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raitre à Rome, et l'emporter sur l'autre. Ce sont là des échos du temps dont nous parlons maintenant, et de ceux qui l'ont immédiatement suivi, alors que les Juifs qui penchaient pour le parti de Jésus-Christ, ne pouvant se faire à l'idée d'un Messie souffrant, en imaginèrent un second, qui viendrait dans tout l'éclat de sa majesté. Les anciens Juifs, de même que plus tard les mahométans, ont considéré Jésus comme un grand prophète que devait suivre un autre Messie plus grand encore et qui serait le dernier. L'auteur du Coran a, comme on le sait, emprunté aux Juifs la plus grande partie de ses idées. Les Juifs, ou plutôt les Judaisans, différaient des mahométans en ce qu'ils prétendaient que le Christ reviendrait sur la terre dans tout l'éclat de sa gloire, pour fonder le royaume de mille ans. Le Messie fils de Joseph, né en Galilée, ayant ainsi passé dans les traditions juives, les Juifs proprement dits, qui ne voulaient pas reconnaître Jésus comme le Messie précurseur, transportèrent cette tradition à Joseph l'Égyptien, fils de Jacob, ou à Éphraïm, et le reconnurent comme le père d'un Messie particulier.

CHAPITRE XI

Suite du même sujet.

Si jusqu'ici la naissance de Jésus-Christ était restée inaperçue, il n'en pouvait plus être de même après sa présentation au temple et les choses qui s'y étaient passées. Hérode ne dut pas ignorer longtemps que le Messie avait été publiquement annoncé en présence de tout le peuple, par

un membre du grand conseil et par la vieille prophétesse Anne. Il ne dut pas ignorer non plus ce qui était arrivé auparavant au prêtre Zacharie. L'historien Josèphe nous raconte que le trouble dont ce tyran fut rempli fut partagé par toute la ville de Jérusalem, et qu'en même temps une conjuration s'éleva contre lui dans sa propre famille et parmi ses courtisans. De plus, six mille pharisiens se révoltèrent contre son autorité, et refusèrent publiquement de lui prêter hommage, lui prédirent sa ruine prochaine et celle de sa famille, et l'arrivée d'un nouveau roi de Juda, qui établirait son empire par tout le monde, et l'étonnerait par ses merveilles. Ce roi, c'était le Messie; et leur prédiction dut inquiéter d'autant plus Hérode qu'on leur reconnaissait le don de prophétie. Le tyran, voyant la tournure que prenaient les choses, et craignant que la prophétie ne s'accomplit, fit tomber les têtes des pharisiens les plus coupables, de ceux particulièrement auxquels les femmes s'étaient attachées. Puis il fit étrangler, comme enveloppés dans cette conjuration, l'eunuque Bagoas, un de ses courtisans les plus puissants, et Carus, son favori. Sa fureur s'étendit sur toute sa cour, et il fit mourir tous ceux qu'il crut être dans le complot des pharisiens.

C'est ainsi que le courtisan Nicolas Damascène et après lui Josèphe racontent le massacre des femmes et des enfants, qui eut lieu à Bethlehem à l'époque du recensement, quoiqu'ils ne fassent point une mention expresse de ce crime en particulier, qui n'était après tout qu'un appendice du massacre général ordonné par Hérode. C'est ici qu'il faut appliquer ce que Tacite dit de plusieurs écrivains: à savoir qu'ils ont omis de raconter beaucoup de crimes commis par les princes, pour ne pas provoquer trop le dé

goût des lecteurs. Pour un tyran tel qu'Hérode, accoutumé à tuer les hommes par centaines, ce carnage exercé sur de pauvres enfants de bergers était peu de chose. Bethléhem, comme on le sait, était la plus petite ville de Juda. Sa population et celle des environs devait monter à deux à trois mille; car, même aujourd'hui où elle est assez considérable, elle s'élève à peine à deux mille. Or pour mille habitants, on ne peut compter plus de quinze à vingt naissances masculines par an. Les victimes égorgées par Hérode à l'occasion du Messie, en n'y comprenant pas les pères et les mères, ne peuvent donc guère s'élever à plus de soixante à soixante-dix. C'en était assez pour détruire à jamais l'espérance d'un Messie né à Bethlehem, et pour anéantir peut-être toute la descendance de la famille de David. Mais le massacre le plus considérable se fit à Jérusalem, où les descendants de David, ayant été attirés par l'appåt de grandes promesses, furent parqués dans l'hippodrome et égorgés impitoyablement. C'est ce que nous apprend une tradition que le peintre Rubens semble avoir eue en vue en représentant la mort des saints innocents. Il n'est donc pas étonnant que Josèphe n'ait fait dans son livre qu'une mention sommaire de ce massacre, à peine sensible à côté de cette grande boucherie qu'Hérode fit faire parmi les habitants de Jérusalem de toute condition. Et cette conduite de l'historien est d'autant plus facile à comprendre qu'en général il ne parle pas volontiers du Christ.

Josèphe lui-même nous apprend jusqu'à quel point son prédécesseur Nicolas Damascène, diplomate, courtisan et historien d'Hérode, connaissait et pratiquait l'art de voiler ainsi les faits au profit de son héros. Car, à l'occasion du

pillage du tombeau de David par le même Hérode, il s'exprime ainsi (Antiq., 16, 7, 1): « L'historiographe <«< Nicolas fait aussi mention de ce crime, qui a été «< commis de son temps; mais il ne dit pas que le roi est « descendu dans le tombeau de David, car il regardait «< cela comme une sorte de plaisanterie insignifiante. Il <«<en agit de même dans le cours de son histoire pour « beaucoup d'autres faits. Vivant sous le pouvoir, et << même à la cour d'Hérode, il ne confiait à sa plume que «< ce qui pouvait flatter ou tourner à sa gloire et lui mé«<riter ainsi ses faveurs. Aussi a-t-il cherché à présenter <«< sous un jour favorable, et à embellir autant qu'il a pu, << beaucoup de crimes commis par Hérode. Il a même su <«<excuser jusqu'à un certain point le meurtre atroce de « Marianne, épouse de ce prince, et de ses enfants, accu«sant la première d'un commerce adultère, et les der«niers d'avoir attenté à la vie de leur père. Il suit le « même procédé dans tout son ouvrage, élevant au delà << de toute mesure ce qui est glorieux pour le roi, et s'ap«pliquant à justifier le mal qu'il a fait. Mais comme je « l'ai dit, on doit le lui pardonner; car son but en écri<< vant n'était pas d'instruire les autres de la vérité, mais « de flatter son roi. » C'est par suite de cette même tactique que Nicolas a si bien dissimulé le fait du massacre des innocents; et Josèphe n'a fait que le copier en ce point. Ceci soit dit pour ceux qui s'étonnent que l'historien juif n'ait rien dit du meurtre des enfants de Bethlehem.

Ainsi, la révolte entreprise contre Hérode, immédiatement après la naissance de Jésus-Christ, et qui avait eu pour résultat le massacre des innocents et la fuite de Jésus

en Égypte, avait échoué. Il est certain que ce mouvement avait été commencé en faveur du Messie. Nous voyons se développer non-seulement ici, mais encore dans toute la suite de la vie de Jésus-Christ, un accord qu'on n'avait pas soupçonné pendant longtemps entre l'histoire profane et l'histoire sainte, accord qui est le résultat des rectifications chronologiques. Ces deux histoires nous apparaissent, la première comme la trame, et la seconde comme la chaine de ce tissu que la main du Tout-Puissant forme sur le métier du grand drame de ce monde, tandis que jusqu'aujourd'hui elles paraissaient n'avoir aucun contact réciproque, et qu'on en était venu à regarder l'histoire évangélique comme un simple mythe. De là cette surprise, ce ravissement qui nous saisit lorsque, par suite de nouveaux rapports que l'histoire établit entre la vie de Jésus et les autres événements contemporains, nous voyons la scène s'agrandir devant nous, et l'histoire de Jésus-Christ encadrée, pour ainsi dire, avec une harmonie parfaite dans l'histoire universelle de cette époque.

Ce n'est pas là le seul avantage de cet accord; bien souvent les récits évangéliques se trouvent aussi augmentés ou éclaircis et confirmés jusque dans leurs plus minces détails. Ce qui dans l'Évangile n'est exprimé qu'en traits légers, ou par insinuation, se trouve développé et démontré d'une manière merveilleuse, tandis que les paroles de Jésus, toutes mesurées et calculées d'après les idées de son temps, achèvent le tableau et en rendent la considération plus facile. Malgré cet accord cependant, bien des faits seront encore attaqués ou niés; car on peut douter de tout en ce monde. Et la vie de JésusChrist a même quelque chose de particulier sous ce rap

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