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quelle que soit sa prédilection, laisse partout de côté cette prédilection. Ce n'est pas sur l'attraction, propriété supposée essentielle, que Newton raisonne, c'est sur l'attraction, fait général et fait démontré. Sa grande philosophie s'arrête au fait, à l'expérience; elle est expérimentale, et c'est pour cela qu'elle est grande.

J'ai bien souvent parlé de Descartes à propos de Fontenelle; et peutêtre n'en ai-je pas assez parlé; car, en philosophie, Fontenelle doit tout à Descartes. Il lui doit jusqu'à ce grand discernement avec lequel il juge Descartes lui-même.

«Sur quelque matière que ce soit, les anciens sont assez sujets à ne pas raisonner dans la dernière perfection. Souvent de faibles convenances, de petites similitudes, des jeux d'esprit peu solides, des discours vagues et confus, passent chez eux pour des preuves; aussi rien ne leur coûte à prouver. Mais ce qu'un ancien démontrait en se jouant donnerait, à l'heure qu'il est, bien de la peine à un moderne. Car de quelle rigueur n'est-on pas sur les raisonnements? On veut qu'ils soient intelligibles, on veut qu'ils soient justes, on veut qu'ils concluent; on aura la malignité de démêler la moindre équivoque, ou d'idées, ou de mots; on aura la dureté de condamner la chose du monde la plus ingénieuse, si elle ne va pas au fait. Avant M. Descartes on raisonnait plus commodément; les siècles passés sont bien heureux de n'avoir pas eu cet homme-là. C'est lui, à ce qu'il me semble, qui a amené cette nouvelle méthode de raisonner, beaucoup plus estimable que sa philosophie même, dont une bonne partie est fausse, ou fort incertaine, selon les propres règles qu'il nous a apprises1. »

Il dit encore: «Rien n'arrête tant le progrès des choses, rien ne borne tant les esprits, que l'admiration excessive des anciens. Parce qu'on s'était dévoué à l'autorité d'Aristote, et qu'on ne cherchait la vérité que dans ses écrits dogmatiques, et jamais dans la nature, nonseulement la philosophie n'avançait en aucune façon, mais elle était tombée dans un abîme de galimatias et d'idées inintelligibles, d'où l'on a eu toutes les peines du monde à la retirer. Aristote n'a jamais fait un vrai philosophe, mais il en a beaucoup étouffé qui le fussent devenus, s'il eût été permis. Et le mal est qu'une fantaisie de cette espèce, une fois établie parmi les hommes, en voilà pour longtemps: on sera des siècles entiers à en revenir, même après qu'on en aura reconnu le ridicule. Si l'on allait s'entêter un jour de Descartes, et le mettre à la place d'Aristote, ce serait à peu près le même inconvénient 2. >>

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D'Alembert, dans la célèbre Préface de l'Encyclopédie, loue particulièrement Fontenelle « d'avoir appris aux savants à secouer le joug du pédantisme. » Et il a raison; car ce n'est pas là un médiocre service. Les subtilités, les obscurités, les puérilités de l'École, auraient peut-être détourné pour toujours les bons esprits des vraies et solides études. Le pédantisme était le dragon qui gardait cet autre jardin des Hespérides. Fontenelle apprit au monde que le bonnet, la robe, les enrouements gagnés sur les bancs des écoles, n'étaient pas la science; et il apprit aux savants qu'ils pouvaient très-bien rester hommes d'esprit en devenant

savants.

Il peint ainsi l'ancien savant: «Il s'adressa (Lémery) à M. Glazer, alors démonstrateur de chimie au Jardin du Roi, et se mit en pension chez lui pour être à une bonne source d'expériences et d'analyses. Mais il se trouva malheureusement que M. Glazer était un vrai chimiste, plein d'idées obscures, avare de ces idées-là même, et très-peu sociable 1. » Et il peint ainsi le nouveau: «Il possédait souverainement (Dodart) les qualités d'académicien, c'est-à-dire d'un homme d'esprit qui doit vivre avec ses pareils, profiter de leurs lumières, et leur communiquer les siennes 2.» Ces deux espèces de savants sont très-différentes, et personne n'a contribué plus que Fontenelle à les rendre si différentes.

<«< On prétend, disait Basnage, que les mathématiques gâtent et dessèchent l'esprit. . . . M. de Fontenelle pourrait servir de raison pour réfuter la triste idée qu'on se fait des mathématiciens; il n'apporte point dans le monde l'air distrait et rêveur des géomètres;... il ne parle point en savant qui ne sait que les termes de l'art. Le système du monde, qui, pour un autre, serait la matière d'une dissertation dogmatique, et qu'on ne pourrait entendre qu'avec un dictionnaire, devient, entre ses mains, un badinage agréable; et, quand on a cru seulement se divertir, on se trouve quasi habile en astronomie, sans y penser 3. »

Voltaire écrit à Fontenelle, dans une lettre charmante: «Vous savez rendre aimables les choses que beaucoup d'autres philosophes rendent à peine intelligibles; et la nature devait à la France et à l'Europe un homme comme vous pour corriger les savants, et pour donner aux ignorants le goût des sciences. »

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Eloge de Lémery. Éloge de Dodart. - 'Histoire des ouvrages des savants, année 1702. Voltaire appelle Fontenelle : « Le premier des hommes dans l'art nouveau de répandre de la lumière et des grâces sur les sciences abstraites. » Et il ajoute «qu'il a été au-dessus de tous les savants qui n'ont pas eu le don de l'in

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Personne n'a eu plus que Fontenelle « cet ordre fin et adroit1» qu'il admirait dans Leibnitz; cet art, «non-seulement d'aller à la vérité, mais d'y aller par les chemins les plus courts 2;» « ces points de vue élevés d'où l'on découvre de grands pays 3; » et surtout le soin, le grand soin de démêler toujours les idées.

Un critique blâmait je ne sais quelle supposition de la Pluralité des mondes, où l'un des deux mouvements de la terre semblait oublié. Voici là-dessus ce que lui répond Fontenelle :

«Il n'y a dans une supposition, comme dans un marché, que ce qu'on y met. Je ne voulais alors expliquer qu'un seul mouvement; et, dans tout cet ouvrage, une de mes plus grandes attentions a été de démêler extrêmement les idées, pour ne pas embarrasser l'esprit des ignorants, qui étaient mes véritables marquises *. »

Je termine ici ces articles sur Fontenelle, considéré comme historien des sciences. Il y a, dans Fontenelle, l'écrivain et le philosophe. L'écrivain était connu. J'ai voulu étudier le philosophe, qui a tant contribué à faire pénétrer dans les sciences un esprit nouveau. Sous ce rapport aussi sa gloire est unique. Son bonheur fut de venir dans le temps même où de grands génies fondaient cette philosophie moderne, qui a renouvelé les sciences. Il fut le premier interprète de ces grands génies. Il apprit d'eux à penser; et, dans ce genre, la plupart des autres hommes l'ont appris de lui.

FLOURENS.

Urgeschichte UND MYTHOLOGie der PhilistAER, Histoire ancienne et Mythologie des Philistins, par M. Hitzig. Leipzig, 1845, in-8°.

DEUXIÈME ET DERNIER ARTICLE 5.

Le pays occupé par les Philistins se composait de cinq villes, qui, avec leur territoire, formaient ce que l'on appelle ordinairement les

vention.» (Siècle de Louis XIV, article Fontenelle.) Fontenelle, il est vrai, n'a fait aucune découverte dans les sciences; mais il a découvert le style qui les a répandues. Cet art nouveau dont parle Voltaire est son invention. Eloge de Leibnitz. - Éloge du marquis de l'Hôpital. — Éloge de Leibnitz. -Histoire des ouvrages des savants, par Basnage, année 1799, p. 145. — Voir, pour le premier article, le cahier de mai 1846, p. 257.

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cinq satrapies des Philistins. Les cinq villes étaient Gaza, Gath, Ascalon Aschdod ou Azote et Ekron ou Akkaron.

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Étienne de Byzance 1, à l'article de la ville d'Azote, s'exprime ainsi : C'est une ville de Palestine. Elle fut fondée par un des fugitifs qui revenaient de la mer Erythrée, et qui la nomma ainsi, parce que sa femme s'appelait Aza, mot qui désigne une chèvre. » M. Hitzig admet cette tradition, à l'appui de laquelle il aurait pu citer un fait, rapporté par saint Nil: c'est que, dans le désert du mont Sinaï, et par conséquent, peu de distance de la mer Rouge, se trouvait un lieu nommé Aze, Alé, ou, suivant la leçon du manuscrit de Séguier, produite par le père Combefis, Á?nxa. M. Hitzig fait observer que, puisqu'une ville du pays des Philistins a dû sa fondation à un personnage qui n'était pas venu du pays de Kaphtor, ce fondateur doit avoir été un Avvéen, et que les Avvéens étaient venus des bords de la mer Rouge. Mais il est, je crois, plus naturel d'admettre que le témoignage d'un écrivain aussi récent que l'abréviateur d'Étienne de Byzance ne saurait avoir aucune autorité, lorsqu'il s'agit de faits d'une date aussi reculée. Puisque l'existence des villes d'Azote, Gaza et autres, était antérieure à l'époque de Moïse, on peut donc supposer que l'hypothèse de fugitifs venus des bords de la mer Rouge, et dont un aurait été le fondateur d'Azote, ainsi que l'identité de ces fugitifs avec les Avvéens, ne reposent sur aucun fondement historique, et ne méritent, aux yeux de la critique, aucune confiance. Au reste, M. Hitzig fait observer, avec raison, que le nom Aschdod, 117, véritable dénomination de la ville philistine, appelée par les Grecs Azote, Alotos, n'offre réellement aucune analogie avec le mot Ala. Il pense que les notices données par le compilateur grec doivent s'appliquer, non pas à la ville d'Azote, mais à celle de Gaza. Et, en effet, Etienne de Byzance rapporte que cette dernière ville, qui se nommait aussi Aza, et qui, dit l'écrivain, était encore appelée ainsi par les Syriehs, tirait son nom d'Azon, fils d'Hercule. On sait que cette place portait, chez les Hébreux, la dénomination de Azza, my. M. Hitzig admet l'étymologie de ce mot, comme désignant une chèvre, suivant l'assertion de l'écrivain grec. Il repousse, avec un véritable dédain, la signification de forte, puissante, que l'on donne généralement au mot . Il se demande comment la ville de Gaza aurait été appelée la ville forte par excellence, et cela, de préférence à d'autres places, telles que celles d'Ascalon, d'Azote, dont la dernière surtout

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se rendit célèbre pour avoir soutenu un siége de vingt-neuf ans. Il assure que l'expression myy n'aurait pu être employée dans la langue hébraïque pour désigner une ville forte; qu'elle exprimerait bien plutôt une ville sauvage, féroce. Il prétend que, dans tous les passages où l'on trouve l'adjectify, ce mot ne saurait admettre le sens de fort, qu'on lui attribue ordinairement. Mais, ici, M. Hitzig me permettra d'être d'un avis complétement opposé au sien. Dans le discours que Jacob, mourant, adresse à ses fils 1, ce patriarche dit à Ruben: « Tu es mon premier né; tu étais ma force, les prémices de ma richesse; tu étais dans une position extrêmement élevée; tu étais éminemment fort; 1970 .»

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Je le demande, cette explication ne présente-t-elle pas quelque chose de tout à fait simple et naturel? Dans le livre des Juges2, Samson, proposant une énigme aux jeunes gens qui assistèrent à sa noce, leur dit, en faisant allusion au rayon de miel trouvé par lui dans la gueule du lion qu'il avait tué, pin, c'est-à-dire, «<le doux est sorti du fort. » Car c'est là le sens qu'on doit donner à l'adjectif 19. Et, en effet, chez tous les peuples du monde, le lion est regardé comme le type de la force, et non d'une férocité brutale. C'est au tigre qu'appartient cette dernière et triste prérogative. Dans le psaume xvIII, v. 18, on lit: « il me délivrera de mon ennemi puissant. » Ailleurs3, « des hommes puissants se réunissent contre moi. » Dans le prophète Amos, y by an «celui qui fait luire (tomber) la catastrophe sur l'homme puissant. » Dans le prophète Isaïe, << un roi puissant dominera sur eux. » Dans les Nombres,

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« car

ce peuple est puissant. » Le même mot s'emploie pour désigner un vent violent. Les mots y expriment des flots puissants, enflés 3. ¡y N, désignent « une colère violente 9.»>

On lit, dans un passage du livre des Nombres 10: « Les Israélites, après la défaite de Séhon, roi des Amorrhéens, s'emparent de tout le territoire qui avait été soumis à ce prince, depuis le torrent d'Arnon, jusqu'à celui de Jabbok, jusqu'à la contrée occupée par les enfants d'Ammon, » ce que l'on traduit généralement par ces mots : «< car la frontière des Ammonites était très-forte. » M. Hitzig prétend que le texte hébreu est ici altéré, et qu'il faut lire avec la version des Septante, «< car Aroër formait la frontière des Ammonites. » Mais j'avoue que je

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