Obrazy na stronie
PDF
ePub

une fable à madame de La Sablière sans louer cette généreuse bienfaitrice. Comme elle craignoit sur-tout de passer pour savante, La Fontaine, d'après son desir, a l'air d'ignorer qu'elle connut les matières dont il va l'entretenir, et lui demande si elle a ouï parler

De certaine philosophie

Subtile, engageante, et hardie.

Il paroît aussi qu'elle avoit interdit à notre poëte des louanges qui, dans sa position, auroient perdu de leur prix, et n'auroient semblé qu'une reconnoissance intéressée. Avec quelle adresse il échappe à cet écueil!

Iris, je vous louerois; il n'est que trop aisé:
Mais vous avez cent fois notre encens refusé;
En cela peu semblable au reste des mortelles,
Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles.
Pas une ne s'endort à ce bruit si flatteur.

Je ne les blâme point; je souffre cette humeur:

Elle est commune aux dieux, aux monarques, aux belles. Ce breuvage vanté par le peuple rimeur,

Le nectar, que l'on sert au maître du tonnerre,

Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre,
C'est la louange, Iris. Vous ne la goûtez point;
D'autres propos chez vous récompensent ce point:
Propos, agréables commerces,

Où le hasard fournit cent matières diverses;

Jusque-là qu'en votre entretien

La bagatelle a part: le monde n'en croit rien.
Laissons le monde et sa croyance.

La bagatelle, la science,

Les chimères, le rien, tout est bon: je soutiens
Qu'il faut de tout aux entretiens:

C'est un parterre où Flore épand ses biens;
Sur différentes fleurs l'abeille s'y repose,
Et fait du miel de toute chose'.

La dernière fable du premier livre de ce second recueil nous fournit encore un exemple du genre de celle dont nous venons de parler. Ce n'est pas non plus une fable proprement dite, c'est le récit d'un fait plaisant qui fit du bruit dans le temps. Le chevalier Paul Néal, un des membres de la société royale de Londres, prétendit un jour avoir aperçu, au travers de son télescope, un éléphant dans la lune. Le fait examiné avec l'attention qu'il méritoit, on finit par découvrir que l'éléphant n'étoit qu'une souris qui s'étoit glissée entre les verres du télescope. Le bruit de cette singulière aventure se répandit bientôt en Europe, et l'on s'en amusa beaucoup aux dépens de la science et de ses sectateurs. Samuel Butler fit long-temps après sur ce sujet une espèce de poëme ayant pour titre: l'Éléphant dans

La Fontaine. Fables, x, 1. t. II, p. 163.

la Lune, qui est une satire contre la société royale de Londres'. La Fontaine, lorsque ce fait venoit de se passer, versifia sa fable intitulée: l'Animal dans la Lune. Mais plus philosophe que Butler, loin de se moquer de l'erreur du chevalier Néal, il en prend occasion de se répandre en réflexions pleines de justesse sur les erreurs que nos sens impriment à nos jugements, dans des vers où la mesure et la rime ne nuisent en rien à la clarté des raisonnements métaphysiques, et en ôtent seulement la sécheresse. Par une transition naturelle, il passe du fait qui faisoit l'objet de l'apologue, à l'éloge de Louis XIV et à celui de Charles II, et enfin à des vœux pour la paix, qu'il a renouvelés toutes les fois qu'il en a pu trouver l'occasion2. Mais il le fait de manière à ne pas blesser la politique de son roi, et il use des ménagements que les circonstances d'alors exigeoient.

La paix fait nos souhaits, et non point nos soupirs.
Charles en sait jouir: il sauroit dans la guerre
Signaler sa valeur, et mener l'Angleterre
A ces jeux qu'en repos elle voit aujourd'hui.
Cependant s'il pouvoit apaiser la querelle,
Que d'encens! Est-il rien de plus digne de lui?

1 Samuel Butler's, Poems, dans The Works of the english Poets with prefaces by Johnson, 1790, in-12, t. XIV, p. 145, the elephant in the moon; Solvet, Études sur La Fontaine, t. II, p. 42.

La Fontaine, Fables, VII, 18, t. II, p. 49.

C'est vers la fin de l'année 1676 ou le commencement de celle de 1677, époque à laquelle La Fontaine écrivoit cette fable, que toutes les puissances, se trouvant épuisées par la guerre, désiroient la paix, mais toutes vouloient la conclure à des conditions avantageuses pour chacune d'elles, ce qui étoit impossible. On négocioit à Nimègue sans pouvoir rien terminer. Dans cette extrémité, toutes les parties belligérantes invoquèrent la médiation de l'Angleterre qui avoit gardé la neutralité. Charles II devint donc, par cette raison, l'arbitre de l'Europe. Cependant son embarras étoit extrême. Ses liaisons secrètes avec Louis XIV dont il vouloit se conserver l'appui, en cas d'une nouvelle révolution, lui faisoient desirer de prescrire des conditions qui fussent avantageuses à ce monarque; mais l'opposition du parlement, soutenue par la haine nationale contre les François, lui inspiroit des craintes bien fondées, si, trahissant les intérêts de l'Angleterre, il ne favorisoit pas les nations coalisées contre la France'. Cette situation difficile, dont il ne sut pas se tirer avec habileté, devint, comme nous le dirons bientôt, la cause principale de ses malheurs.

Hume's, History of England, chap. 66, t. VIII, p. 25, édit. de Cadell. London, 1782, in-8°.

La quinzième fable du dixième livre, comme les deux dont nous venons de nous occuper, n'est pas une fable proprement dite, mais un discours que La Fontaine a adressé à M. le duc de La Rochefoucauld, au sujet d'une réflexion que la chasse aux lapins lui avoit suggérée. Le duc de La Rochefoucauld, homme aimable et penseur profond, avoit publié son livre des Maximes, en 1665', et lorsque La Fontaine lui dédioit cette fable, ce livre, traduit dans presque toutes les langues de l'Europe, avoit déja eu six édi

tions.

Vous.....

..... dont la modestie égale la grandeur, Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur La louange la plus permise,

La plus juste et la mieux acquise;

Vous enfin, dont à peine ai-je encore obtenu
Que votre nom reçût ici quelques hommages,
Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui, des ans et des peuples connu,
Fait honneur à la France, en grands noms plus féconde
Qu'aucun climat de l'univers,

Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde
Que vous m'avez donné le sujet de ces vers2.

Le duc de La Rochefoucauld, et son fils le

* Walck., 1" édit., p. 422, note 116.

2 La Fontaine, Fables, x, 15, t. II, p. 208.

« PoprzedniaDalej »