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dence a mis dans l'homme un sentiment qui en balance le poids, en dirigeant ses désirs bien au delà des objets de la terre; ce sentiment est celui de l'existence de la Divinité. L'homme n'est point homme parce qu'il est animal raisonnable, mais parce qu'il est animal religieux.

Cicéron et Plutarque remarquent qu'il n'y avait pas un seul peuple connu de leur temps, chez lequel on n'eût trouvé quelque religion. Le sentiment de la Divinité est naturel à l'homme. C'est cette lumière que saint Jean appelle la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. Je reproche à quelques écrivains modernes, et même à des missionnaires, d'avoir avancé que certains peuples n'avaient aucun sentiment de la Divinité. C'est, à mon gré, la plus grande des calomnies dont on puisse flétrir une nation, parce qu'elle détruit nécessairement chez elle l'existence de toute vertu ; et si cette nation en montre quelques apparences, ce ne peut être que par le plus grand des vices, qui est l'hypocrisie; car il ne peut y avoir de vertu sans religion. Mais il n'y a pas un de ces

écrivains inconsidérés qui ne fournisse luimême de quoi détruire son imputation; car les uns avouent que ces mêmes peuples athées rendent, dans certains jours, hommage à la lune, ou qu'ils se retirent dans les bois, pour y remplir des cérémonies dont ils dérobent la connaissance aux étrangers. Le P. Gobien, entre autres, dans son Histoire des îles Mariannes, après avoir affirmé que leurs insulaires ne reconnaissent aucune divinité, et qu'ils n'ont pas la moindre idée de religion, nous dit immédiatement après, qu'ils invoquent leurs morts, qu'ils appellent anitis, dont ils gardent les crânes dans leurs maisons, et auxquels ils attribuent le pouvoir de commander aux éléments, de changer les saisons, et de rendre la santé ; qu'ils sont persuadés de l'immortalité de l'ame, et qu'ils reconnaissent un paradis et un enfer. Certainement ces opinions prouvent qu'ils ont des idées de la Divinité.

Tous les peuples ont le sentiment de l'existence de Dieu, non pas tous en s'élevant à lui à la manière des Newtons et des Socrates, par l'harmonie générale de ses ou

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vrages, mais en s'arrêtant à ceux de ses bienfaits qui les intéressent le plus. L'Indien du Pérou adore le Soleil; celui du Bengale, le Gange qui fertilise ses campagnes; le noir Iolof, l'Océan qui rafraîchit ses rivages; le Samoïède du Nord, le renne qui le nourrit. L'Iroquois errant demande aux esprits des lacs et des forêts, des pêches et des chasses abondantes. Plusieurs peuples adorent leurs rois. Il n'en est point qui, pour rendre plus chers aux hommes ces dispensateurs augustes de leur bonheur, n'aient fait intervenir quelque divinité pour consacrer leur origine. Tels sont, en général, les dieux des nations; mais quand les passions viennent obscurcir parmi elles cet instinct divin, et y mêler ou les fureurs de l'ambition, ou les égarements de la volupté, on les voit se prosterner devant des serpents, des crocodiles, et des dieux qu'on n'ose nommer. On les voit offrir dans leurs sacrifices, le sang de leurs ennemis et la virginité de leurs filles. Tel est le caractère d'un peuple, telle est sa religion. L'homme est tellement entraîné par cette impulsion céleste, que, lorsqu'il cesse de prendre la

Divinité pour son modèle, il ne manque jamais d'en faire une sur sa propre image.

Il y a donc en l'homme deux puissances; l'une animale, et l'autre divine. La première lui donne sans cesse le sentiment de sa misère; la seconde, celui de son excellence: et c'est de leurs combats que se forment les variétés et les contradictions de la vie humaine.

C'est par le sentiment de la misère que nous sommes sensibles à tout ce qui nous offre une idée d'asile et de protection, d'aisance et de commodité; voilà pourquoi la plupart des hommes aiment les tranquilles retraites, l'abondance, et tous les biens que la nature libérale présente, sur la terre, à nos besoins. C'est ce sentiment qui donna à l'Amour les chaînes de l'Hymen, afin que l'homme trouvât un jour la compagne de ses peines dans celle de ses plaisirs, et que les enfants fussent assurés des secours de leurs parents. C'est lui qui rend le paisible bourgeois si avide du récit des intrigues des cours, des relations de batailles, et des descriptions de tempêtes, parce que les dangers du de

hors augmentent au dedans le bonheur de sa sécurité. Ce sentiment se mêle souvent aux affections morales; il cherche des appuis dans l'amitié, et des encouragements dans l'éloge. C'est lui qui nous rend attentifs aux promesses de l'ambitieux, lorsque nous nous empressons de le suivre, comme des esclaves, séduits par les idées de protection dont il nous trompe. Ainsi le sentiment de notre misère est un des plus grands liens de nos sociétés politiques, quoiqu'il nous attache à la terre.

Le sentiment de la Divinité nous pousse en sens contraire. C'est lui qui conduisit l'amour aux autels, et qui lui inspira les premiers serments; il offrit les premiers enfants au ciel, lorsqu'il n'y avait point encore de lois politiques; il rendit l'amour sublime et l'amitié généreuse; il secourut d'une main les malheureux, et s'opposa de l'autre aux tyrans; il devint le mobile de la générosité et de toutes les vertus. Content de servir les hommes, il dédaigna d'en être applaudi. Quand il se montra dans les arts et dans les sciences, il en devint le charme, qui nous

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