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il s'allonge lui-même en quelque sorte par l'effort qu'il fait pour

s'avancer.

Voilà donc le vrai chrétien, le vrai juste. Il croit n'avoir rien fait: car s'il croit être suffisamment juste, il ne l'est point du tout. Il faut donc toujours avancer et sortir continuellement de son état. « Soyez parfaits comme votre Père céleste'. » Ayez-en du moins la volonté : car c'est renoncer à la justice que de se reposer dans celle qu'on a; comme si on étoit assuré qu'elle fût suffisante; d'autant plus que si vous n'avancez, vous reculez. « Vous regardez en arrière, » contre le précepte de l'Evangile. Et que décide le Sauveur? que vous « n'êtes pas propre au royaume de Dieu . »

Voilà pourquoi il disoit, qu'il falloit « avoir faim et soif de la justice.» Ce n'est pas un désir ordinaire; c'est un désir comme celui qui nous porte à nous nourrir, et à vivre : désir ardent et invincible, que vous devez sans cesse exciter. En quelque état que vous soyez, vous devez toujours avoir cette faim et cette soif: 1 parce que la capacité de votre intérieur est infinie, comme l'est aussi la justice que vous cherchez.

Sur ce fondement de la perfection de la justice chrétienne, Jésus-Christ bâtit tout l'édifice, c'est-à-dire, tous les préceptes de son Evangile, pour nous élever au-dessus des païens, des Juifs, et de nous-mêmes. Ce qu'il a compris dans cette parole: « Soyez parfaits comme votre Père céleste: » et ce que son Apôtre a exprimé de la manière que nous avons vue.

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Haine, colère, parole injurieuse : quelle en est la punition.
Matth., v, 21, 22.

Après cette belle préparation, après cette belle idée de la justice chrétienne, Jésus-Christ commence à régler ce qu'on doit au prochain, et il nous apprend jusqu'où l'on doit éviter de lui nuire. 1 Matth., v, 48. - 2 Luc., IX, 62.

Saint Jean dit que « celui qui hait son frère est un meurtrier 1. >> Jésus-Christ le répute tel. C'est pourquoi il dit que ce n'est pas seulement en le tuant « qu'on se rend digne d'être puni par le jugement,» mais encore « si on se fache contre lui. » Et que « si on témoigne son indignation par quelque parole de colère ou de mépris, on mérite d'être condamné par le conseil, » on est digne d'une plus grande peine; «< mais que si on s'emporte jusqu'à l'appeler insensé, on n'évitera pas le feu éternel 2. »

Il faut ici peser ces trois degrés, se mettre en colère, témoigner sa colère par quelque parole d'emportement, dire des injures atroces et traiter son frère de fou; et les comparer avec les trois peines le jugement, le conseil, le feu.

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Le jugement emportoit la peine capitale, puisqu'il est attribué, selon les anciens, au meurtre, que la loi punissoit de mort irrémissiblement. Mais Jésus-Christ, pour faire voir combien la justice humaine étoit foible en comparaison de la divine qu'il venoit déclarer aux hommes, met le jugement, c'est-à-dire, la peine capitale des jugemens humains, pour le plus foible degré, qui est la colère. Il veut donc dire que se mettre en colère contre son frère, est un péché digne de mort devant Dieu. Et ainsi il ne faut pas douter qu'on ne commette un péché mortel, lorsqu'on demeure volontairement aliéné de son frère: ce qui arrive lorsqu'on demeure fâché contre lui, parce qu'alors la colère s'est tournée en haine. En cet état rien n'excuse de péché mortel, que la résistance qu'on apporte à une disposition si mauvaise: car lorsqu'elle domine dans le cœur, la charité s'y éteint.

Le second degré de supplice est le conseil; ce qui se dit par rapport à la police des Juifs. Au-dessus du jugement où l'on punissoit les crimes particuliers jusqu'à la mort, il y avoit le sanhédrin ou le conseil suprême de la nation 3, d'autant plus sévère qu'on y jugeoit les crimes publics, qui regardoient l'état du peuple de Dieu dans la religion et dans le gouvernement, sans aucun appel. Pour exprimer le juste supplice de celui qui s'emporteroit au second degré de colère, c'est-à-dire jusqu'à témoigner sa haine par quelque parole de fureur ou de mépris, Jésus-Christ le soumet 1 Joan., III, 15. - 2 Matth., V, 21, 3 Josep h., Antiq. Judaic., XIV, 17

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à ce qu'il y a de plus rigoureux et de plus inévitable parmi les hommes, qui est la rigueur extrême du souverain conseil de la nation.

Le dernier degré suit après cela, qui est de dire des injures atroces, comme d'appeler son frère fou : et pour exprimer la vengeance qui en sera faite, il n'y a plus rien parmi les hommes qu'une vallée auprès de Jérusalem, qu'on réputoit abominable et qu'on appeloit la vallée des cadavres et des cendres, parce que c'étoit celle où, du temps des idolâtries du peuple de Dieu, les Israélites brùloient leurs enfans en l'honneur de l'infâme idole de Moloch, et où on jetoit leurs cendres et leurs cadavres à demi brûlés.

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La tradition enseignoit encore que les cadavres des soldats de Sennacherib y avoient été jetés à tas; de sorte qu'elle fourmilloit de vers qui sortoient de ces cadavres : les marques du feu étoient dans les cendres et dans les cadavres à demi brûlés. Cette vallée s'appeloit la vallée du fils d'Ennom, Ben-Ennom et changeant le B en G, Gehennom, Gehenna, Gehenne. Par où l'on exprima ensuite l'enfer, le feu dont les damnés y sont dévorés et les vers qui les y rongent, dont le Sauveur dit : « Leur ver ne meurt point et leur feu ne s'éteint jamais 3. »

C'est donc à cette vallée des cadavres, qu'on appeloit aussi la vallée de la mort, que Jésus-Christ compare le supplice affreux de ceux qui traitent leurs frères d'insensés et de fols. Que s'il ordonne ce supplice pour les injures, combien seront tourmentés ceux qui frappent, ceux qui tuent? Le Fils de Dieu n'en parle pas, comme ne voulant pas supposer que cela puisse arriver parmi les siens; et laissant assez entendre combien les actions violentes seront punies, si les paroles le sont avec une si terrible rigueur. Pesons donc toutes nos paroles, puisqu'elles sont pesées avec une telle rigueur dans le souverain jugement de Dieu.

1 Jos., XV, 8 et XVIII, 16. • Marc., IX, 47.

2 IV Reg., XXIII, 10; II Paral., xxvIII, 3.

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C'est encore un beau et grand précepte, et par lequel nous pouvons entendre combien Dieu aime la paix, de nous ordonner comme il fait de nous réconcilier avec notre frère avant que d'approcher de l'autel. Il ne veut point de l'oblation qui lui est offerte avec un cœur plein de ressentiment et avec des mains portées à la vengeance.

On doit encore beaucoup remarquer cette parole: « Si votre frère a quelque chose contre vous 1, » et non-seulement si vous lui en avez donné sujet, mais encore s'il l'a pris mal à propos : il faut s'éclaircir charitablement avec lui, de peur que vous ne veniez à le haïr, lorsque vous saurez qu'il vous hait. Le premier présent qu'il faut offrir à Dieu, c'est un cœur pur de toute froideur et de toute inimitié avec son frère.

N'attendez pas même le jour de la communion: celui d'entendre la messe où l'on se trouve plusieurs ensemble, même quand on assisteroit seul au saint sacrifice, ce jour doit être précédé de la réconciliation.

Il faut encore porter plus loin l'amour de la paix; et saint Paul dit: « Que le soleil ne se couche point sur votre colère. » Les ténèbres augmenteroient notre chagrin; notre colère nous reviendroit en nous éveillant et deviendroit plus aigre. Les passions tristes et sombres, du nombre desquelles sont la vengeance, la jalousie, s'aigrissent pendant la nuit, ainsi que les plaies, les fluxions, les maladies.

Dans les querelles, dans les procès, dans toutes les dissensions, on se « livre » l'un l'autre « au juge,» parce qu'on s'offense mutuellement on doit donc craindre « la prison, d'où l'on ne sort qu'après avoir tout payé » dans la dernière rigueur : et il faut 1 Matth., V, 23. — Ephes., IV, 28.

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s'accorder volontairement l'un avec l'autre, plutôt que d'en venir à un jugement qui augmenteroit l'aigreur. C'est ce qu'il faut bien considérer.

Saint Augustin dit que cet « ennemi avec lequel il se faut réconcilier, pendant qu'on est dans la voie1, » c'est la vérité qui nous condamne dans cette vie et nous « livre » en l'autre « à l'exécuteur, qui nous oblige à payer jusqu'au dernier sol; » c'est-à-dire à demeurer éternellement dans cette affreuse prison, puisque nous ne pouvons jamais satisfaire pour nos crimes.

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XV. JOURNÉE.

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Délicatesse de la chasteté s'arracher l'œil: se couper la main indissolubilité du mariage. Matth., v, 27, 32.

En ce qui regarde la chasteté, il faut craindre jusqu'à un regard: c'est par là qu'entre le poison. « Prenez garde, » disoit Moïse, « de ne point laisser aller vos yeux et vos pensées, en vous souillant dans les objets qui vous environnent 2. » Job disoit aussi dans cette vue : « J'ai fait un pacte avec mes yeux 3, » que je les tiendrois toujours modestes, jamais vagues ni dissipés. Le voile des vierges sacrées est la marque et l'instrument de cette retenue; leur vie est une retraite d'où il faut que les yeux profanes soient bannis: elles ne doivent ni voir ni être vues. C'est le premier enseignement de Jésus-Christ sur cette matière.

Le second est de renoncer aux liaisons non-seulement les plus agréables, mais encore les plus nécessaires, plutôt que de mettre son salut en péril. Le secret est de fuir, d'éviter les occasions prochaines, c'est-à-dire celles où l'on a déjà fait naufrage; craindre même les plus éloignées, se précautionner de toutes parts, couper jusqu'à sa main droite et jusqu'à son pied, arracher jusqu'à ses yeux; tout doit être violent dans cette matière. Car il faut, autant qu'il se peut, éviter même d'avoir à combattre, parce qu'on 1 Matth., v, 25, 26. — 2 Num., xv, 39. 3 Job., XXXI, 1.

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