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ACTE PREMIER.

SCENE I.

XIPHARÈS, ARBATE.

XIPHARÈS.

On nous faisoit, Arbate, un fidèle rapport:
Rome en effet triomphe, et Mithridate est mort.
Les Romains, vers l'Euphrate, ont attaqué mon père1,
Et trompé dans la nuit sa prudence ordinaire.
Après un long combat, tout son camp dispersé
Dans la foule des morts, en fuyant, l'a laissé;
Et j'ai su qu'un soldat dans les mains de Pompée
Avec son diadème a remis son épée.

Ainsi ce roi, qui seul a, durant quarante ans 2,
Lassé tout ce que Rome eut de chefs importants,
Et qui, dans l'Orient balançant la fortune,

'Ce fut près de la ville de Dastire que Pompée surprit Mithridate, et le renferma dans son camp par un rempart de cent cinquante stades de circuit. Mithridate ne le franchit qu'à la faveur des ténèbres, et fut vaincu la nuit şuivante. (L. B.)

2 Pline nous a conservé, liv. VII, chap. 36, une inscription qui réduit à trente ans la durée de cette guerre contre Mithridate. (G.)

Vengeoit de tous les rois la querelle commune, Meurt, et laisse après lui, pour venger son trépas ', Deux fils infortunés qui ne s'accordent pas.

ARBATE.

Vous, seigneur! Quoi! l'ardeur de régner en sa place Rend déja Xipharès ennemi de Pharnace 2?

XIPHARÈS.

Non, je ne prétends point, cher Arbate, à ce prix,
D'un malheureux empire acheter les débris.
Je sais en lui des ans respecter l'avantage;

Et, content des états marqués pour mon partage,
Je verrai sans regret tomber entre ses mains

Tout ce que

lui promet l'amitié des Romains.

ARBATE.

L'amitié des Romains! Le fils de Mithridate,

Seigneur! Est-il bien vrai?

XIPHARÈS.

N'en doute point, Arbate: Pharnace, dès long-temps tout Romain dans le cœur, Attend tout maintenant de Rome et du vainqueur. Et moi, plus que jamais à mon père fidéle,

Tout lecteur curieux d'étudier la période poétique, fera sans doute attention à ce mot meurt, qui, après quatre vers imposants, tombe si juste au commencement du cinquième, et le coupe, en formant une césure qui force l'oreille de s'y arrêter. (L.)

2 Arbate ne répond pas directement à ce que vient de dire Xipharès: c'est une faute contre la justesse du dialogue, que La MotteHoudard a fort bien remarquée. Arbate ne devoit pas interpeller Xipharès et le soupçonner d'être ennemi de son frère par ambition. Dans la première édition, on lisoit :

Vous, seigneur! Quoi! l'amour de régner en sa place, etc. (G.)

Je conserve aux Romains une haine immortelle.
Cependant et ma haine et ses prétentions
Sont les moindres sujets de nos divisions.

ARBATE.

Et quel autre intérêt contre lui vous anime?
XIPHARES.

Je m'en vais t'étonner: cette belle Monime,
Qui du roi notre père attira tous les vœux,
Dont Pharnace, après lui, se déclare amoureux...

Hé bien, seigneur?

ARBATE.

XIPHARES.

Je l'aime; et ne veux plus m'en taire, Puisqu'enfin pour rival je n'ai plus que mon frère '. Tu ne t'attendois pas, sans doute, à ce discours; Mais ce n'est point, Arbate, un secret de deux jours 2. Cet amour s'est long-temps accru dans le silence. Que n'en puis-je à tes yeux marquer la violence, Et mes premiers soupirs, et mes derniers ennuis 3! Mais, en l'état funeste où nous sommes réduits,

Le spectateur reçoit presque à chaque vers une instruction nouvelle : à peine connoît-il les caractères différents des deux frères, qu'il apprend leur rivalité. C'est là le mérite essentiel d'une bonne exposition: jamais le sujet n'y est trop tôt expliqué. (G.)

Un secret de deux jours: Voilà de ces familiarités de diction que les critiques n'ont pas manqué de relever, et qui se font d'autant plus remarquer, que l'élégance du style est plus continue.

L'opposition des premiers et des derniers est peu digne de l'auteur. Louis Racine pense que ce vers ne se lie pas assez bien avec le précédent; mais il ne dit rien sur ces expressions vraiment condamnables: 3: marquer aux yeux, et marquer aux yeux des soupirs. (G.)

Ce n'est guère le temps d'occuper ma mémoire
A rappeler le cours d'une amoureuse histoire.
Qu'il te suffise donc, pour me justifier,

Que je vis, que j'aimai la reine le premier 1;
Que mon père ignoroit jusqu'au nom de Monime
Quand je conçus pour elle un amour légitime.
Il la vit. Mais, au lieu d'offrir à ses beautés
Un hymen, et des vœux dignes d'être écoutés,
Il crut que, sans prétendre une plus haute gloire,
Elle lui céderoit une indigne victoire.

Tu sais par quels efforts il tenta sa vertu;

Et

que,

lassé d'avoir vainement combattu2, Absent, mais toujours plein de son amour extrême, Il lui fit par tes mains porter son diadème.

Juge de mes douleurs, quand des bruits trop certains
M'annoncèrent du roi l'amour et les desseins;

Quand je sus qu'à son lit Monime réservée,
Avoit pris, avec toi, le chemin de Nymphée3!
Hélas! ce fut encor dans ce temps odieux 4

'Cette circonstance essentielle excuse l'amour de Xipharès, le rend intéressant, et conserve à ce fils de Mithridate un caractère honnête et vertueux, lors même qu'il est le rival de son père. (G.)

'La Harpe dit que ce vers n'a point de césure, parcequ'il n'y a aucune raison de s'arrêter après l'auxiliaire avoir. Louis Racine avoit fait la même observation. Il se pourroit cependant que le poëte eût eu l'intention de placer le repos après le mot lassé, afin de donner plus d'énergie à la phrase. On sait que cette licence est quelquefois permise, et que, bien employée, elle devient une beauté.

3 Ce n'est pas sans dessein qu'on nomme ici Nymphée : c'est le nom de la ville dans l'enceinte de laquelle l'action se passe. Nymphée ne rime pas avec réservée. (G.)

4 VAR. Hélas! j'appris encor dans ce temps odieux, etc.

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