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voir entrepris sans la raison de souveraineté sur son état, absolvant ceux qu'elle avoit condamnez, et condamnant ceux qu'elle avoit absous; en voicy des exemples.

Simon Magus soutenoit, au rapport de Vincent de Lerins, que « Dieu estoit cause de peché (1), » Calvin et Beze le confessent. Le premier au traité de l'eternelle predestination; le second en la reponce à Sebastien Castillio: car quoy qu'ils nient le mot, ils en deffendent le vray sens, et en effet ils sont convaincus de cette heresie (si heresie on la doit appeller, non pas plutost un atheisme) par tant de doctes hommes, qui les ont combattus par leurs propres paroles, que je perdrois le temps de m'y arrester.

Judas, dit sainct Hierosme, a cru que les miracles qu'il voyoit operer par la vertu et de la main de Nostre-Seigneur, n'estoient que des illusions diaboliques; je ne sçay, messieurs, si vos ministres sont plus modestes; quand on leur produit des miracles, ils les appellent des prestiges et des sorcelleries. Ces miraculeuses merveilles que Nostre-Seigneur a faites par ses serviteurs, au lieu de vous ouvrir les yeux, helas! qu'en dites-vous? quelles railleries n'en faites-vous point?

Les pepusiens, dit saint Augustin (c'està-dire les montanistes ou les phryges, comme les appelle le Code ), admettoient à la dignité de la prestrise, mesme les femmes, cela se void dans vos freres Anglois qui tiennent Elisabeth leur reyne pour chef de leur Eglise?

Les manicheens, au rapport de sainct Hierosme (2), nioient le liberal arbitre; Luther a fait un livre contre la liberté de la nature humaine, qu'il a intitulé de Pravo arbitrio. Pour ce qu'en dit Calvin, je m'en rapporte à vous, et n'en veux point d'autres temoins.

Les donatistes croyoient que l'Eglise de Dieu s'estoit perduë en tout le monde, et qu'elle estoit demeurée seulement chez eux ; vos ministres parlent de mesme sorte; ceux-là disoient qu'un mechant homme ne pouvoit baptiser; Wiclef en tient tout au

(1) Vinc. Lirin, c. m, 4.

(2) Hieron, libris duobus adversus Jovinianum,

tant que ces heretiques : et ce point est si ridicule que vostre ministre Beze a tenu pour un insensé ce reformateur.

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Pour ce qui touche leur discipline, voicy les caracteres de leurs vertus ; ils donnoient le tres-precieux sacrement aux chiens; ils jettoient le sainct cresme aux pieds, renversoient les autels; rompoient les calices sacrez, et les vendoient aux prophanes : ils rasoient par irrision la teste aux prestres, pour leur lever la sacrée onction; ils ostoient et arrachoient le voile aux sainctes Vierges pour les prophaner. Jovinian, selon le temoignage de sainct Augustin ( Libro de heresibus; ad quod-vult-Deum cap. 28), vouloit qu'on mangeast en tout temps, et contre les deffenses de l'Eglise, de toutes sortes de viandes; il disoit que les jeusnes n'estoient point meritoires devant Dieu que tous les elus estoient egaux en la gloire; que la virginité n'estoit pas plus excellente que le mariage, et que tous les pechez estoient egaux. Or chez (1) vos maistres on enseigne le mesme : Vigilance, comme escrit sainct Hierosme dans son livre contre cet heretique, et dans sa deuxiesme epistre, ne vouloit point qu'on honorast les reliques des saincts; il tenoit fortement que les prieres n'estoient point profitables; que les prestres ne devoient vivre dans le celibat; que la pauvreté volontaire estoit un abus. Et vous, messieurs, que ne dites-vous point sur ces articles?

Eustachius, en l'année 524, meprisa temerairement les jeusnes ordinaires commandez de l'Eglise, les traditions ecclesiastiques, les lieux sacrez et reliques des saincts martyrs, et les basiliques dediés à leur devotion. Le recit en est fait par le concile Jengrense in præstatione, où, pour ces erreurs reconnuës et avouées, il fut anathematizé, et condamné. Voyez-vous combien il y a de temps qu'on a condamné -vos reformateurs? Eunomius ne voulut point ceder à la pluralité, ny à la dignité, ny à l'antiquité comme temoigne sainct Basile contre luy, l. 1. Il disoit que la seule foy suffisoit à salut, et justifioit le fidelle, c'est sainct Augustin qui le luy reproche, Iaresi, 14. Sur le premier point voyez Bezc

(1) Luther, serm, de natali, B. M. martyris Petri Epistola 6. El Calvin, in antidoth, sess. 6.

en son Traité des marques de l'Eglise. Touchant le second, n'est-il pas d'accord avec cette celebre sentence de Luther, que Beze tient pour bienheureux reformateur. « Vides quàm dives sit homo christianus, sive baptizatus, qui etiam volens, non potest perdere salutem suam, quantiscumque peccatis ligatus, nisi nolit credere (1). » Arrius, au recit de sainct Augustin, nioit la priere pour les morts, les jeusnes ordinaires, et la superiorité des evesques par dessus le simple peuple: vos ministres soutiennent tout cela.

Lucifer, selon la remarque de sainct Hierosme, appelloit son Eglise seulement la vraye Eglise, et disoit que l'Eglise ancienne estoit devenue un lieu de prostitution; n'est-ce pas ce que preschent vos ministres dans vos assemblées ?

Les pelagiens (2) se tenoient si assurez et si certains de leur justice, qu'ils promettoient le salut aux enfans des fidelles qui mouroient sans baptesme; ils croyoient que tous pechez estoient mortels: pour le premier, c'est un ordinaire langage dans la doctrine de Calvin, In antidoto. Le second et troisiesme sont si communs parmy vous, qu'il est superflu d'en dire autre chose.

Les manicheens (3) rejettoient les sacrifices de l'Eglise, et les images, c'est ce que font vos gens.

Les messaliens meprisoient tous les ordres sacrez, ils ruinoient les Eglises et les autels, comme l'observe sainct Damascene, Heres. 80, et Ignatius ( qui apud Theodoretum dicitur impassibilis) « Eucharistias et oblationes non admittit, quòd non confiteatur Eucharistiam esse carnem Salvatoris nostri Jesu Christi, quæ pro peccatis nostris passa est, quam Pater sua benignitate suscitavit. » Contre lesquels a ecrit sainet Martial, ad Burdegalenses.

Berengaire voulut avancer la mesme heresie long-temps après, mais il fut condamné par trois conciles, aux deux der niers desquels il abjura l'impieté de son

erreur.

(1) Luth. I. de cap. Babil.

(2) Hieron, adversus Pel. I. 3. 6. Aug. lib, cont. Julianum, c. 11 et m. Hieron. 1. 2. (3) August. 1. 20 contra Faustum,

Julien l'Apostat meprisoit fort le signe de la croix. Aussi faisoit Xenair chez Nicephore, l. 16, c. 27: les mahometans n'en font pas moins, Damascene, Heres. 100. Mais qui voudra voir cecy bien au long, qu'il voye Sander, 1. 8, c. 37, et Bellarmin in notis Ecclesiæ. Voyez-vous, messieurs, les colomnes dejà depuis long-temps ebranlées sur lesquelles vos ministres ont jetté et formé leur reformation? Or, de grace cette seule alliance d'opinions, ou pour mieux dire cet etroit parentage et consanguinité, que vos premiers maistres ont eu avec les plus anciens et les plus mortels ennemis de l'Eglise, ne vous devroit-elle pas detourner de les suivre en vous rangeant ainsi malheureusement sous leurs enseignes? Je n'ay pas cité une heresie qui n'ait esté tenue pour telle en l'Eglise ancienne, que Calvin et Beze confessent avoir esté la vraye Eglise, à sçavoir dans les premiers cinq cens ans du christianisme. Hé! je vous prie, n'est-ce pas fouler indignement aux pieds la majesté de l'Eglise, que de produire comme une reformation et reparation tres-necessaire et tres-saincte, ce qu'elle a detesté tant de fois lorsqu'elle estoit encor en ses plus pures années, et qu'elle avoit terrassé, combattu, foudroyé, ruiné, et separé de la vraye doctrine? L'estomac delicat de cette celeste espouse n'avoit pû soutenir aux premiers siecles la violence de ces venins; elle les avoit rejettez avec tant d'effort, que plusieurs de ses saincts martyrs en avoient signé la fausseté de leur propre sang; et maintenant vous les luy presentez comme une precieuse medecine. Les saincts et doctes personnages que j'ay citez ne les eussent jamais mis dans le rang des heretiques, s'ils n'eussent vû le corps de l'Eglise les tenir pour tels; c'estoient des hommes tres-orthodoxes, et qui estoient considerez de tous les evesques et docteurs catholiques de leur temps, qui montrent dans leurs escrits, que ce qu'ils tenoient pour heretique, l'estoit effectivement. Imaginez-vous donc cette venerable antiquité, dans le ciel, autour du maistre qu'ils ont servy, et où ils regardent avec pitié vos reformations; ils y sont allez à Dieu en combatant les opinions que vos ministres vous preschent, ils ont tenu pour

heretiques ceux dont vous suivez les exem-
ples; pensez-vous que ce qu'ils ont jugé
erreur, heresie et blasphesme chez les ar-
riens, manichecns et autres seducteurs,
soit crû maintenant par eux pour articles
de reformation et restauration? Qui ne voit
que c'est ici le plus grand mepris que vous
pouviez faire à la majesté de l'Eglise? Si
vous voulez venir à la succession de la
vraye et saincte foy de ces premiers sie-
cles, ne revoquez pas en doute ce qu'elle
a si solennellement etably et constitué; | les bienheureux. Amen.

personne ne peut estre heritier en partie,
il le faut estre en tout, ou en rien. Accep-
tez d'heritage fidellement, les charges ne
sont pas si grandes, qu'un peu l'humilité
n'en fasse la raison ; il ne faut que renoncer
genereusement à ses passions, et à ses
opinions, et passer paisiblement du diffé-
rent qe vous avez avec l'Eglise, à son
unité; les hommes sont appellez pour estre
heretiers de Dieu, coheritiers de Jesus-
Christ, en l'heureuse compagnie de tous

OBSERVATION SUR CETTE PREMIÈRE PARTIE.

Il est aisé de voir que cette premiere partie | des controverscs de sainct François de Sales fut composée dans la ville de Thonon en Savoie, et commencée environ le temps des advens de l'année 1593; car en ce temps-là il preschoit aux catholiques de la province du Chablaix : le sainct homme n'estoit alors là que simple prestre, occupé dans sa mission apostolique, qui fut si benite de Dieu, qu'il y convertit enfin soixantedix ou douze mille ames. Le manuscrit fut fait fort à la haste, communiqué de main en main en forme de lettres volantes; le style n'en est

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point du tout étudié, et le lecteur doit prendre garde que cette production est le premier de tous les ouvrages qu'il a formez en corps de doctrine. Nous avons distingué les matieres en quinze discours pour ayder le lecteur, adoucy quelques mots et quelques phrases; mais nous n'avons rien altéré dans la substance, ny dans l'ordre, ny dans la suite du recit; et cela est tres-aisé à justifier sur les copies collationnées, dont l'original (qui fut compulsé dans le procez de sa canonisation, et envoyé au S. P. Alexandre VII) est conservé dans la biblotheque du Vatican.

SECONDE PARTIE.

DES REGLES DE LA FOY.

SECTION PREMIERE.

L'AUTHORITÉ DES ESCRITURES EST LA PREMIÈRE REGLE DE LA FOY.

L'on voit dans ce traité que les ministres de la religion prétenduë ont violé toutes les loix de la foy catholique par la corruption des sainctes Escritures, et par le mepris des venerables traditions.

AVANT-PROPOS DE SAINCT FRANÇOIS DE SALES.

A MESSIEURS DE LA VILLE DE THONON, OU PAR MANIERE DE PRELUDE SONT DECLARÉES ET DISTINGUÉES LES REGLES DE LA FOY.

IL est certain que si l'avis que sainct Jean donne aux chrestiens, de ne pas croire legerement à toutes sortes d'esprits, fut necessaire de son temps, il ne l'est pas moins à present, mais plus que jamais en un siecle corrompu, ou tant

d'esprits contraires et divers osent avec une egalle assurance demander crcance et authorité dans le christianisme, en vertu de la parole de Dieu, à la suite desquels on a vû tant de peuples s'ecarter qui çà, qui là, chacun selon son

sens et son humeur. Et en effet, comme on voit le vulgaire admirer les comettes et les feux volans et croire fermement que ce soient de vrais astres et des planettes, au lieu que les plus entendus connoissent bien que ce ne sont que flammes passageres qui se roulent, et se perdent dans l'air, attachées à quelques vapeurs, pendant qu'il y a de quoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent tousjours quelque mauvais effet, et n'ont rien de commun avec les astres incorruptibles, que cette grossiere clarté. Ainsi les miserables peuples de nostre asge qui se laissent conduire par certaines cervelles chaudes qui s'enflamment et courent à la suite de quelques subtilitez humaines, sout eblouys par la fausse lueur et sous l'ecorce de la parole de Dieu, et s'imaginent que ce sont des veritez celestes,

celte parole a esté renouvelée. Je me tiendray tousjours icy sur les mesmes demarches, car je vous montreray presentement que les regles que je produits, sont les vrayes regles; ensuite je vous feray voir comme vos pretendus docteurs les ont violées, et parce que je ne pourrois pas aisement vous prouver, que nous, qui sommes catholiques, les avons gardées tres-étroitement, sans faire de trop grandes interruptions et disgressions, je reserveray cette preuve pour la troisiesme, qui servira encor d'une tres-solide confirmation pour cette seconde, que je vous addresse.

PREMIERE REGLE DE LA FOY.

La foy chrestienne est donc fondée sur la parole que Dieu luy-mesme a revelée; et c'est cela

en s'amusant à les considerer, quoy que les gens qui la met au supreme rang d'infaillibilité, com

de bien decouvrent et temoignent assez que ce ne sont que des inventions terrestres, qui bientost se dissiperont; car ils ne laissent autre memoire de leur apparition que le ressentiment des malheurs qui les suivent. O! combien donc estoit-il necessaire de ne pas s'abandonner si promptement à ces esprits, et avant que les suivre, eprouver s'ils estoient de Dieu, ou non ? Helas! il ne manquoit point de pierres de touche pour connoistre le bas-or, avec lequel ils pipoient le monde: car celuy mesme qui nous a dit, que nous eprouvions les esprits s'ils sont bons ou mauvais, condamne leur legereté, s'ils ne l'ont pas fait ils n'ont que trop sceu que nous avions des regles infaillibles pour reconnoistre le sainct d'avec le feint, et l'esprit desolateur d'avec le consolateur. Graces à Dieu nous avons en l'Eglise des regles tres-certaines pour discerner la doctrine fausse d'avec la vraye, et pour etablir notre saincte foy: et c'est icy (1), Messieurs, où je vous appelle, mais je vous prie de juger justement, car je me promets de vous montrer tres-clairement, que Calvin et tous vos ministres ont violé en leur doctrine toutes les regles de la vraye religion et de la predication chrestienne, et afin que vous voyiez (comme vous avez dejà vu qu'ils vous ont levé du sein de la vraie Eglise), afin, dis-je, que vous voyicz encor qu'ils vous ont osté la lumière de la vraye foy, pour vous faire suivre les illusions de leurs nouveautez. Voici (2) la seconde partie de mon projet. La foy chrestienne est fondée sur l'authorité de Dieu tout-puissant, souveraine et supreme verité : c'est cela qui la met au premier rang, et qui lui donne le premier degré d'assurance et de certitude, de telle sorte qu'il n'y a rien icy-bas qui luy soit comparable, puisque

(1) Il a parlé à la ville de Thonon, à laquelle il

continue d'adresser son ouvrage.

(2) Le dessein de cette seconde partie.

me ayant pour temoin cette eternelle et infaillible authorité et verité premiere, qui ne peut non plus decevoir et mentir, qu'elle ne peut estre deçue n'y trompée. la foy qui n'a pas son fondement et appuy sur la parole de Dieu, n'est pas une foy chrestienne; d'où s'ensuit, que la parole de Dieu est la vraye regle et un fondement de foy aux chrestiens, puis qu'estre fondement et estre regle est une mesme chose en cet endroit. Mais parce que celte infaillible regle ne peut pas mesurer nostre croyance, si elle ne nous est appliquée, preschée, proposée et declarée, et qu'elle peut estre bien ou mal appliquée, preschée, proposée et déclarée, encor devons-nous avoir quelque authorité qui la confirme ; et en effet il he suffit pas de sçavoir que la parole de Dieu est la vraye et infaillible regle pour bien croire à salut, si je ne sçay quelle est cette parole de Dieu, et où elle est, et celui qui la doit appliquer, proposer et declarer? J'ay beau tomber d'accord que la parole de Dieu est infaillible, pour tout cela je ne croiray pas que JesusChrist est le Christ Fils de Dieu vivant, si je ne suis assuré que ce soit une parole revelée parle Pere celeste; et quand je sçauray cecy, encor ne seray-je pas hors d'affaire, si je ne sçay comme il la faut entendre; si c'est d'une filiation adoptive, à l'arrienne, ou d'une filiation naturelle, à la catholique.

SECONDE REGLE DE LA FOY.

miere et fondamentale de la parole de Dieu, une Il faut par consequent, outre cette regle presoit bien et duement proposée, appliquée et autre seconde regle, par laquelle la premiere nous declarée : et afin que nous ne soyions pas sujets à l'ebranlement et à l'incertitude; il faut que non-sculement la premiere regle, à sçavoir, la parole de Dieu, mais encor la seconde, qui

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propose et applique cette parole, soit du tout infaillible, autrement nous demeurerions tousjours en bransle et dans le doute d'estre mal reglez et appuyez en nostre foy et en nostre croyance; non point par le defaut de la premiere regle, mais par l'erreur et faute de la proposition et application d'icelle. Or certes le danger est égal, ou d'estre dereglé à faute d'une juste regle, ou d'estre mal reglé, à faute d'une application bien reglée etjuste de la regle mesme; mais cette infaillibilité requiert, tant en la regle qu'en son application, de ne pouvoir avoir sa source que de Dieu mesme, qui est la vive et premiere fontaine de toute verité. Passons outre.

Tout de mesme que Dieu revela sa parole, et la prescha par la bouche des peres et des propbetes, et finalement par son Fils unique, puis par les apostres et les evangelistes, desquels les langues ne furent que comme les plumes des secretaires, escrivant tres-promptement et fidellement, et employant en cette sorte les hommes pour parler aux hommes; ainsi pour nous proposer, appliquer et declarer cette divine parole, il employe encor aujourd'hui son espouse visible, la saincte Eglise, comme le truchement et l'interprete de ses intentions. C'est donc Dieu seul qui regle nostre foi chrestienne, mais. avec ces deux instrumens qui nous sont appliqués en diverses façons. Premierement, par sa parole, comme avec une regle formelle. Secondement, par son Eglise, comme par la main du regleur et du compasseur. Disons, s'il est permis, que Dieu est le peintre, notre foy la peinture: les couleurs sont la parole de Dieu, le pinceau c'est l'Eglise. Voila donc les deux regles ordinaires et infaillibles de nostre croyance; la parole de Dieu, qui est la regle fondamentale, et la mesure formelle, et l'Eglise de Dieu, qui est la regle d'application.

SUBDIVISION DES REGLES DE LA FOY EN REGLES
FORMELLES ET EN REGLES D'APPLICATION.

Je considere en cette seconde partic, l'une et l'autre de ces deux regles; mais pour en rendre le traité plus clair et plus maniable, j'ay subdivisé ces deux regles en plusieurs. Et voicy de quelle maniere.

La parole de Dieu (regle formelle de nostre foy) est de deux sortes; ou elle est couchée litteralement en l'Escriture, ou elle est en la main de la tradition. Je traite donc premierement de l'Escriture, et ensuite de la tradition.

QUATRE REGLES D'APPLICATION ORDINAIRE.

L'Eglise, qui est la regle d'application, se declare ou en tout son corps universel, par une croyance generale de tous les chrestiens, ou en

ses principales et plus nobles parties, par un unanime consentement de ses pasteurs et de ses docteurs; et en cette derniere façon, ou elle s'explique en ses pasteurs assemblez en un lieu et en un temps dans un concile general; ou en ses pasteurs qui, quoy que separez de terres, de lieu et d'asge, sont assemblez en union de correspondance de foy, ou enfin celte mesme Eglise se declare et parle en son chef ministeriel. Voilà les quatre regles expliquantes et appliquantes les articles de nostre foy. Sçavoir, l'Eglise en corps; le concile general, le consentement des saincts peres, et le pape, evesque de Rome et vicaire de Jesus-Christ: outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher ni d'autres, ni ailleurs, car celles-ci suffisent pour affermir les cœurs les plus inconstans.

REGLE EXTRAORDINAIRE.

Mais Dieu qui se plaist de nous donner en la surabondance de ses faveurs, pour mieux fortifier la foiblesse des hommes, ne laisse pas d'ajouter souvent à ces regles ordinaires (quand il s'agit de l'etablissement et fondation de l'Eglise) une regle extraordinaire tres-certaine, et de grande importance, qui est la preuve des miracles, temoignage extraordinaire et assuré de la vraye explication et application de la parole de Dieu.

REGLE NATURELLE.

La foy, quoy que superieure, ne dedaigne pas le secours de nostre raison naturelle, qui peut encor estre appelée une regle de foy, ce qui se doit entendre negativement, non pas affirmativement, car qui diroit ainsi : telle ou telle proposition est un article de notre foy, parce qu'elle est selon la raison naturelle; cette consequence affirmative seroit tres-mal tirée, puis que toute nostre foy est par-dessus nostre raison. Mais qui diroit: Cette proposition est un article de foy, par consequent elle ne doit pas estre contre la raison naturelle; la consequence seroit tres-bonne parce que la raison naturelle, et la foy, estant emanées d'une mesme source, et ori gines d'un mesme autheur, en divers ordres, ne peuvent estre contraires l'une à l'autre.

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