Obrazy na stronie
PDF
ePub

estoit sainctement et fidelement employé | ces empeschemens n'eut lieu au cœur de la

au sainet amour pour l'exercice des autres vertus, lesquelles pour la pluspart ne peuvent estre practiquées qu'entre les difficultez, oppositions et contradictions.

Les espines, selon l'opinion vulgaire, sont non-seulement differentes, mais aussi contraires aux fleurs; et semble que, s'il n'y en avoit point au monde, la chose en iroit mieux; qui a fait penser à sainct Ambroise que sans le peché il n'en seroit point. Mais toutefois, puisqu'il y en a, le bon laboureur les rend utiles, et en fait des hayes et clostures autour des champs et jeunes arbres, auxquels elles servent de defenses et remparts contre les animaux. Ainsi la glorieuse Vierge ayant eu part à toutes les miseres du genre humain, excepté celles qui tendent immediatement au peché, elle les employa tres-utilement pour l'exercice et l'accroissement des sainctes vertus de force, temperance, justice et prudence, pauvreté, humilité, souffrance, compassion: de sorte qu'elles ne donnoient aucun empeschement, ains beaucoup d'occasions à l'amour celeste de se renforcer par de continuels exercices et avancemens; et chez elle, Magdeleine ne se divertit point de l'attention avec laquelle elle reçoit les impressions amoureuses du Sauveur, pour toute l'ardeur et sollicitude que Marthe peut avoir. Elle a choisi l'amour de son Fils, et rien ne le luy oste.

:

L'aymant, comme chacun sçait, Theotime, tire naturellement à soi le fer par une vertu secrette et tres - admirable mais pourtant cinq choses empeschent cette operation 1o la trop grande distance de l'un à l'autre ; 2o s'il y a quelque diamant entre deux; 30 si le fer est engraissé; 4 s'il est frotté d'un ail: 3o si le fer est trop pesant. Nostre cœur est fait pour Dieu qui l'alleche continuellement, et ne cesse de jetter en luy les attraits de son celeste amour. Mais cinq choses empeschent la saincte attraction d'operer: 1o le peché qui nous esloigne de Dieu, 2o l'affection aux richesses; 50 les plaisirs sensuels; 40 l'orgueil et vanité; 50 l'amour propre avec la multitude des passions desreglées qu'il produit, et qui sont en nous un pesant fardeau, lequel nous accable. Or nul de

glorieuse Vierge: 1° tousjours preservée de tout peché; 2° tousjours tres-pauvre de cœur; 3° tousjours tres-pure; 4o tousjours tres-humble; 3° tousjours maitresse paisible de toutes ses passions, et tout exempte de la rebellion que l'amour propre fait à l'amour de Dieu. Et c'est pourquoy, comme le fer, s'il estoit quitte de tous empeschemens et mesme de sa pesanteur, seroit attiré fortement, mais doucement et d'une attraction esgale, par l'aymant, en sorte neantmoins que l'attraction seroit tousjours plus active et plus forte à mesure que l'un seroit plus près de l'autre, et que le mouvement seroit plus proche de sa fin; ainsi la tres-saincte Mere n'ayant rien en soy qui empeschast l'operation du divin amour de son Fils; elle s'unissoit avec iceluy d'une union incomparable, par des extases douces, paisibles et sans efforts; extases esquelles la partie sensible ne laissoit pas de faire ses actions, sans donner pour cela aucune incommodité à l'union de l'esprit comme reciproquement la parfaicte application de son esprit ne donnoit pas fort grand divertissement aux sens. Si que la mort de cette Vierge fut plus douce qu'on ne se peut imaginer, son Fils | l'attirant suavement à l'odeur de ses parfums (1), et elle s'escoulant tres-amiablement après la senteur sacrée d'iceux dedans le sein de la bonté de son Fils. Et, bien que cette saincte ame aimast extresmement son tres-sainct, tres-pur et tresaimable corps; si le quitta-t-elle neantmoins sans peine ny resistance quelconque, comme la chaste Judith, quoiqu'elle aimast grandement les habits de penitence et de viduité, les quitta neanmoins et s'en despouilla avec plaisir pour se revestir de şes habits nuptiaux quand elle alla se rendre victorieuse d'Holophernes, ou comme Jonathas, quand, pour l'amour de David, il se despouilla de ses vestemens. L'amour avoit donné près de la croix à cette divine espouse les supresmes douleurs de la mort; certes il estoit raisonnable qu'enfin la mort luy donnast les souveraines delices de l'amour.

(1) Cant, Cant, 1, 3.

LIVRE HUITIESME.

DE L'AMOUR DE CONFORMITÉ, PAR LEQUEL NOUS UNISSONS NOSTRE VOLONTÉ A CELLE DE DIEU, QUI NOUS EST SIGNIFIÉE PAR SES COMMANDEMENS, CONSEILS ET INSPIRATIONS.

CHAPITRE PREMIER.

De l'amour de conformité provenant de la sacrée complaisance.

Comme la bonne terre ayant receu le grain le rend en sa saison au centuple (1), ainsi le cœur qui a pris de la complaisance en Dieu ne se peut empescher de vouloir reciproquement donner à Dieu une autre complaisance. Nul ne nous plaist à qui nous ne desirons de plaire. Le vin frais rafraischit pour un temps ceux qui le boivent mais soudain qu'il a esté eschauffé par l'estomach dans lequel il entre, il l'eschauffe reciproquement; et plus l'estomach luy donne de chaleur, plus il en rend. Le veritable amour n'est jamais ingrat, il tasche de complaire à ceux esquels il se complaist; et de là vient la conformité des amans, qui nous fait estre tels que ce que nous aimons. Le tres-devot et tres-sage roi Salomon devint idolastre et fol, quand il aima les femmes idolastres et folles, et eut autant d'idoles que ses femmes en avoient (2). L'Escriture appelle pour cela effeminez les hommes qui aiment eperduement les femmes pour leur sexe, parce que l'amour les transforme d'hommes en femmes quant aux mœurs et humeurs.

forme en celle de la divine majesté par la complaisance qu'elle y prend. L'amour, dit saint Chrysostome, ou il trouve ou il fait la ressemblance; l'exemple de ceux que nous aimons a un doux et imperceptible empire et une autorité insensible sur nous; il est forcé ou de les quitter, ou de les imiter. Celuy qui, attiré de la suavité des parfums, entre en la boutique d'un parfumeur, en recevant le plaisir qu'il prend à sentir ces odeurs, il se parfume soymesme, et au sortir de là il donne part aux autres du plaisir qu'il a receu, repandant entre eux la senteur des parfums qu'il a contractée. Avec le plaisir que nostre cœur prend en la chose aimée, il tire à soy les qualitez d'icelle; car la delectation ouvre le cœur, comme la tristesse le resserre, dont l'Escriture sacrée use souvent du mot de dilater, au lieu de celuy de resjouyr. Or le cœur se trouvant ouvert par le plaisir, les impressions des qualitez desquelles le plaisir despend entrent aisément en l'esprit et avec elles les autres encore qui sont au mesme subject, bien qu'elles nous deplaisent, ne laissent pas d'entrer en nous parmy la presse du plaisir, comme celuy qui sans robe nuptiale (1) entra au festin parmy ceux qui estoient Or cette transformation se fait insensibleparez. Ainsi les disciples d'Aristote se ment par la complaisance, laquelle estant plaisoient à parler begue comme luy, et en nos cœurs, en engendre une autre ceux de Platon tenoient les espaules courpour donner à celuy de qui nous l'avons bées à son imitation. En somme, le plaisir receue. On dit qu'il y a ès Indes un petit que l'on a en la chose est un certain fouranimal terrestre qui se plaist tant avec les rier, qui fourre dans le cœur amant les poissons et dans la mer, qu'à force de ve- qualitez de la chose qui plaist. Et pour nir souvent nager avec eux, enfin il de- cela la sacrée complaisance nous transvient poisson, et d'animal terrestre il est forme en Dieu que nous aimons; et à merendu tout à fait animal marin. Ains à sure qu'elle est grande, la transformation force de se plaire en Dieu, on devient con- est plus parfaicte. Ainsi les saincts qui ont forme à Dieu, et nostre volonté se trans-grandement aimé ont esté fort vistement et

(1) Luc, vin, 8. - (2, III. Reg. x1.

(1) Matth. xx:1, 12.

parfaictement transformez, l'amour transportant et transmettant les mœurs et humeurs de l'un des cœurs à l'autre.

Chose estrange, mais veritable! s'il y a deux luths unisones, c'est-à-dire de mesme son et accord, l'un près de l'autre, et que l'on joue d'un d'iceux, l'autre, quoiqu'on ne le touche point, ne laissera pas de resonner comme celuy duquel on joue; la convenance de l'un à l'autre, comme par un amour naturel, faisant cette correspondance. Nous avons repugnance d'imiter ceux que nous haïssons, ès choses mesmes qui sont si bonnes; et les Lacedemoniens ne voulurent pas suivre le bon conseil d'un mechant homme, sinon après qu'un homme de bien l'auroit prononcé. Au contraire, on ne peut s'empescher de se conformer à ce qu'on aime. Le grand apostre dit, comme je pense en ce sens, que la loy n'est point mise aux justes (1). Car, en verité, le juste n'est juste, sinon parce qu'il a le sainct amour; et s'il a l'amour, il n'a pas besoin qu'on le presse par la rigueur de la loy, puisque l'amour est le plus pressant docteur et solliciteur pour persuader au cœur qu'il possede l'obeissance aux volontez et intentions du bien-aimé. L'amour est un magistrat qui exerce sa puissance sans bruit, sans prevosts ni sergens; par cette mutuelle complaisance par laquelle, comme nous nous plaisons en Dieu, nous desirons aussi reciproquement de luy plaire. L'amour est l'abregé de toute la theologie, qui rend très-sainctement docte l'ignorance des Paul, des Antoine, des Hilarion, des Simeon, des François, sans livres, sans precepteurs, sans art. En vertu de cet amour, la bien-aimée peut dire en asseurance, mon bien-aimé est tout mien, par la complaisance de laquelle il me plaist et me paist; et moy je suis toute à luy (2), par bienveuillance de laquelle je luy plais et le repais. Mon cœur se paist de se plaire en luy, et le sien se paist de quoy je luy plais pour luy; tout ainsi qu'un sacré berger il me paist, comme sa chere brebis, entre les lys de ses perfections esquelles je me plais; et pour moy, comme sa chere brebis, je le pais du laict de mes affections, par lesquelles je luy veux plaire. Quiconque (1) I. ad Tim. 1, 9.- (2) Cant. Cant. 1, 16.

se plaist veritablement en Dieu desire de plaire fidellement à Dieu, et, pour luy plaire, de se conformer à luy.

CHAPITRE II.

De la conformité de soumission qui procede de l'amour de la bienveuillance.

La complaisance attire donc en nous les traits des perfection divines, selon que nous sommes capables de les recevoir; comme le miroir reçoit la ressemblance du soleil, non selon l'excellence et grandeur de ce grand et admirable luminaire, mais selon la capacité et mesure de sa glace, si qur nous sommes ainsi rendus conformes à Dieu.

Mais, outre cela, l'amour de bienveuillance nous donne cette saincte conformité par une autre voye. L'amour de complaisance tire Dieu dedans nos cœurs, mais l'amour de bienveuillance jette nos cœurs en Dieu, et par consequent toutes nos actions et affections, les luy dediant et consacrant tres-amoureusement: car la bienveuillance desire à Dieu tout l'honneur, toute la gloire et toute la recognoissance qu'il est possible de luy rendre, comme un certain bien exterieur qui est deu à sa bonté.

Or ce desir se practique selon la complaisance que nous avons en Dieu, en la façon qui s'ensuit. Nous avons eu une extresme complaisance à voir que Dieu est souverainement bon; et partant nous desirons, par l'amour de bienveuillance, que tous les amours qu'il nous est possible d'imaginer, soient employez à bien aimer cette bonté. Nous nous sommes pleu en la souveraine excellence de la perfection de Dieu; ensuite de cela nous desirons qu'il soit souverainement loué, honoré et adoré. Nous nous sommes delectez à considerer comme Dieu est non-seulement le premier principe, mais aussi la derniere fin, autheur, conservateur et seigneur de toutes choses, à raison de quoy nous souhaitons que tout luy soit soumis par une souveraine obeissance. Nous voyons la volonté de Dieu souverainement parfaicte, droite, juste et equitable; et à cette consideration nous desirons qu'elle soit la reigle et la loy sou

veraine de toutes choses, et qu'elle soit suivie, servie et obeie par toutes les autres volontez.

CHAPITRE III.

Comme nous nous devons conformer à la divine volonté, que l'on appelle signifiée.

Nous considerons quelquefois la volonté de Dieu en elle-mesme; et la voyant toute saincte et toute bonne, il nous est aisé de la louer, benir et adorer, et de sacrifier nostre volonté et toutes celles des autres creatures à son obeissance, par cette divine exclamation: Vostre volonté soit faicte en la terre comme au ciel (1). D'autres fois nous considerons la volonté de Dieu en ses effets particuliers, comme ès evenemens qui nous touchent, et ès occurrences qui nous arrivent ; et finalement en la declaratlon et manifestation de ses intentions. Et, bien qu'en verité sa divine majesté n'ait

Mais notez, Theotime, que je ne traite pas icy de l'obeissance qui est deue à Dieu, parce qu'il est nostre Seigneur et maistre, nostre pere et bienfaicteur; car cette sorte d'obeissance appartient à la vertu de justice, et non pas à l'amour. Non, ce n'est pas cela dont je parle à present; car encore qu'il n'y eust n'y enfer pour punir les rebelles, ni paradis pour recompenser les bons, et que nous n'eussions nulle sorte d'obligations ni de devoir à Dieu (et cecy soit dit par imagination de chose impossible, et qui n'est presque pas imaginable), si est-ce toutesfois que l'amour de bienveuillance nous porteroit à rendre toute obeissance et soumission à Dieu par elec-qu'une tres-unique et tres-simple volonté, tion et inclination, voire mesme par une douce violence amoureuse, en consideraration de la souveraine bonté, justice et droiture de la divine volonté.

Voyons-nous pas, Theotime, qu'une fille, par une libre election qui procede de l'amour de bienveuillance, s'assujettit à un espoux, auquel d'ailleurs elle n'avoit aucun devoir; ou qu'un gentilhomme se soumet au service d'un prince estranger, ou bien jette sa volonté és mains du superieur de quelque ordre de religion auquel il se rangera ?

Ainsi doncques se fait la conformité de nostre cœur avec celuy de Dieu, lorsque par la saincte bienveuillance nos jettons toutes nos affections entre les mains de la divine volonté, afin qu'elles soient par icelles pliées et maniées à son gré, moulées et formées selon son bon plaisir. Et en ce poinct consiste la tres-profonde obeissance d'amour, laquelle n'a pas besoin d'estre excitée par menaces ou recompenses, ni par aucune loy ou par quelque commandement; car elle previent tout cela, se soumettant à Dieu pour la seule tres-parfaicte bonté qui est en luy, à raison de laquelle il merite que toute volonté luy soit obeissante, sujette et soumise, se conformant et unissant à jamais en tout et partout à ses intentions divines.

si est-ce que nous la marquons de noms differens, suivant la varieté des moyens par lesquels nous la cognoissons; varieté selon laquelle nous sommes aussi diversement obligez de nous conduire à icelle.

La doctrine chrestienne nous propose clairement les veritez que Dieu veut que nous croyions, les biens qu'il veut que nous esperions, les peines qu'il veut que nous craignions, ce qu'il veut que nous aimions, les commandemens qu'il veut que nous fassions et les conseils qu'il desire que nous suivions. Et tout cela s'appelle la volonté signifiée de Dieu, parce qu'il nous a signifié et manifesté qu'il veut et entend que tout cela soit cru, esperé, craint, aimé et practiqué.

Or, d'autant que cette volonté sigifiée de Dieu procede par maniere de desir, et non par maniere de vouloir absolu, nous pouvons ou la suivre par obeissance, ou luy resister par desobeissance: car Dieu fait trois actes de sa volonté pour ce regard; il veut que nous puissions resister, il desire que nous ne resistions pas, et permet neantmoins que nous resistions si nous voulons. Que nous puissions resister, cela depend de nostre naturelle condition et liberté; que nous resistions, cela depend de nostre malice; que nous ne resistions pas, c'est selon le desir de la divine bonté. Quand doncques nous resistons, Dieu ne (1) Matth. vi, 10.

|

qu'elle ne fasse pas tant d'effets comme si on la secondoit.

La conformité donc de nostre cœur à la volonté signifiée de Dieu consiste en ce que nous voulions tout ce que la divine bonté nous signifie estre de son intention, croyans selon sa doctrine, esperans selon ses promesses, craignans selon ses menaces, aimans et vivans selon ses ordonnances et advertissemens, à quoy tendent les protestations que si souvent nous en faisons ès sainctes ceremonies ecclesiastiques, car pour cela nous demeurons debout, tandis qu'on lit les leçons de l'Evangile, comme prests d'obeir à la saincte signification de la volonté de Dieu, que l'Evangile contient. Pour cela nous baisons le livre à l'endroict de l'Evangile, comme adorans la saincte parole qui declare la volonté celeste. Pour cela plusieurs saincts et sainctes portoient sur leurs poictrines anciennement l'Evangile en escrit comme un epitheme d'amour, ainsi qu'on lit de saincte Cecile, et de fait on trouva celuy de sainct Matthieu sur le cœur de S. Barnabé trespassé, escrit de sa propre main. Ensuite de quoy, ès anciens conciles, on mettoit au milieu de l'assemblée de tous les evesques un grand throsne, et sur iceluy le livre des saincts Esvangiles qui représentent la personne du Sauveur, roy, docteur, directeur, esprit, et unique cœur des conciles et de toute l'Eglise, tant on honoroit la signification de la volonté de Dieu exprimée en ce divin livre. Certes, le grand miroir de l'ordre pastoral, S. Charles, archevesque de Milan, n'estudioit jamais dans l'Escriture saincte, qu'il ne se mist à genoux et teste nue, pour tesmoigner le respect avec lequel il falloit entendre et lire la volonté de Dieu signifiée.

contribue rien à nostre desobeissance, ains laissant nostre volonté en la main (1) de son franc arbitre, il permet qu'elle choisisse le mal. Mais quand nous obeissons, Dieu contribue son secours, son inspiration et sa grace. Car la permission est une action de la volonté, qui de soy-mesme est brehaigne, sterile, infeconde, et par maniere de dire c'est une action passive, qui ne fait rien, ains laisse faire. Au contraire, le desir est une action active, feconde, fertile, qui excite, semond et presse. C'est pourquoy Dieu desirant que nous suivions sa volonté signifiée, il nous sollicite, exhorte, incite, inspire, aide et secourt; mais, permettant que nous resistions, il ne fait autre chose que de simplement nous laisser faire ce que nous voulons, selon nostre libre election, contre son desir et intention. Et toutefois ce desir est un vray desir car comme peut-on exprimer plus naïfvement le desir que l'on a qu'un amy fasse bonne chere, que de preparer un bon et excellent festin, comme fit ce roy de la parabole evangelique, puis l'inviter, presser, et presque contraindre par prieres, exhortations et poursuites, de venir s'asseoir à table et de manger. Certes, celuy qui, à vive force, ouvriroit la bouche à un amy, luy fourreroit la viande dans le gosier, et la luy feroit avaler, il ne luy donneroit pas un festin de courtoisie, mais le traiteroit en beste, et comme un chapon que l'on veut engraisser. Cette espece de bienfait veut estre offert par semonces, remonstrances et sollicitations, et non violemment et forcement exercé. C'est pourquoy il se fait par manieré de desir, et non de vouloir absolu. Or c'en est de mesme de la volonté signifiée de Dieu; car par icelle Dieu desire d'un vray desir que nous fassions ce qu'il declare; et à cette occasion il nous fournit tout ce qui est requis, nous exhortant et pressant de l'employer. De la conformité de nostre volonté avec celle

En ce genre de faveur on ne peut rien desirer de plus et comme les rayons du soleil ne laissent pas d'estre vrays rayons, quand ils sont rejettez et repoussez par quelque obstacle, aussi la volonté signifiée de Dieu ne laisse pas d'estre vraye volonté de Dieu, encore qu'on luy resiste, et bien (1) Ecol. xv, 14.)

CHAPITRE IV.

que Dieu a de nous sauver.

Dieu nous a signifié en tant de sortes et par tant de moyens qu'il vouloit que nous fussions tous sauvez, que nul ne le peut ignorer. A cette intention, il nous a faits à son image et semblance par la creation, et s'est fait à nostre image et semblance par l'incarnation; après laquelle il a souffert la

« PoprzedniaDalej »