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Arabes, il s'attacha à recueillir et à consigner dans son ouvrage tous les renseignements que lui fournissaient ses vastes lectures. Écrivant, sans doute, avec un peu de précipitation, il n'eut ni les moyens, ni même la volonté, de soumettre à l'examen d'une critique judicieuse et sévère les divers témoignages sur lesquels il appuyait ses récits. Il rassembla donc et mit bout à bout tout ce qui lui paraissait de nature à compléter les renseignements qu'il avait déjà extraits des ouvrages d'autres géographes. Plus d'une fois, il ne s'aperçut pas que ces prétendues améliorations, loin d'enrichir son livre, le détérioraient, en quelque manière, puisque ces assertions, puisées dans des écrits moins dignes d'estime, ne servaient qu'à déplacer ce qu'il avait établi précédemment d'une manière plus judicieuse et plus conforme à la vérité. Dans une partie de sa description, l'auteur, comme on peut le voir, a pris pour guide Masoudi, qu'il a copié presque littéralement. Et là il s'était placé sur un terrain assez solide, où il devait rarement broncher; mais, lorsqu'il a voulu déférer à l'avis d'autres compilateurs moins instruits, il commit, il faut le dire, des méprises assez fortes. Ainsi, pour ne parler que des îles Zabedj (Java), l'auteur les place d'abord dans la mer des Indes, puis vis-à-vis du pays des Zendjes, c'est-à-dire de la côte du Zanguebar 2. Il indique, dans ces mêmes parages, l'île de Scherboua,

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, qui, comme il est facile de le voir, n'est autre que celle à laquelle les géographes donnent les noms de Sarirah, (ou Serbazah, ), et qui, comme je crois, est identique à celle de Banca. Plus bas, les îles de Zabedj3 sont représentées comme n'étant à une très-grande distance de la Chine; ailleurs l'auteur atteste que les habitants des îles Zanedj (Zabedj) viennent à la côte de Sofala chercher du fer, qu'ils transportent sur le continent et dans les îles de l'Inde. L'île de Malaï3, placée par lui sur la côte de Malabar, est transformée ailleurs en une île immense, située dans les mers de la Chine. Ces fautes, auxquelles on pourrait en ajouter un grand nombre, sont, à coup sûr, bien graves. Elles prouvent, comme je l'ai dit, que l'auteur n'a pas examiné avec une critique assez sévère les matériaux qu'il mettait en œuvre. Au reste, ces défauts, je crois, sont moins les siens que ceux des écrivains qu'il avait consultés, et auxquels il pensait devoir accorder une confiance explicite. Peut-être une circonstance peut-elle rendre raison d'une partie des fautes que je viens de signaler. Nous avons vu que l'île de Java était désignée, chez les géographes orientaux, par le nom de Zabedj. Or, dans beaucoup de passages, ce nom est écrit Zanedj, . D'un autre côté, on sait que plusieurs îles de la mer orientale sont ha

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1 P. 58. — 2 P. 59. P. 60. P. 65. — * P. 69. — ' P. 86, 92..

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bitées par des populations de nègres, désignés en arabe sous le nom de Zendjes, . Il n'en aura pas sans doute fallu davantage pour engager des compilateurs irréfléchis à supposer que ces différents points devaient être situés non loin de la côte de Zanguebar. Cette circonstance, que les habitants des îles Zabedj (Java) se rendaient à Sofala pour acheter du fer, aura fait croire que ces îles n'étaient pas éloignées de la côte orientale de l'Afrique, parce que l'on n'aura pas assez tenu compte de l'habileté des Malais dans tout ce qui tient à la navigation, et de l'audace avec laquelle ils se lançaient dans les expéditions les plus lointaines. Il est visible que, dans plusieurs passages de la narration d'Édrisi, les îles Zaledj ou Zanedj (Zabedj) ont été confondues avec le groupe des îles Comore; car une de ces îles est appelée, par l'écrivain arabe, Andjebeh, . Il faut lire Andjeneh, i, et reconnaître ici l'île d'Anjoané. Celle que le géographe nomme Anfoudjah, x>‚¿§§ 2, répond à celle d'Angazijâ, la plus considérable des îles de ce groupe.

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Suivant l'auteur 3, «l'île de Komr est éloignée des îles Roibahat de sept journées de navigation..... Son roi réside dans la ville de Malaï. Les habitants disent qu'elle s'étend, en longueur, l'espace de quatre journés (quatre mois) vers l'est. Elle commence auprès des îles Roïbahat, et se termine en face des îles de la Chine, du côté du nord (ou du midi).» D'après le commencement de cette description, il est visible qu'il s'agit ici de la partie méridionale de la presqu'île de l'Inde. Mais l'auteur, trompé sans doute par la signification équivoque du mot, ayant voulu admettre une île au lieu d'une péninsule, et, d'un autre côté, ayant vu, dans les relations d'autres géographes, que pays de Komar se trouvait dans le voisinage de la Chine, aura voulu lier ensemble ces deux faits géographiques. Ayant lu également que les côtes de l'Inde se prolongeaient sans interruption et à une distance de plusieurs mois de marche, depuis la pointe de la presqu'île jusqu'aux confins de la Chine, il aura cru pouvoir copier, sans examen, le récit de plusieurs géographes arabes, qui supposaient que l'île de Komr devait former une île immense qui, commençant près du cap Comorin, allait se terminer non loin de la frontière de la Chine. D'un autre côté, Édrisi a connu l'existence des îles Comore, placées à peu de distance de la côte orientale de l'Afrique; car il assure que de la ville de Djesta, ou Djebesta, située sur le rivage de Sofala, on se rend, en trois jours et trois nuits de navigation, à celle de Daghouta, et que de là, en une journée, on atteint l'île de Komr (Comore). Nous avons vu plus haut que les îles de Comore avaient été confondues par

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'T. I, P. 59, 60.-P. 59, 61. P. 69.-P. 78, 79.

notre auteur avec celles de Zaledj (Zabedj), c'est-à-dire avec l'île de Java. Quant à ce qui concerne l'île de Malaï, on lit dans les anciennes relations arabes qu'il existait, non loin du midi de la péninsule de l'Inde, une ville appelée Koulam-Mâli; que vis-à-vis se trouvait une île appelée Mali. Un autre écrivain avait dit que cette ville était située sur la côte de Malabar, vis-à-vis le pays des Zendjes. Il n'en fallut pas davantage à un géographe pour assurer que cette ville et cette île se trouvaient sur la côte orientale de l'Afrique. Et ce fait n'est pas tout à fait erroné; car une des îles du groupe de Comore porte le nom de Molalé. D'un autre côté, on savait que, dans l'île de Malai, se trouvait la capitale de la province de Komr. Or, comme on était parvenu, en dépit de la nature des choses, à prolonger cette contrée jusqu'aux frontières de la Chine, l'île de Mali, ou Malaï, dut se trouver dans des conditions analogues, et s'étendre en longueur d'une manière prodigieusement exagérée. Et, en effet, nous lisons dans un manuscrit d'Edrisi, ainsi que dans l'abrégé arabe, que l'île appelée Malaï, qui est à douze journées de l'île de Senef, s'étend d'orient en occident; que, du côté de l'ouest, elle touche les rivages du pays des Zendjes; que, du côté de l'est, en se dirigeant vers le nord, elle va rejoindre les rivages de la Chine.

Je ne prétends donc, en aucune manière, dissimuler les défauts que présente l'ouvrage d'Edrisi. Je crois que ce traité de géographie doit être lu avec précaution, et à la lueur du flambeau d'une critique judicieuse. Mais, tout en reconnaissant ces fautes, on doit tomber d'accord que cet ouvrage renferme une foule prodigieuse de renseignements qu'on ne trouve, au même degré, dans aucune autre compilation rédigée par les Arabes. Rappelons-nous qu'à l'époque où écrivait Édrisi on ne possédait aucun des secours que fournit la science moderne, qui offre partout aux lecteurs des relations de voyages instructives, des cartes tracées par des géographes habiles, et appuyées souvent sur des observations astronomiques. L'auteur était réduit à combiner ensemble des assertions vagues, contradictoires, qui, loin d'éclairer le géographe, ne pouvaient que le jeter dans un labyrinthe d'embarras inextricables. Certes, un homme instruit et réfléchi, qui lira attentivement l'ouvrage d'Edrisi, saura, sans beaucoup de peine, reconnaître la source des erreurs qui s'y sont glissées, réunir et remettre dans leur véritable place les renseignements qui concernent les mêmes pays, renseignements que l'inadvertance seule a pu séparer, et qui, dans leur état actuel, semblent appartenir à des régions entièrement différentes. Quant au reproche adressé à Édrisi d'avoir fait reculer la science géographique, ce point de critique littéraire demande quelques explications. Pour qu'une science rétrograde, il faut qu'elle ait primitivement fait des progrès

notables. Or, si l'on considère quelles furent, dès l'origine, les connaissances des Arabes sur ce qui concerne les contrées et les îles que baigne la mer des Indes et de la Chine, on ne trouvera qu'un itinéraire incomplet, entremêlé de quelques détails vagues, incohérents. Voilà, il faut le dire, à quoi se réduisent les renseignements donnés par l'auteur de la relation et par Masoudi. Il était difficile de faire reculer une science aussi peu avancée. C'est cette pénurie de renseignements instructifs qui a trompé les écrivains plus récents, et les a engagés à se jeter dans des digressions qui semblaient devoir répandre un peu d'intérêt sur ce fond sec et stérile. M. Reinaud, comme on l'a vu, regarde Abou❜lféda comme supérieur à Édrisi. Suivant son opinion, le premier avait l'instinct géographique. Je ne conçois pas, je l'avoue, parfaitement cette expression. Abou'lféda n'avait point voyagé lui-même dans les différentes contrées du globe, il n'a été, comme Edrisi, qu'un compilateur. Je conviens que, souverain d'une ville de Syrie, ayant auprès de lui des hommes instruits, ayant eu plus d'une fois l'occasion d'interroger des voyageurs judicieux, il a pu vérifier certains récits, rectifier plusieurs erreurs. En outre, le cadre qu'il s'était tracé, étant beaucoup plus étroit, lui a permis d'élaguer davantage ce qui présentait un caractère douteux et suspect; il a pu, d'après cela, commettre un peu moins d'erreurs; mais il est très-loin de les avoir toujours évitées. Et, quoi qu'il en soit, bien des personnes croiront pouvoir préférer la richesse des matériaux que nous offre l'ouvrage d'Edrisi à ces descriptions quelquefois un peu exactes, mais souvent froides, sèches et incomplètes, que nous lisons partout dans la Géographie d'Abou'lféda.

Dans un article suivant, après avoir discuté brièvement ce qui concerne l'auteur de la Relation qui est sous nos yeux, j'examinerai l'ouvrage intitulé Fragments sur l'Inde, qui forme la suite et le complément de celui qui nous occupe.

QUATREMÈRE.

Sur la planète nouvellement découverte par M. Le Verrier, comme conséquence de la théorie de l'attraction.

TROISIÈME ARTICLE 1.

A mesure que j'avance dans la tâche que j'ai entreprise, la rigueur du sujet que je traite se fait sentir davantage; et la route qui mène au but où je tends se hérisse d'obstacles, comme si la découverte que je veux

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les deux premiers, aux cahiers d'octobre et de novembre 1846.

montrer à tous les yeux se refusait à être présentée sous des formes qui la rendraient trop généralement accessible. Je me vois ainsi de plus en plus exposé au péril d'une alternative dont les deux issues seraient également fâcheuses pour moi et pour nos lecteurs. Car l'une me conduirait à leur exprimer cette découverte en termes trop techniques pour qu'ils pussent les interpréter sans préparation; et l'autre me réduirait à en remplacer l'exposition par de vains éloges, qui auraient toute l'insignifiance d'une ovation vulgaire, sans leur rien apprendre de réel. Pourtant, il ne doit pas être impossible d'échapper à ces deux extrêmes. Les symboles de la langue algébrique expriment des systèmes d'idées, rassemblées sous un signe. On peut toujours en dévoiler le sens général, et montrer chacune des conséquences logiques qui résultent de ses opérations. En joignant ces pas successifs, on verra la marche de la méthode, et l'on apercevra comment elle arrive à son but final. On devrait donc pouvoir traduire tout cela en langage ordinaire, et il ne faut pas désespérer d'y réussir à force de travail. Boileau a dit, moins justement qu'Horace :

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots, pour le dire, arrivent aisément.

Aisément est de trop1. On a trouvé dans les papiers de Lagrange cinq et six rédactions d'un même passage de la Mécanique analytique, successivement faites et refaites pour une deuxième édition de ce chefd'œuvre. Je n'ai donc pas lieu de me plaindre d'avoir reconstruit non moins de fois l'article que l'on va lire. Je voudrais persuader au lecteur qu'il m'accordera, sans trop de peine, la somme d'attention que je n'ai pas su lui épargner. Je voudrais qu'il se piquât au jeu de me comprendre, autant que je me suis piqué au jeu d'être compris.

Lorsque l'on connut assez approximativement l'ellipse d'Uranus, on calcula des éphémérides provisoires, où ses positions ultérieures étaient prédites dans cette supposition d'orbite, et les astronomes se mirent à l'observer avec continuité. Après l'avoir suivie pendant quelques années on dut songer à construire des tables plus précises de sa route, en tenant compte des perturbations que devaient lui imprimer les autres planètes anciennement connues, que l'on supposait exister seules avec elle. L'Académie des sciences proposa cette question pour le sujet du prix qu'elle devait décerner en 1790. Huit années s'étaient écoulées de'Il y a bien plus de vérité dans le passage d'Horace :

Cui lecta potenter erit res,

Nec facundia deseret hunc, nec lucidus ordo.

Horace ne parle point de facilité. Le mot non deseret indique une assistance, qui ne fait pas défaut à celui qui la recherche et la mérite par le travail.

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