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armée de Césarée à Jérusalem, feignant d'y vouloir passer l'hiver. Bien plus, il fit apporter en secret pendant la nuit dans l'intérieur des murs de la ville sainte les étendards de ses légions, avec les images de l'empereur, ce que n'avait fait encore aucun de ses prédécesseurs, et il les fit placer sur la citadelle Antonienne, bravant ainsi avec un orgueil tout romain les lois du pays qu'il venait gouverner. On crut dès lors que tout était perdu, que la fin des temps approchait, et que l'abomination de la désolation était entrée dans le temple. Le peuple, sortant en masse de Jérusalem, alla trouver Pilate à Césarée, où il avait établi sa résidence. Pendant six jours il implora dans le jeûne et la prière la clémence du gouverneur, se tenant à genoux devant son siége dans l'hippodrome, présentant le cou à l'épée des légionnaires, qui n'attendaient qu'un signe pour les massacrer s'ils ne retournaient pas tranquilles chez eux, et désirant mourir pour la loi de leurs pères plutôt que de souffrir une telle profanation. Pilate, étonné de tant de constance, céda enfin, et fit enlever les images qui avaient causé tout ce mouvement.

C'est alors que les habitants de Jérusalem sortirent en foule pour aller entendre sur les rives du Jourdain le nouveau prédicateur de la pénitence. Ils allaient vêtus de sacs, nu-pieds et la tète couverte de cendres, comme autrefois les habitants de Ninive; car ils regardaient le malheur des temps comme une juste punition de leurs crimes: ils confessaient leurs péchés, et se faisaient baptiser par Jean dans le fleuve du Jourdain. Mais Jean leur disait : « Race ◄ de vipères, qui vous a appris à fuir la colère de Dieu, « qui vous menace? La cognée est déjà à la racine. L'arbre

qui ne porte point de bons fruits est coupé et jeté au

<< feu. Portez donc de dignes fruits de pénitence. Ne dites << point dans vos cœurs : Nous avons Abraham pour père; « car, je vous le dis, Dieu est assez puissant pour faire de « ces pierres des enfants d'Abraham. >>

Le peuple juif tout entier avait alors un sentiment profond des priviléges qu'il avait reçus de Dieu comme serviteur de Moïse et descendant d'Abraham; c'est pour cela que Jean leur met ces paroles sur les lèvres, pour avoir l'occasion de leur apprendre que ce qu'ils regardaient comme un droit n'était qu'une pure faveur de Dieu, et de leur reprocher leurs prétentions, en jugeant leur vie d'après la lettre même de la loi. Les pierres dont parle Jean, ce sont les Gentils, que Dieu a choisis à la place des Juifs, et dont il fait annoncer déjà l'élection par son prophète; les Gentils, qui sont, comme les laïques, comparés au peuple sacerdotal d'Israël, et auxquels Dieu promet qu'ils deviendront ses enfants. Parce qu'ils descendaient d'Abraham, les Juifs croyaient non-seulement qu'ils étaient plus agréables à Dieu que les autres peuples, mais encore que le Messie viendrait uniquement pour eux. Il fallait, au moment où il allait commencer sa carrière, abattre ce préjugé, et humilier cette piété égoïste et orgueilleuse. C'est pour cela que le dernier et le plus grand des prophètes annonce aux Juifs que les païens participeront aussi à la rédemption, et que de ces pierres sera construite l'Église de la nouvelle alliance.

CHAPITRE IV

Béthanie près du Jourdain.

L'évangéliste saint Jean désigne Béthanie au delà du Jourdain comme le théâtre des prédications de Jean-Baptiste. Il ne s'agit donc point ici du village connu sous le nom de Béthanie ou Bethène, c'est-à-dire maison de gráce, situé près de Jérusalem, mais bien du lieu portant le même nom, et situé en Pérée. Origène, ne trouvant indiqué nulle part ailleurs le lieu nommé ici Béthanie au delà du Jourdain, croyait qu'il fallait lire Bétharaba; et il a été suivi en cela par saint Épiphane et saint Chrysostome et par quelques manuscrits grecs, quoique ce lieu fût situé en deçà du fleuve relativement à la Judée. Béthanie est le lieu où Jésus se réfugia quelque temps avant sa mort pour échapper aux persécutions des Juifs. (Saint Jean, x, 40.) C'était un village situé près d'un gué du fleuve, d'où l'on passait de Pérée en Judée au-dessous de Jéricho, et qui était habité par des pêcheurs occupés à transporter les passagers et les marchandises au delà de la rivière, comme ceux de Betharaba le faisaient de l'autre côté. Mais le reste de la localité ne manquait pas d'importance; car elle était située dans le pays des douze pierres, symbole des douze colonnes de la nouvelle Église, que l'on montrait encore au temps de Josèphe dans le lit du fleuve, à l'endroit où les enfants d'Israël l'avaient passé à pied sec. C'était là aussi que l'avaient traversé et David lorsqu'il fuyait devant Absalon, et Élie avec Élisée lorsque les eaux, frappées par le manteau du premier, se séparèrent pour

leur donner passage. C'est là, près de ce lieu, que les deux grands prophètes de l'Ancien Testament avaient achevé leur carrière. C'est là que Moïse était mort, et avait été enseveli dans un endroit inconnu, après avoir aperçu du haut du mont Nébo la terre promise. C'est là qu'Élie avait été ravi sur un char de feu, et élevé à la contemplation des choses célestes. C'est là aussi que devait commencer sa carrière celui dont Élie et Moïse avaient été les témoins et les instruments ici-bas.

Dans la guerre des Juifs, qui détruisit tant de choses, la petite bourgade de Béthanie disparut aussi, et nous ne saurions pas même qu'elle existait alors si l'évangéliste n'en avait fait deux fois mention. C'est encore à ce lieu que se rattacha plus tard la légende de saint Christophe, qui, au rapport de saint Augustin, convertit par ses actions et ses miracles près de 40 mille habitants du pays. Il passait gratuitement les voyageurs d'une rive à l'autre du fleuve, très-rapide en cet endroit, où il a cent pieds de large et sept pieds de profondeur. Sa charité fut bien récompensée; car il porta le divin Sauveur lui-même sur ses bras. En effet, n'avait-il pas été dit par Jésus-Christ luimême : « Le bien que vous faites au plus petit d'entre les <<miens, vous le faites à moi-même. » On voyait encore là autrefois les ruines de la magnifique église qui, au rapport de saint Jérôme, avait été élevée par l'impératrice Hélène au lieu même où Jésus avait été baptisé. C'est là, dans la partie la plus fréquentée par les caravanes, particulièrement au temps des fêtes, c'est là que parut le nouvel Élie. Si nous ne connaissons pas exactement les raisons pour lesquels il choisit ce lieu de préférence aux autres, nous pouvons peut-être le deviner; car c'est précisément à partir

de cet endroit jusqu'à Jéricho, en remontant le fleuve, que le Jourdain portait vraiment son nom aux yeux des Juifs, et qu'il était regardé comme un fleuve sacré plus loin il n'était plus aussi pur.

C'est là qu'accouraient vers Jean les habitants de Jérusalem, de la Judée et des contrées voisines du Jourdain. Il en venait même de la Galilée, et c'est parmi ceux-ci que Jésus choisit ses apôtres. Et plus tard, pendant le temps qu'il passa en Judée, il en trouva plusieurs qui avaient entendu les prédications de cet homme de Dieu, qui, comme une lampe pleine de lumière et de chaleur, enflammait les cours à la pénitence, et montrait le Messie.

CHAPITRE V

Prédication de Jean-Baptiste.

Le peuple, docile à la voix de Jean, rentrait en soimème et confessait ses péchés. Ceux que la parole de Jean avait convertis ne se contentaient pas de s'avouer coupables en général, ce qui aurait été superflu, mais ils confessaient leurs péchés en particulier et en détail. Les Juifs, en effet, de même que les Perses et plusieurs autres peuples de l'antiquité, avaient une confession orale semblable à la nôtre, et à laquelle ils attachaient la rémission des péchés. De plus, ils se demandaient mutuellement pardon, comme c'était la coutume, à la fête des Expiations. C'était en ce jour seulement que le grand prêtre faisait au nom d'Israël tout entier une confession générale

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