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Plein de Machiavel, entêté de Bocace,

J'en parle si souvent qu'on en est étourdi.

J'en lis qui sont du Nord, et qui sont du Midi'.

Enfin, tout en admirant les anciens, il recommande de ne pas les imiter servilement:

Quelques imitateurs, sot bétail, je l'avoue,
Suivent en vrais moutons le pasteur de Mantoue.
J'en use d'autre sorte; et, me laissant guider,
Souvent à marcher seul j'ose me hasarder.
On me verra toujours pratiquer cet usage.
Mon imitation n'est point un esclavage:
Je ne prends que l'idée, et les tours et les lois
Que nos maîtres suivoient eux-mêmes autrefois.
Si d'ailleurs quelque endroit plein chez eux d'excellence
Peut entrer dans mes vers sans nulle violence,
Je l'y transporte, et veux qu'il n'ait rien d'affecté,
Tâchant de rendre mien cet air d'antiquité.

Mais Perrault, plus équitable dans sa prose que dans ses vers, se servit des ouvrages mêmes de notre poëte pour combattre ce qu'il appeloit ses préjugés sur les anciens. Dans les Dialogues qu'il publia pour répondre à ses adversaires, il ne se contente pas de remarquer que le Fabuliste moderne l'emporte de beaucoup sur Phedre, il ajoute encore qu'il a créé un nouveau genre de poésie qui n'a point de modèle dans l'antiquité. « On a beau, dit-il, vanter le sel at

1 La Fontaine, Épîtres, t. VI, p. 162. — Ibid., p. 159.

HIST.

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tique, il est de la même nature que tous les autres sels; il n'en diffère que du plus au moins: mais celui de M. de La Fontaine est d'une espèce toute nouvelle, il y entre une naïveté, une surprise, et une plaisanterie d'un caractère qui lui est tout particulier, qui charme, qui émeut, et qui frappe tout d'une autre manière. » Perrault en cite ensuite des exemples, ajoutant: « Il y a dans toutes ses fables une infinité de choses semblables, toutes différentes entre elles, et dont il n'y a pas une seule qui ait son modèle dans les écrits des anciens'. »

Dès son début, La Fontaine avoit fait un ayeu qui nous révèle en quelque sorte le secret de son talent, et du genre qu'il avoit adopté. Il déclare, en terminant la préface de la première édition de ses Contes, que, comme Térence, il n'écrit pas seulement pour un petit nombre de gens choisis, mais qu'il veut aussi plaire au peuple. Populo ut placerent quas fecisset fabulas: et Voltaire, qui est injuste à son égard, n'a pu cependant s'empêcher de dire, en parlant de ses Fables: « Je ne connois guère de livre plus rempli de ces traits qui sont faits pour le peuple, et de ceux qui conviennent aux esprits délicats. Je

■ Perrault, Parallèle des anciens et des modernes en ce qui regarde la poésie, 1692, in 12, t. III, p. 303 à 306.

La Fontaine, Contes, t. III, p. 4.

crois que de tous les auteurs, La Fontaine est celui dont la lecture est d'un usage plus universel... Il est pour tous les esprits, et pour tous les âges'.

Entièrement absorbé par les jouissances que lui procuroient la culture des lettres, la société des hommes les plus spirituels, et des femmes les plus aimables de Paris et de la cour, notre poëte s'étoit fait une habitude invincible de son insouciance pour les affaires et tout ce qui tenoit aux soins de sa fortune. Cependant la gêne où il se trouvoit l'engagea à se rappeler au souvenir du roi, et à solliciter ses bienfaits. Voici à quelle occasion. François D'Usson, seigneur de Bonrepaux, de la famille de Bonac, homme aimable et d'une grande capacité, étoit l'ami intime de notre poëte et celui de madame de La Sablière. Après avoir passé par les divers grades de la marine, et avoir commandé en qualité de chef d'escadre au bombardement de Gênes, M. de Bonrepaux fut nommé conseiller et lecteur du roi, et intendant-général de la marine et des armées navales de France: puis chargé des négociations les plus importantes, il fut envoyé plusieurs fois comme ministre plénipotentiaire

Voltaire, Mélanges littéraires, t. II, p. 70, h. 8°; ou t. XLIII des OEuvres complètes, édit. in-8° de Renouard,

en Angleterre'. Pendant un de ces voyages, qui eut lieu au commencement de l'année 1687, La Fontaine lui adressa une lettre mêlée de vers et de prose, dont un fragment parut à la suite de l'épître à Huet, dont nous venons de parler. Ce fragment commence par un éloge du roi, fait à propos de sa convalescence. Notre poëte loue ensuite le monarque de la révocation de l'édit de Nantes. Cette mesure cruelle et désastreuse obscurcit les dernières années d'un règne, dont les commencements avoient été si brillants: cependant ceux mêmes qui se sont le plus élevés contre Louis XIV avouent qu'il fut alors abusé par l'impitoyable Louvois, qui lui cacha le véritable état des choses". Lorsque l'autorité a l'imprudence de déchaîner les unes contre les autres des factions ou des croyances contraires, elle s'environne aussitôt de ténèbres, ou ne discerne plus les objets qu'à la lueur des flambeaux du fanatisme, qui, comme les torches des fu

1 Dictionnaire de la noblesse, 2o édit., in-4°, t. XII, p. 719; OEuvres de SaintÉvremond, édit. 1753, t. V, p. 162, 205, 243; Vie de Jacques II, d'après les mémoires écrits de sa main, 1819, in-8°, t. III, p. 257 de la traduction françoise; Hume's, History of England, chap. LXXI, t. VIII, p. 289, in-8°, 1782; Dépêches de Dusson de Bonrepaus manuscrites, conservées dans les archives des affaires étrangères; OEuvres de La Fontaine, 1823, in-8°, t. VI, p. 532, note 2; et p. 536,

note 2.

Saint-Simon, cité par Anquetil dans Louis XIV, sa cour, et le régent, t. I, p. 176-179; Duclos, Mémoires secrets sur les règnes de Louis XIV et de Louis XV 1791, in-8°, p. 193; madame Suard, Vie de madame de Maintenon, p. 187; Auger, lie de madame de Maintenon, à la tête de ses Lettres, 1806, in-12, p. CLXXIII.

que

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ries, n'éclairent des fantômes. La Bruyère et Fontenelle même y furent trompés, et applaudirent au projet glorieux de réunir tous les François par une seule et même religion. La Fontaine suivit donc en cela le torrent de l'opinion commune, et disoit du roi :

Il veut vaincre l'erreur; cet ouvrage s'avance;
Il est fait et le fruit de ces succès divers
Est que la Vérité règne en toute la France,
Et la France en tout l'univers.

Non content que sous lui la valeur se signale,
Il met la piété sur le trône à son tour2.

Puis à la fin de cette lettre, il fait entendre au monarque qu'il desireroit avoir part à ses bienfaits.

Il faut plus de loisir pour louer ce héros:

Une muse modeste et sage

Ne touche qu'en tremblant à des sujets si hauts.
Je me tais donc, et rentre au fond de mes retraites:
J'y trouve des douceurs secrètes.

La Fortune, il est vrai, m'oubliera dans ces lieux;
Ce n'est point pour mes vers que ses faveurs sont faites;
Il ne m'appartient pas d'importuner les dieux 3....

Et, après ces mots, viennent deux lignes de points qui terminent cette épître, dans la pre

La Bruyère, Caractères, chap. x, du souverain ou de la république, 1790, in-8°, t. I, p. 380 et 388.

e La Fontaine, Lettres à divers, 18, t. VI, p. 534.

3 Ibid.,

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