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dire qu'il peint avec la parole. Dans aucun de nos auteurs on ne trouvera un si grand nombre de tableaux dont l'agrément soit égal à la perfection'. "

Ce grand critique, devenu plus sévère à la fin de sa carrière, a cependant encore ajouté, dans son Cours de Littérature, aux éloges qu'il avoit faits de La Fontaine ; et il faut remarquer, en effet, qu'on apprécie davantage cet auteur, à mesure qu'on avance en âge. Son bon sens nous paroît d'autant plus exquis, son style d'autant plus enchanteur, qu'une longue expérience et beaucoup de lecture nous ont fait voir l'inanité de tant d'orgueilleux systèmes, l'éclat trompeur de tant de phrases sophistiques ou vides de sens, et l'odieuse affectation de tant de vertus factices. Tous nos grands écrivains, soit en vers, soit en prose, se sont plu à rendre hommage au talent de La Fontaine, et lui ont tous reconnu le même genre de mérite3. Remarquons aussi que la plupart ne l'ont pas loué comme un auteur que l'on admire, mais comme un ami que l'on chérit; plusieurs même, inspirés par un tel sujet, ont

La Harpe, Éloge de La Fontaine, dans le Recueil de l'académie de Marseille p. 21 et 24.

a La Harpe, Lycée ou Cours de littérature, édit. de l'an 7, t. VI, chap. x1, p. 324 à 385.

3 Voyez Le Bailly, Hommages poétiques à La Fontaine. Ce recueil forme aussi le t. XVI de l'édit. des OEuvres de La Fontaine, 1820, in-18.

déployé alors un talent de style qu'on ne retrouve pas au même degré dans leurs autres ouvrages'. Si La Fontaine plaît tant aux esprits délicats et cultivés, on peut dire qu'il n'est aucun de nos poëtes qui soit plus à la portée des enfants, et dont les ouvrages renferment en même temps plus de ces traits propres à être goûtés de l'homme du peuple'. C'est un prodigieux mérite dans un livre de morale d'avoir ainsi su prendre tous les tons pour plaire à tous les esprits: car la morale, et les conseils de la sagesse, sont un besoin pour toutes les époques de la vie, pour tous les rangs et pour toutes les classes.

La suite des années a toujours amené de nouveaux éloges de La Fontaine, et en a fait varier les formes; mais c'est encore un bonheur attaché à la destinée de ce poëte, que son mérite, pour être reconnu, n'eut point à lutter contre ses contemporains: son siècle a parlé de lui comme le siècle suivant, et le jugement de la postérité a commencé pour lui de son vi

vant.

Quatre des fables de ce premier recueil sont dédiées à différentes personnes. La première

■ Vergier, dans les OEuvres de La Fontaine, Lettres, 24, t. VI, p, 577; et Legouvé, Bérenger, Chaussart, etc., dans les Hommages poétiques, p. 42, 49, 79, 117, 146.

2 Voltaire, Mélanges littéraires, au mot Fable, t. XLIII, p. 71 des OEuvres, 1821, in-8°.

fable du troisième livre est adressée à M. de Maucroix elle fut probablement composée lorsque cet intime ami de La Fontaine, forcé de renoncer aux illusions de l'amour, hésitoit sur l'état qu'il devoit embrasser.

Pour rendre moins directe la leçon qu'il lui adresse, notre poëte introduit adroitement Racan et Malherbe.

Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre,
Disciples d'Apollon, nos maîtres, pour mieux dire,
Se rencontrant un jour tout seuls, et sans témoins
(Comme ils se confioient leurs pensers et leurs soins),
Racan commence ainsi: Dites-moi, je vous prie,
Vous qui devez savoir les choses de la vie,

Qui par tous ses degrés avez déja passé,

Et

que rien ne doit fuir en cet âge avancé,

A quoi me résoudrai-je? Il est temps que j'y pense.
Vous connoissez mon bien, mon talent, ma naissance;
Dois-je dans la province établir mon séjour?
Prendre emploi dans l'armée, ou bien charge à la cour?
Tout au monde est mêlé d'amertume et de charmes;
La guerre a ses douceurs, l'hymen a ses alarmes.
Si je suivois mon goût, je saurois où buter;
Mais j'ai les miens, la cour, le peuple, à contenter.
Malherbe là-dessus : Contenter tout le monde!
Écoutez ce récit avant que je réponde.

Et ce récit est la fable du Meunier, son fils, et l'âne, que tout le monde sait

par cœur.

La Fontaine, Fables, 111, 1, t. I, p. 133.

La première fable du cinquième livre est adressée à un anonyme dont les lettres initiales semblent indiquer le chevalier de Bouillon. Le commencement prouve que La Fontaine méditoit beaucoup sur son art, et qu'il consultoit souvent celui à qui il s'adresse; car il lui dit :

Votre goût a servi de règle à mon ouvrage:
J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage.
Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux,
Et des vains ornements l'effort ambitieux;
Je le veux comme vous: cet effort ne peut plaire.
Un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire.

L'on sait en effet que le chevalier de Bouillon avoit beaucoup d'esprit et d'instruction.

La première fable du quatrième livre est adressée à mademoiselle de Sévigné, depuis madame de Grignan, belle, mais froide et réservée aussi La Fontaine lui dit:

Sévigné, de qui les attraits
Servent aux Graces de modéle,
Et qui naquites toute belle,
A votre indifférence près.

♣ Ibid., ▼, 1, t. I, p. 215, note 2.

⚫ Cela ne la mit point à l'abri des atteintes de la malignité au sujet de son beaufrère le chevalier de Grignan. Voyez Walck., 1" édit., p. 391, note 89; Recueil des pièces curieuses et nouvelles tant en prose qu'en vers, La Haye, 1694, in-12, t. II, 2 partie, p. 230; Recueil de chansons historiques et critiques, manuscrit, t. III. p. 218 verso.

Elle brilloit à la cour dans les ballets où le roi dansoit avec les La Vallière, les Montespan, les Sully, les Nemours, les d'Aumale, les Luyne, les Grancé, les Castelnau, les La Mothe, les d'Ardennes, les Cologon, les Bouillon, les Duplessis, les Guiche', et cette foule de jeunes beautés, dont les charmes divers se montroient simultanément dans toute leur fraîcheur, semblables à ces fleurs, qui s'épanouissent, avec profusion, aux premiers beaux jours du printemps. Mademoiselle de Sévigné se fit remarquer, à cette époque, par la régularité de ses traits, la dignité de son maintien, et les mémoires du temps nous apprennent qu'elle fut proclamée la plus belle entre les belles.

La onzième fable du premier livre est adressée à M. le duc de La Rochefoucauld, et c'est moins une fable qu'un éloge ingénieux du célébre livre des Maximes.

La Fontaine ne pouvoit être lié avec le duc de La Rochefoucauld, sans l'être avec madame de La Fayette, qui pendant vingt-cinq ans fut sa constante amie. Cette femme, si remarquable par son goût, son esprit et la sûreté de son jugement et de son commerce, étoit consultée avec

Loret, Muse historique, liv. xv, p. 27, lettre 7, en date du 16 février 1664, et liv. xvt, p. 20, lettre 5, en date du 31 janvier 1665.

a La Fontaine, Fables, 1, 11, t. I, p. 75.

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