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de l'Evangile des Hébreux, qui les donne comme ayant été prononcées par Notre-Seigneur, et elles sont rapportées par saint Jérôme dans son livre contre Pélage (ш, 1) et dans son Commentaire sur l'Épître aux Éphésiens (cap. v). C'est dans l'Évangile des Nazaréens que nous trouvons ce récit, et tout porte à croire qu'il est exact. Pierre, en effet, n'aurait pas eu de lui-même l'idée qu'il fallait pardonner sept fois dans un jour, puisque, au contraire, il exprime son étonnement à ce sujet. Cette pensée avait donc dù lui être suggérée par ce que Jésus-Christ avait dit. Les Juifs croyaient, et nous lisons encore dans le Talmud, qu'on peut bien à la vérité pardonner trois fois à son prochain, mais qu'on ne le doit pas faire plus souvent. (Babyl. Yoma, fol. LXXXVI, 2.) Il en devait être autrement dans le christianisme. S'il avait été dit dans l'ancienne loi : Caïn doit être vengé 7 fois, et Lamech 70 fois, le pardon et la réconciliation devaient dans la nouvelle alliance remplacer la vengeance. Aussi Dieu promet-il aux hommes de leur pardonner toutes les fois qu'ils reviendront à lui. N'avait-il pas déjà donné à l'égard du peuple juif une figure et une preuve à la fois de son immense miséricorde en l'attendant à la pénitence 7 fois 70 ans après le châtiment, si terrible déjà, de la captivité de Babylone. Il ne faut pas oublier, au reste, que le nombre 7 chez les Juifs exprimait le superlatif en général, de même que chez nous le nombre mille; ce qui donne à cette expression un sens bien plus étendu.

« Le royaume du ciel est semblable à un roi qui vou«lut régler ses comptes avec ses serviteurs. Comme il «< commençait cette entreprise, on lui en amena un qui

« lui devait dix mille talents. Mais comme il ne pouvait « le payer, le maître ordonna qu'on le vendit, lui, sa << femme, ses enfants et tout ce qu'il' possédait pour « se payer ainsi. Alors le serviteur tomba à ses pieds, « et le supplia en disant Maître, ayez patience avec « moi, je vous paierai tout. Et le maître, ayant pitié « de ce serviteur, le relâcha et lui remit toute sa dette. « Mais le serviteur étant sorti trouva un de ses com«pagnons qui lui devait cent deniers; et le saisis<< sant, il l'étranglait et lui disait : Paie-moi ce que tu « me dois. Son compagnon, tombant à ses pieds, le «< conjurait en lui disant: Aie patience avec moi, je te « paierai tout. Mais lui ne le voulut pas, et s'en allant, << il le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il eût payé sa « dette. Or les autres serviteurs, voyant ce qui était « arrivé, s'indignèrent, et allèrent raconter à leur maître a tout ce qui s'était passé. Celui-ci le fit appeler, et lui «dit: Méchant serviteur! sur ta demande je t'ai remis « toute ta dette; ne devais-tu donc pas aussi, toi, avoir « pitié de ton compagnon comme j'ai eu pitié de toi! << Et son maître, irrité, le livra à ses agents jusqu'à ce « qu'il eût payé toute sa dette. Ainsi agira mon Père « céleste à votre égard si chacun de vous ne pardonne «pas du fond de son cœur à son frère. Car si vous avez

quelque chose contre quelqu'un, et si vous pardonnez « aux hommes leurs fautes, votre Père qui est au ciel << vous pardonnera aussi vos péchés; mais si vous ne << pardonnez pas aux hommes, votre Père céleste ne vous « pardonnera pas non plus vos péchés. >>

Quel est ce roi qui veut régler ses comptes? Et quel est le serviteur qui doit à son maître la somme énorme de

dix mille talents? Nous avons vu jusqu'ici que les paraboles dont se servait Notre-Seigueur n'étaient pas seulement un jeu de l'imagination, mais qu'elles avaient toutes un fondement ou dans les objets matériels qu'il avait sous les yeux, ou dans les faits, les usages et les institutions au milieu desquels il vivait. Une dette aussi considérable à l'égard d'un supérieur, et d'un autre côté tant de dureté et de rigueur à l'égard des inférieurs, pour les contraindre à payer ce qu'ils doivent, ne peuvent s'expliquer que par le système de fermage en vigueur à cette époque. Ainsi nous savons que, déjà au temps de Ptolémée Évergète, un certain Joseph, neveu du grand prêtre Onias, tenait à ferme du roi d'Égypte les tributs de la Syrie, de la Phénicie et de la Palestine pour la somme de 16 mille talents, le double de celle qu'avait donnée son prédécesseur, et que malgré cela il fit un profit considérable. Il est vrai qu'il se présentait escorté de deux mille soldats, et qu'à Ascalon, la première ville importante qu'il rencontra, et qui lui refusa le tribut, il fit exécuter vingt magistrats et confisquer leurs biens jusqu'à concurrence de mille talents. Puis il plaça dans la banque d'Alexandrie les sommes qu'il avait ainsi extorquées; car les banques et les chambres de commerce existaient déjà à cette époque, et nous voyons que, dans la parabole du serviteur négligent, le maître reproche à celui-ci de n'avoir pas placé dans une banque le talent qu'il avait reçu, plutôt que de l'enfouir et de le rendre inutile. Sylla frappa la province d'Asie d'une contribution de 20 mille talents, que les chevaliers romains se chargèrent de lui fournir; mais cette opération leur rapporta plus de 120 mille talents.

Il semblerait que le chevalier romain Pilate, semblable à Verrès, son collègue, devenu fameux dans l'histoire par ses concussions, se serait aussi servi de la prison et de la torture dans ses exactions. Philon, du moins, écrit qu'il fut accusé auprès de l'empereur et déposé de sa charge à cause de sa dureté envers ses subordonnés, et parce qu'il vendait la justice. Il ne paraît pas cependant que cette parabole lui soit applicable. Le maître désigné ici est probablement l'empereur Auguste lui-même. Le débiteur est un certain Xénodore, qui avait obtenu en ferme, de Cléopâtre d'abord, et puis d'Octave, la tétrarchie de Lysanias, Abila, Blatha et Panéas avec ses environs. Cet homme avait organisé un système régulier de pillage et de concussion, afin que son marché lui fût profitable. Il prenait à son service des Trachonitiens pour piller les Damascéniens, pendant que d'un autre côté il sous- affermait aux Arabes l'Auranite. Auguste, dans son voyage de Syrie, lui aurait peut-être pardonné ses exactions si les voisins, désignés ici dans l'Evangile comme ses compagnons, ne l'avaient accusé auprès de l'empereur à cause de ses violences; sur quoi il fut déposé de sa charge, et alla mourir misérablement à Antioche. Notre-Seigneur continua en ces termes :

<«< Réconcilie-toi à temps avec ton adversaire : mais si « tu vas avec lui chez le juge, tâche de te débarrasser de «<lui pendant que tu es encore avec lui en chemin, afin «que ton adversaire ne te livre point au juge, et que le « juge ne te livre point aux archers, et que l'archer ne «te jette point en prison. En vérité, je te le dis, tu n'en a sortiras point que tu n'aies payé la dernière obole. « Si quelqu'un te prends ta tunique, abandonne - lui

<< encore ton manteau plutôt que d'aller avec lui devant « le juge; car quelle justice peux-tu attendre du juge << temporel? » Cette parabole nous apprend de quelle manière se rendait alors la justice. Le maître dont elle parle pouvait, d'après le droit des Romains, des Grecs et des Juifs, se saisir de son débiteur insolvable avec tous les siens, et les garder comme esclaves. (Nombre, XXV, 39. Second livre des Rois, iv, 1.) Il aime mieux lui remettre sa dette, conformément à cet esprit de douceur et de miséricorde qui caractérisait les Juifs des anciens temps. Mais ce débiteur agit bien autrement à l'égard de ceux qui lui doivent.

La parabole fait ici clairement allusion à la loi romaine alors en vigueur, d'après laquelle le débiteur en retard était adjugé sans formes de procès à son créancier, qui s'en emparait aussitôt, in nervum ducebat, le gardait dans sa maison comme prisonnier, et le traitait selon son bon plaisir. Cette loi avait été, il est vrai, adoucie par la loi Patelia; mais celle-ci n'avait duré que peu de temps. Lorsque Notre-Seigneur recommande à ses disciples de se réconcilier promptement avec leurs adversaires plutôt que de paraître devant le juge, le conseil qu'il leur donne est tout à fait en rapport avec la loi romaine de injuriis, d'après laquelle le plaignant traînait lui-même de ses propres mains devant le juge celui dont il avait à se plaindre, sans avoir besoin d'aucune autorisation, in jus rapit. Celui-ci, néanmoins, pouvait encore, pendant le trajet, s'accommoder avec son accusateur; sinon, dans le cas où il était reconnu coupable, il était puni d'une amende ou retenu en prison jusqu'à ce qu'il l'eût payée. Notre-Seigneur blâme donc ici d'une manière implicite

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