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et quarante chevaux; l'arrière-garde était un peu moindre; le reste de l'armée formait le corps de bataille, où, avec les prisonniers et le bagage, se trouvait l'artillerie, et une réserve de cent braves pour la garde du général, et pour les besoins où il les appellerait (1). On traversa la ville en cet ordre, sans être insulté, et sans entendre le moindre tumulte. On s'avança de même sur la chaussée jusqu'à la première coupure, dont on trouva sans surprise le pont-levis rompu. On s'y était attendu, et l'avantgarde s'était munie d'un pont portatif, qui fut jeté en quelques momens. On prétendait en faire le même usage pour les deux coupures qui restaient encore à passer mais le poids des chevaux et du canon l'enfonça tellement entre les pierres des deux massifs sur lesquels il portait, qu'il ne fut pas possible de l'en dégager; on n'eut pas même le loisir

de tenter ce travail.

C'était là que les barbares guettaient leur proie. Au moment du plus grand embarras des Espagnols, une infinité de barques et de canots armés, qui - s'étaient approché des deux côtés à la faveur de la nuit et du silence, attaquèrent si brusquement, qu'on fut accablé d'une grêle de flèches au même instant qu'on entendit leur tumulte et leurs clameurs effrayantes. Toute l'armée espagnole eût infailliblement péri, si les Indiens dans la mêlée eussent observé l'ordre convenu parmi eux pour l'attaque; mais la discipline était pour eux un état violent; et bientôt leur courage effréné ne servit qu'à les mettre dans un plus grand désordre. Ils se portèrent sur l'ennemi avec tant de tumulte et de confusion, que les premiers canots se brisèrent à la chaussée; et ceux qui les suivaient, au lieu de les défendre, en accéléraient la ruine. Le canon et la mousqueterie firent un ravage épouvantable dans cette multitude en désordre et à demi-nue; mais les Espagnols, ou plutôt les forces humaines ne

(1) Sol. lib. 4, c. 18.

suffisaient point à sabrer tout ce qui abordait. Les Indiens les plus eloignés ne pouvant se faire jour parmi ceux qui les devançaient, et ne pouvant plus souffrir la lenteur des rames, se jetèrent à la nage; puis au moyen de leur agilité naturelle et de leurs armes fichées en terre, ils grimpèrent à la chaussée, mais en si grand nombre, que ce qui semblait devoir assurer leurs succès, consomma leur défaite. Le combat s'étant extrêmement ralenti sur les bords du lac embarrassés de hauts tas de corps morts, fut presque plus question que de faire face en avant, sur un terre-plein découvert et peu large. Ainsi la supériorité du nombre devint inutile aux Indiens et les détroits du champ de bataille, auparavant si nuisibles aux Espagnols, tournèrent entièrement à leur avantage. Quelques pièces de canon pointées en ligne droite sur la direction de la chaussée, la jonchèrent tellement de cadavres en quelques instans, que, selon différens auteurs, on n'eut besoin de rien autre chose, pour en mettre la seconde coupure ou fossé, de niveau avec son plein-pied. Le dernier fossé avoisinant les terres, et ayant peu de profondeur, les troupes le passèrent à gué, et gagnèrent paisiblement la plaine, où elles eurent le bonheur de ne trouver aucuns Mexicains qui en défendissent l'accès, tant leur dernière perte les avait déconcertés. C'était là néanmoins que ces barbares auraient dû se promettre le plus d'avantage sur des ennemis blessés pour la plupart, tous exténués de fatigue, et ayant l'eau au-dessus de la ceinture. L'armée chrétienne regarda cette inadvertance, ou ce vertige des infideles, comme un trait tout particulier de la providence du Seigneur sur son peuple. Ainsi abordèrent heureusement Tavant-garde et le corps de bataille. Après quoi, le héros généreux qui ne les avait point quittés au fort du péril, retourna au-devant de l'airiere garde qui fut beaucoup moins heureuse; mais presque uniquement par sa faute, c'est-à dire, pour avoir cédé à la cupidité et à l'amour du butin. Une boune

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partie de cette division, surchargée d'or et d'argent, ne parvint à la première coupure de la chaussée qu'après que les Mexicains en eurent détruit le pont, et resta seule à leur merci. Cortès en recueillit les restes, et rejoignit le gros de l'armée, comme le jour commençait à luire.

Pour être hors de Mexique, et vainqueur des Mexicains, on n'était pas à beaucoup pres hors de danger. Cette grande nation soulevée de toute part, la capitale remise de son étonnement, les contrées voisines, les provinces éloignées, tout s'attroupa, tout se mit à la poursuite des étrangers, et conjura de les exterminer jusqu'au dernier, avant qu'ils eussent quitté les limites de l'empire. Cortès eut cependant le bonheur de gagner Tlascale; mais en épuisant tout l'art des marches, et après avoir été réduit à se mesurer en bataille rangée avec deux cent mille barbares, dont le courage ou l'acharnement égala le nombre. Toute la bravoure européenne ne suffisait pas à les rompre, ou du moins

les empêcher de revenir sans cesse à la charge, quand ce grand homme voyant que cette persévérance ne pouvait manquer de ruiner à la longue sa petite armée, prit sur le champ une de ces résolutions qui ne naissent que dans l'ame des héros. A la vue de l'étendard impérial des Mexicains, qui attachaient à sa conservation le salut de l'empire, il appelle ses meilleurs officiers, il fait signe aux braves de sa garde; et tous poussant leurs chevaux, plus formidables aux barbares que le canon même, ils rompent les bataillons ; et sans leur donner le temps de se rallier, ils vont droit à l'étendard, qui était arboré sur la litière du général en chef. Le général espagnol fond, la lance en arrêt, sur le Mexicain, le renverse baigné dans son sang, et s'empare du drapeau. A ce coup, tout fut décidé les Mexicains abattirent tous leurs autres étendards; ils jetèrent leurs armes même pour mieux fuir, et ce ne fut plus qu'une déroute qui en peu de momens ne laissa de vivant

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sur le champ de bataille, que les Espagnols et leurs alliés (1).

Dès-lors ils gagnèrent sans peine le pays de Tlascale, où ils concertèrent à loisir les moyens de subjuguer le Mexique. On mit en action toutes les forces de cette république, on y joignit ses anciens alliés et ceux qu'on fit de nouveau, on ménagea des intelligences dans les provinces mêmes du Mexique, qu'on arma les unes contre les autres; et en assez peu de temps, Cortès se vit à son tour suivi d'armées comparables en nombre à celles de l'ennemi. Il y eut néanmoins encore bien de combats à rendre, et bien de prodiges de valeur à opérer contre le nouvel empereur qu'élurent les Mexicains, et qui se montra infiniment plus digne que Montezuma de les commander. Nous ne pousserons pas plus loin le détail de ces opérations, purement militaires, et, sous ce point de vue, étrangères à notre sujet. On eût même beaucoup plus serré cette matière, toute brillante qu'elle est, s'il eût été possible, sans quelque développement, de faire apercevoir la conduite de la pro vidence à l'égard de ce conquérant, le plus extraordinaire du nouveau monde; mais ce grand tableau tiendra lieu de vingt autres, qu'il eût au moins fallu ébaucher pour atteindre au même but.

En moins de deux ans, Cortès jeta son plan, et consomma son entreprise. Le 8 de Novembre 1519 il fit sa première entrée à Mexique, en ambassadeur ou plutôt en aventurier, et il entra dans cette capitale, en conquérant et en triomphateur, le 13 d'Août 1521. Aussitôt après, il apprit à Charles Quint qu'il venait de lui conquérir une nouvelle Espagne, plus étendue et beaucoup plus riche que l'ancienne. Les premiers tributs de ces terres d'or qu'il envoyait en même temps, rendirent croyable ce qu'on eût sans cela rangé au nombre des fables ou des songes. Alliant, comme il le faisait en toute

(1) Lib. 4, c. 30,

rencontre, les sentimens de la religion à ceux de l'héroïsme, il ne manqua point de lui apprendre encore que l'évangile produisait des fruits admirables dans ces terres infidèles; que le prince d'Youcan, que le roi de Tescuco, que les deux premiers sénateurs de la fidèle et belliqueuse république de Tlascale avaient déjà reçu le baptême; qu'en ce dernier pays sur-tout, la moisson évangélique tonchait à sa maturité, et n'attendait que des ouvriers laborieux pour la recueillir.

Dans le cours de l'année 1519, les terres Antarctiques furent encore découvertes, au nom de Charles Quint, par Ferdinand Magellan, capitaine portugais, qui avait quitté le service de son souverain naturel, parce qu'on avait refusé d'aug menter sa paye de six écus par année (1). Piqué d'émulation aussi bien que de ressentiment, il tenta vers les Indes une route contraire à celle que tenaient les Portugais. Avec cinq vaisseaux, il vogua bien au delà de la ligne équinoxiale, sur des mers encore pleinement inconnues, où il eut à lutter, non pas seulement contre les tourmentes, mais contre des monts de glace et des hivers éternels. Il parvint au détroit qui porte son nom, et par ce passage pénétra dans la mer du Sud. Il y périt dans une île qu'il avait soumise; mais les compagnons de sa fortune poursuivirent leur route, et arrivèrent aux Moluques, déjà connues des Por tugais ce qui occasionna entre les deux couronnes de Castille et de Portugal cet étrange procès, que Ja bulle donnée pour le prévenir ne fit qu'animer. Charles ainsi favorisé de la fortune, prit, comme roi d'Espagne, un titre assorti à l'accroissement de sa puissance. Ce fut alors qu'à la qualité d'altesse dont les rois de Castille s'étaient contentés avant lui, il fit succéder celle de majesté, réservée jusque-là aux rois de France et d'Angleterre.

Tandis que la domination de Charles d'Autriche

(1) Osor. 1. 11. Maff. 1. 8.

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