CHAPITRE XXV Guérison d'un épileptique. << Lorsqu'il fut venu trouver ses autres disciples, il vit « autour d'eux une grande foule et des scribes qui par<< laient avec eux; car ils voulaient guérir un lunatique, » ou, comme disaient les Juifs, chasser un esprit muet, parce que le malade n'écoutait personne, et que, dans ses accès, il ne prononçait que des mots inarticulés. Or ils ne pouvaient réussir. « Aussitôt que le peuple eut << aperçu Jésus, ils furent saisis d'étonnement et de « frayeur; et, étant accourus à lui, ils le saluèrent. » C'était, d'après la légende du pays, des habitants d'un village voisin nommé Debora, et qui s'appelle aujourd'hui Dabereth. Il est situé à l'est de la montagne du Thabor, à l'endroit même où Debora, avec Barac, défit Jabin, général du roi des Chananéens, et devint ainsi la libératrice de son peuple. « Jésus leur demanda : De quoi disputez<< vous ensemble? Et un homme d'entre le peuple, s'a« vançant, s'agenouilla devant lui, et lui cria: Seigneur « et maître, je vous en prie, ayez pitié de moi, et inté«ressez-vous à mon fils; car il est mon unique enfant. « Je vous l'ai amené, parce qu'il est possédé d'un esprit « muet. Hélas! toutes les fois que l'esprit le saisit, il se « met à crier. L'esprit le jette contre terre, de sorte « qu'il écume, grince des dents, et il est tout desséché. « Il le quitte avec peine après l'avoir ainsi déchiré, et il « souffre cruellement. J'avais prié vos disciples de le « chasser; mais ils ne l'ont pu. Jésus leur répondit alors : « O race incrédule et dépravée, combien de temps me «faudra-t-il encore rester avec vous et vous supporter? « Amène-moi ici ton fils. On l'amena. Mais dès que «< celui-ci le vit, le démon l'agita violemment, de sorte <«< qu'il tomba par terre, se roulant et écumant. Jésus << demanda à son père: Combien il y a-t-il qu'il souffre « de ce mal? Celui-ci répondit : Depuis son enfance; << l'esprit l'a souvent déjà jeté dans le feu ou dans l'eau << pour le tuer. Si vous pouvez quelque chose, secourez<< nous et ayez pitié de nous. Mais Jésus lui dit : Si tu peux «< croire, tout est possible à celui qui croit. Et aussitôt le « père s'écria en pleurant: Seigneur, je crois, aidez mon «< incrédulité. Jésus, voyant que le peuple accourait en << foule, menaça l'esprit impur, et lui dit : Esprit sourd « et muet, sors de cet enfant, et n'y rentre plus. Le « démon, ayant jeté un grand cri et l'ayant agité de << violentes convulsions, sortit; mais l'enfant était comme « mort, de sorte que beaucoup disaient: Il est mort. Mais « Jésus l'ayant pris par la main et le soulevant, il se tint << debout. L'enfant fut guéri sur-le-champ, et Jésus le << rendit à son père. Et tous étaient étonnés de la grande << puissance de Dieu. Or, Jésus étant entré dans la maison, «ses disciples vinrent à lui en particulier, et lui dirent: « Pourquoi n'avons-nous pu chasser ce démon? Jésus «<leur répondit: A cause de votre incrédulité; car vrai«ment je vous le dis: Si vous ne doutiez pas dans votre « cœur, et si vous aviez gros de foi comme un grain de «<sénevé, et que vous crussiez que tout ce que vous dites << arrivera, il en serait ainsi en effet. Vous n'auriez qu'à « dire à cette montagne: Lève-toi d'ici, et jette-toi dans la << mer, et elle le ferait, et rien ne vous serait impossible. » Transporter les montagnes, c'était au temps de NotreSeigneur un proverbe commun chez tous les Juifs pour exprimer une force et une puissance considérables. Ainsi, la légende rapportait que le grand Og avait lancé une montagne contre les enfants d'Israël, et que Samson avait arraché de la terre les collines de Zora et d'Esthaol, et les avait roulées l'une par-dessus l'autre. Mais comme dans la vie de Jésus tout est plastique et réel, en prononçant ces paroles il montrait sans doute à ses disciples le Thabor et la mer de Galilée. Le Thabor, en effet, est de 200 pieds plus haut que les montagnes environnantes. Il s'élève à 1,300 pieds au-dessus de la vallée, à 1,748 pieds audessus du niveau de la Méditerranée, et à 2,300 pieds au-dessus du lac de Gennésareth; de sorte que l'image dont il se sert en cette circonstance, quand il dit que la montagne se jetterait dans la mer, n'avait rien que de très naturel. Mais Jésus, continuant, dit à ses disciples : « Ce genre de démons n'est chassé que par la prière et le « jeûne. » C'est ainsi que nous lisons dans la Vie de saint Antoine le Solitaire qu'un démon qui lui avait résisté ne peut être chassé que par saint Paul l'Ermite, à cause de la merveilleuse humilité de celui-ci. « Jean, prenant la « parole, lui dit : Maître, nous avons vu un homme qui « chassait les démons en votre nom, et nous l'en avons « empêché, parce qu'il ne vient pas avec nous. Mais « Jésus lui dit : Ne l'en empêchez point; car il est impos«sible que celui qui fait des miracles en mon nom me « blasphème aussitôt. Qui n'est pas contre vous est pour Cet homme était sans doute un disciple de ces pharisiens qui, comme nous l'apprenons de la bouche de Notre Seigneur lui-même, s'occupaient à chasser les démons. Pour mieux réussir dans cette entreprise, ils s'étaient mis à les conjurer au nom de Jésus, comme nous le verrons plus tard dans les Actes des Apôtres. Il se faisait alors, en effet, tant de choses merveilleuses au nom de Jésus que le Talmud lui-même en raconte des exemples. (Hieros. Schabbat, fol. xiv, 4. Avoda Sara, fol. XL, 4.) CHAPITRE XXVI Jésus prédit pour la première fois sa mort. putent sur le rang qu'ils doivent occuper. la mort de Jean. - Ses disciples se disMessage qui annonce « Au sortir de ce lieu, ils traversèrent la Galilée par « des sentiers détournés, car il ne voulait pas que per« sonne le sût. » On appelait sentiers en Palestine les chemins qui n'avaient pas plus de quatre coudées de large, tandis que les routes ordinaires avaient huit coudées de large, et les grandes routes seize coudées. C'est à cette différence de chemin que faisait allusion Notre-Seigneur quand il parlait du chemin étroit qui conduit au ciel, et de la voie large qui mène à la perdition. Ils traversèrent donc ainsi cette contrée plantée de chênes, d'oliviers et particulièrement de mûriers et de figuiers. Ces arbres ont souvent encore aujourd'hui trente pieds de tour. La Galilée supérieure se distinguait de la Galilée inférieure en ce que la première, qui commençait à Cana, ne produisait point de sycomores. « Cependant Jésus instruisait ses disciples, « et leur disait : Le Fils de l'homme sera livré entre les « mains des pécheurs, et ils le feront mourir. Mais il res<< suscitera le troisième jour après sa mort. Ce discours « les troubla étrangement: ils n'y comprenaient rien, et << n'osaient l'interroger. « Pendant la route, ses disciples se disputaient pour << savoir quel était le plus grand parmi eux. » Leur attention avait été appelée comme naturellement sur ce sujet par les choses qui venaient de se passer. En effet, NotreSeigneur, lorsqu'il avait ressuscité la fille de Jaïre et lorsqu'il était monté sur le Thabor, n'avait pris avec lui que trois de ses apôtres, et les avait ainsi distingués des autres. Cette circonstance seule nous fait comprendre la liaison qui existe entre ces deux faits et la discusion des apôtres. Les frères de Jésus devaient se croire plus intéressés encore dans cette affaire, eux qui, après avoir abandonné Nazareth, leur patrie, se voyaient préférer Pierre, chez qui Notre-Seigneur avait depuis ce temps accepté l'hospitalité. «Ils vinrent donc à Capharnaum, et lorsqu'ils << furent à la maison, Jésus leur demanda : De quoi dis<< putiez-vous ensemble pendant le chemin?» Car il n'avait pris aucune part à leur entretien, mais avait marché devant eux dans une méditation profonde, comme saint Marc le remarque plus tard. «Mais ils se turent. « Alors Jésus s'étant assis et ayant appelé les douze, il prit « un petit enfant qu'il plaça au milieu d'eux; et l'ayant « embrassé, il leur dit : En vérité, je vous le dis, si vous << ne vous convertissez, et ne devenez comme cet enfant, << vous ne pouvez entrer dans le royaume du ciel. Mais <«< celui qui s'humilie comme cet enfant, celui-là est le << plus grand dans le royaume du ciel. » Les Juifs disaient que leurs pères, lorsqu'ils avaient |