défigurent par leurs explications maladroites, nonseulement le texte, mais le sens de l'auteur.

Les éditions.

Il étoit naturellement plus que Jean : et c'est pourquoi il lui a été préféré. Cette préférence, pour ainsi parler, est une chose qui a été faite; mais qui n'auroit point été faite, si en effet Jésus-Christ, selon sa divinité, n'étoit plus grand que Jean 3.

Ils poursuivent ainsi :

Le manuscrit.

Il étoit naturellement plus grand que Jean, et c'est pourquoi il lui a été préféré ce qui est une chose qui a été faite; mais qui n'auroit point été faite, si en effet Jésus-Christ selon sa divinité n'étoit plus que Jean.

Toujours des intercalations explicatives qui n'expliquent rien. - A

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Que cela suffise pour les Elévations. Les Mélitations n'ont pas été reproduites plus fidèlement. Le manuscrit de la première partie, renfermant l'explication du discours sur la montagne, se dérobe depuis longtemps à toutes les recherches; il fut probablement arrêté, par une main peu délicate, dans les pérégrinations que la complaisance intéressée du propriétaire lui faisoit faire de portefeuilles en portefeuilles. L'abbé Ledieu dit qu'il avoit une copie plus complète que le manuscrit de l'abbé Bossuet 1; cette copie n'auroit-elle pas servi de source et de type à l'édition princeps, donnée en 1731 par l'évêque de Troyes? Dans ces conjonctures, que devoit-on faire pour la nouvelle édition de Bossuet? Comme toutes les copies renferment toute sorte d'inexactitudes, à défaut du manuscrit, on a consulté, pour la première partie des Méditations, l'édition de 1731, et aussi celle de 1752, qui au reste ne diffère pas de celle-là; pour la seconde partie qui forme presque tout l'ouvrage, on a suivi le manuscrit; et le collationnement a révélé dans les éditions des fautes innombrables, des altérations de tout genre, des interpolations de toute espèce.

Ici l'on ne mettra point en regard, dans des extraits comparatifs, le texte des éditeurs et celui du manuscrit: voici un fait qui peut remplacer toutes les citations. En 1772, les bénédictins des Blancs-Manteaux publièrent sous la direction de Déforis, l'aigle de la congrégation janséniste, les deux œuvres posthumes d'après les premières éditions et quelques copies. Lorsque leur travail fut imprimé, ils retrouvèrent, disent-ils, les manuscrits qui à la vérité n'avoient jamais été perdus, et la confrontation leur fit découvrir qu'ils avoient commis des milliers d'altérations; l'errata remplit, pour les Elévations seulement, 17 pages in-40, imprimées sur deux larges colonnes avec des caractères trèsserrés; et les éditeurs se gardèrent bien de porter en ligne de compte les changemens de termes, les interversions de phrases, en un mot toutes les corrections que le caprice et la présomption leur avoient commandé de faire dans le texte de Bossuet. On me dispensera maintenant, je l'espère, de confronter ici les Méditations sur le manuscrit.

Au reste, si l'on veut savoir comment les premiers éditeurs ont arrangé, manipulé les œuvres posthumes, on trouvera dans les Remarques historiques du VIIIe volume de nombreux échantillons de leur savoirfaire.

Encore deux courtes remarques. Bossuet n'a pas suivi, dans tous ses ouvrages, le mème système de ponctuation. Dans la dernière période de sa mission comme écrivain, lorsqu'il eut quitté la chaire apostolique, les périodes prirent plus d'ampleur et plus de développement sous sa plume que dans les époques précédentes de là, la

'Journal de l'abbé Ledieu, dimanche 8 août 1706.

nécessité d'une ponctuation plus variée, par cela même l'emploi plus fréquent des deux points. Le lecteur attentif de Bossuet ne blâmera point cette minutie. Minutie? Il n'y en a point dans le métier d'éditeur littéraire.

Ensuite, dans la distribution des matières, il ne falloit ni mettre les Méditations dans deux volumes différens, ni séparer ce livre des Elévations par d'autres œuvres. Pour éviter ce double inconvénient, il ne s'offroit qu'un moyen, c'étoit de donner les Méditations dans un premier volume, puis les Elévations avec les opuscules dans un second. Voilà ce qu'on a fait.

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