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au temps de la passion, ce que je vais tâcher de pénétrer avec le secours de l'Ecriture?

Le trouble de l'ame consiste principalement dans la diversité des pensées qui nous montent dans l'esprit à l'occasion des objets extraordinaires. « Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi s'élève-t-il tant de différentes pensées dans votre cœur 1? » dit Jésus lui-même à ses disciples, lorsqu'il les vit si effrayés de ce qu'il leur apparoissoit après sa mort. Ces pensées, dont l'ame est distraite et agitée, en sorte qu'elle ne sait quel parti prendre et à quoi se déterminer, c'est ce qui la trouble: elle ne se possède plus, elle n'est plus maîtresse d'elle-même.

Oserons-nous dire qu'il y a eu quelque chose de semblable dans l'ame sainte de Jésus? « Maintenant, dit-il, mon ame est troublée et que dirai-je? Dirai-je » à mon Père : « Mon Père, sauvez-moi de cette heure » affreuse où j'aurai tant à souffrir? <«< Mais c'est pour cette heure-là que je suis venu: mon Père, glorifiez votre nom. »

Voilà cette diversité de pensées : on voit une espèce de perplexité dans ces paroles : « Que dirai-je ? » une espèce d'irrésolution dans celles-ci : Que demanderai-je à mon Père? qu'il me délivre de tant de maux? Mais tout se termine enfin par s'abandonner tout entier à Dieu et n'avoir pour objet que sa gloire.

Y a-t-il eu une véritable irrésolution dans la sainte ame de Jésus? A Dieu ne plaise! car l'irrésolution ne venant que de la foiblesse de la raison, lorsqu'on ne voit pas assez clair pour se déterminer à ce qu'il faut faire, une telle disposition pouvoit-elle se trouver dans l'ame du Sauveur, à qui la sagesse éternelle étoit unie et ne cessoit de la diriger dans tous ses mouvemens? Mais encore qu'il n'y eût point une véritable irrésolution dans une ame si ferme et si éclairée, il y a eu quelque chose de semblable, puisqu'il a souffert en lui-même ces différentes pensées que causent d'un côté l'horreur naturelle d'une mort accompagnée de tant de terribles circonstances, et de l'autre une parfaite détermination à s'y livrer, parce que Dieu le vouloit ainsi.

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XV JOURNÉE.

L'horreur du péché, cause du trouble de Notre-Seigneur. Ibid.

Pour comprendre combien cet état est fàcheux et affligeant, il ne faut que se souvenir que ce qui faisoit l'horreur de Jésus-Christ n'étoit pas seulement la mort douloureuse qu'il avoit à souffrir : car encore que cette horreur de la mort et de la douleur soit naturelle au genre humain et que Jésus-Christ l'ait dû prendre avec toute sa vivacité en prenant notre nature tout entière, c'étoit le péché qu'il regardoit comme l'objet qui lui étoit le plus opposé et qui faisoit son aversion. Il regardoit la mort, ainsi qu'on l'a vu, comme l'effet, comme la peine du péché la sienne étoit causée par mille énormes péchés : elle en augmentoit la grièveté et le nombre à la manière qui a été dite. Ah quel calice! combien grande, combien excessive en est l'amertume!

Un ancien Père raconte la disposition de trois solitaires dans les injures qu'on leur faisoit. L'un se recueilloit en lui-même et examinoit en tremblant s'il ne s'étoit point emporté, s'il n'avoit point manqué de patience. L'autre regardoit celui par qui il étoit outragé comme un homme qui s'attiroit à lui-même de grands maux par les justes jugemens de Dieu, et il en étoit attendri jusqu'à en pleurer. Mais les larmes du dernier étoient bien plus abondantes et bien plus amères, parce qu'il s'attachoit à considérer que les outrages qu'on lui faisoit étoient autant d'offenses contre Dieu, dont encore il avoit été l'occasion, quoiqu'innocente. Laissons la première disposition, qui ne peut convenir au Sauveur; mais les deux autres étoient en lui d'autant plus vives qu'il avoit plus de tendresse pour les hommes, une impression beaucoup plus forte des jugemens de Dieu et une horreur du péché au-dessus de tout ce qu'on peut penser.

Quand donc il lui plaisoit, quand il étoit convenable, et il l'étoit principalement dans le temps de sa passion, de se livrer tout entier à ce sentiment de compassion pour les pécheurs et d'horreur pour le péché même, ce qu'il souffroit est inexplicable et il ne faut

pas s'étonner de lui avoir entendu dire : « Mon ame est troublée 1; » ni de lui entendre dire bientôt : « Mon ame est triste jusqu'à la mort 2. »

Mon Sauveur, ce trouble de votre sainte ame étoit nécessaire, d'un côté pour exciter et pour guérir l'insensibilité de la mienne, qui loin d'être troublée de son péché, n'en sent ni le poids ni la blessure; et de l'autre pour expier ce trouble de mes sens émus par les diverses passions qui me tyrannisent tour à tour. Seigneur, guérissez-moi de tant de maux que je cesse d'être insensible au péché que je cesse d'être si sensible aux plaisirs et aux douleurs qui viennent du corps, où je me trouve plongé par l'acquisition et la perte des biens périssables.

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Ce trouble étoit volontaire en Notre-Seigneur et nécessaire pour nous. Ibid.

Comment s'accorde ce trouble, cette agitation et, pour tout dire à la fois, cette profonde tristesse de l'ame de notre Sauveur, avec la parfaite union du Verbe et la bienheureuse jouissance qu'elle attiroit avec elle? C'est un mystère qu'il ne faut pas espérer de pénétrer en cette vie. Il nous suffit de penser que comme l'union de l'ame avec le corps a ses règles qui font que l'ame, selon ses divers rapports et ses différens objets, a des sentimens, reçoit des impressions, forme des pensées contraires en quelque façon les unes aux autres : ce qui donne lieu non-seulement aux philosophes, mais encore à l'Apôtre même, de distinguer « l'ame d'avec l'esprit, » c'est-à-dire de distinguer l'ame comme en deux parties, et la partie animale d'avec la spirituelle et la raisonnable: ce qui souffre encore plusieurs autres subdivisions, en sorte qu'il semble quelquefois qu'il y ait plusieurs hommes dans un seul homme, tant ces sentimens différens sont véritables et vifs des deux côtés : ainsi l'union du Verbe avec l'ame et par l'ame avec le corps, et encore celle du Verbe fait homme avec les fidèles qui 3 Hebr., IV, 12.

1 Joan., Xu 27.

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. 2 Matth., XXVI, 38.

sont ses membres, et avec tout le genre humain qu'il porte en luimême, ont leurs règles prescrites par le Verbe même, qui demeurant toujours immuable, excite dans l'ame qui lui est unie et appropriée de cette admirable manière qui la fait être véritablement l'ame d'un Dieu, des sentimens différens selon les divers rapports qu'elle a avec lui, avec son corps naturel, avec son corps mystique, avec tous ses membres et en un mot avec tous les hommes. En sorte qu'il a dù souffrir par rapport à nous et, comme parlent les Pères, par économie, par dispensation, par condescendance, ce qui n'eût point convenu à son état s'il n'eût été qu'une personne ordinaire et particulière: d'où aussi il est arrivé que, sans aucune diminution de la force qui le tenoit invinciblement et inviolablement uni à la volonté de Dieu et au Verbe qui régloit tous ses mouvemens, par le ministère qu'il exerçoit de chef, de victime, de modèle du genre humain, il a dû souffrir les délaissemens et les foiblesses que demandoient l'expiation de nos péchés, l'exemple qu'il nous devoit, et les graces qu'il falloit nous mériter par ce moyen. C'est pour nous que, sans déroger à la vérité de cette parole: « Je ne suis pas seul, car mon Père demeure avec moi',» il n'a pas laissé de s'écrier: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé ?? » C'est pour nous que tout heureux qu'il étoit dans la haute partie de l'ame par la jouissance du Verbe qu'il ne pouvoit pas ne pas posséder, puisqu'il faisoit avec lui une seule et même personne, il a fallu qu'il pût dire selon la partie inférieure: « Je suis triste jusqu'à la mort; » et encore : « L'esprit est prompt, mais la chair est infirme 3; » et le reste que nous trouverons dans la suite. Car ces peines intérieures faisoient partie de ce qu'il devoit souffrir pour le péché : ces foiblesses faisoient partie du remède qu'il devoit apporter aux nôtres, et de l'exemple qu'il nous devoit donner pour les soutenir et pour les vaincre. Il falloit qu'il y eût en lui des infirmités, des détresses, des désolations, des délaissemens auxquels nous pussions nous unir pour porter les nôtres. C'est par là « qu'il est devenu ce pontife compatissant qui sait nous plaindre dans nos maux, à cause qu'il les a expérimentés et qu'il a passé par toute 1 Joan., XVI, 32. - 2 - Matth., XXVII, 46. – 3 Matth., xxvi, 38, 41.

sorte d'épreuves; tenté, » comme dit saint Paul, « ainsi que nous en toutes choses, à la réserve du péché 1. »

C'est pour toutes ces raisons, et sans doute pour beaucoup d'autres qui ne sont pas encore révélées, que l'ame de Jésus-Christ a été livrée par le Verbe aux horreurs, aux troubles, aux foiblesses, aux délaissemens que nous avons vus; qu'elle s'y est livrée ellemême volontairement, en s'appliquant aux objets capables de les exciter et se mettant dans des dispositions qui y étoient le plus convenables. Ce qui fait dire à saint Jean «qu'il étoit troublé» à la vérité, mais aussi « qu'il se troubloit lui-même, » n'y ayant rien de forcé dans le trouble qu'il souffroit, et au contraire tout y étant dirigé et ordonné par le Verbe qui présidoit dans cette personne adorable, et par l'ame qui s'abandonnoit à cette conduite de toute sa volonté et de toute sa pensée.

C'est par une intime participation de ces états du Sauveur que des ames saintes, au milieu du trouble des sens et parmi des angoisses inexplicables, jouissent dans un certain fond d'un imperturbable repos, où elles sont dans la jouissance autant qu'on y peut être en cette vie. Elles n'ont donc qu'à s'unir au trouble, aux infirmités, aux délaissemens de Jésus pour par ce moyen trouver leur soutien dans l'union intime qui le tenoit si inséparablement attaché à la divinité et aux ordres de la Sagesse incréée.

Ainsi le saint homme Job poussé en quelque façon de deux esprits opposés, pendant qu'il dispute avec Dieu pour soutenir devant lui son innocence, qu'il fulmine pour ainsi dire contre lui, et qu'il lui fait son procès, comme à celui qui l'a condamné par un jugement inique et par une espèce d'oppression et de calomnie3, pénétré en même temps de sa souveraine justice, il lui demande pardon avec une humilité admirable, et reconnoît en tremblant qu'il n'y a point de sainteté irrépréhensible à ses yeux *. Et pendant que les objets affreux que Dieu lui met dans l'esprit même durant son sommeil, sans lui vouloir laisser aucun repos, semblent lui faire perdre tout courage, jusqu'à dire « qu'il est au désespoir, qu'il en est réduit au cordeau et à se défaire lui-même ", » dans le

1 Hebr., IV, 15; v, 2, 8. 2 Joan., XII, 27; x1, 33. 18; xvii, 2; xix, 6; xxIII, 3-6. — ↳ Job, IX, 15 et seq.

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3 Job, X, 3; XIII, 3; XVI,

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