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sé et non pas simple en acquisition de richesses. Passons à d'autres miracles composés.

2° Double prodige en santé. Une règle, qui nous paraît fort sage, est d'user modérément des plaisirs, afin de ménager le corps; et l'on regarde comme prodige l'avantage bien rare de conserver la santé en se vautrant dans la débauche. L'antiquité s'étonna que Néron conservât une pleine vigueur, après 18 ans d'excès habituels.

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Si cet usage immodéré des plaisirs devenait voie de santé, si celui qui s'adonnerait le plus aux jouissances quelconques devenait l'homme le plus robuste, un tel effet serait double prodige très inconcevable dans les mœurs civilisées, où chaque plaisir entraîne d'ordinaire à des excès qui compromettent la santé; tandis que dans les Séries passionnées, où il existe partout des contrepoids fondés sur la variété des jouissances, chacun gagne en vigueur, selon son activité à figurer dans les plaisirs de toute espèce.

Démontrons: l'homme qui aura parcouru dans le cours de la journée trente sortes de jouissances, aura donné à chacune environ une demi-heure; celui qui n'en aura goûté que quinze, y aura donné le double de temps, environ une heure par séance, ou deux heures s'il s'est borné à 8 plaisirs. Il est évident que le premier, bornant chaque plaisir à une demi-heure, aura beaucoup moins abusé, moins approché de l'excès que le 3a, qui aura donné deux heures à chaque séance. Quatre hommes se plaignent d'indigestion le lendemain d'un grand et long repas; on peut assurer que trois d'entre eux auraient échappé à l'indigestion, si le repas eût duré moitié moins. Les généraux d'Alexandre firent une orgie d'ivrognerie et gloutonnerie qui se prolongea pendant toute la nuit; quarante-deux d'entr'eux en moururent le lendemain: si l'orgie n'eût duré que 2 ou 3 heures, il n'en serait pas mort un seul; car on aurait évité les excès qui d'ordinaire n'ont lieu qu'à la fin du repas et dans les séances trop prolongées.

Selon ce principe, plus les plaisirs seront nombreux et frẻquemment variés, moins on risquera d'en abuser; car les plaisirs, comme les travaux, deviennent gage de santé quand on en use modérément. Un dîné d'une heure, varié par des conversations animées qui préviennent la précipitation, la gloutonnerie, sera nécessairement modéré, servant à réparer les forces qu'userait un long repas sujet aux excès, comme les grands dinés de civi→

isation, les réunions morales d'électeurs, francs-maçons,. corporations, et autres qui passent une demi-journée à table, en l'honneur de la douce fraternité. Ces longues fêtes de civilisation, ces repas et bals interminables, ne sont que pauvreté, absence de diversion et de moyens.

L'harmonie qui présentera, surtout aux gens riches, des options de plaisir d'heure en heure, et même de quart d'heure en quart d'heure, préviendra tous les excès par multiplicité de jouissances; leur succession fréquente sera un gage de modération et de santé. Dès lors chacun aura gagné en vigueur, en raison du grand nombre de ses amusements: effet opposé au mécanisme civilisé, où la classe la plus voluptueuse est partout la plus faible de corps. On ne doit pas en accuser les plaisirs, mais seulement la rareté de de plaisirs d'où naît l'excès, qui semble autoriser les moralistes à condamner la vie épicurienne : ils prèchent la modération inverse ou résistance à l'appât du plaisir; ils ignorent le régime de modération directe ou abandon à une grande variété de plaisirs contre-balancés l'un par l'autre, et garantis d'excès par leur multiplicité, leur enchaînement.

Ce n'est pas en civilisation que peut s'établir ce mécanisme; il est réservé aux Séries passionnées. Toute notre sagesse est d'ordre inverse, notamment en médecine où nous employons la sobriété, la privation spéculative, au lieu de la gastrosophie ou gourmandise équilibrée par la variété qui satisfait à la fois le goût, l'imagination et l'estomac, bien plus fort en facultés digestives, quand on le soutient par une échelle de variétés adaptées au tempérament.

L'ordre sanitaire naîtra donc de l'affluence même des plaisirs, aujourd'hui si pernicieux par l'excès que provoque leur rareté. Un tel résultat sera double prodige, ou charme composé, relati— vement à la santé. 4° Il transformera en gage de vigueur cette vie épicurienne qui, dans l'état actuel, est voie de perdition, tant de la santé que de la fortune. 2o En prodiguant aux riches ces alternats continuels de plaisirs, il transformera en voie de santé la richesse qui, aujourd'hui, n'est que voie d'affaiblissement; car la classe la plus riche est toujours la plus sujette aux maladies : témoins les gouttes, rhumatismes et autres maux qui s'acharnent sur le prélat et le ministre, et n'entrent pas dans la cabane du paysan, où d'autres maladies, comme les fièvres, ne pénètrent que par les excès de travail et non de plaisir.

3o Double prodige en économie. Je l'ai déjà énoncé : c'est la propriété qu'ont les Séries passionnées d'élever les économies en raison de la multiplicité des caprices et raffinements. Une phalange peut fabriquer vingt sortes de pain, à moins de frais qu'un seul pain qui, par sa solité d'espèce, aurait le vice de ne point exciter les rivalités cabalistiques, et qui par suite ne répandrait aucun charme sur les travaux, ne mettrait pas en jeu le levier économique d'attraction industrielle.

Au premier moment on est choqué d'entendre dire qu'il en coûttera moins de servir cinquante sortes de salades qu'une seule, de fournir des voitures de cinquante espèces que d'une seule; quelques lignes vont lever les doutes.

La phalange cultive plusieurs sortes de salade, et en reçoit chaque jour, d'autres sortes de ses voisines, selon la règle exposée (89). Elle peut donc, à un service de 1600 personnes (petits enfants déduits), fournir sept sortes de salades qui, assaisonnées chacune de 7 à 8 manières pour satisfaire tous les goûts, forment une cinquantaine de salades différenciées en qualité et préparation. Qu'on veuille, par illusion d'économie, se réduire à 3 au lieu de 50, tout le mécanisme d'attraction industrielle est renversé; plus de débats cabalistiques sur les qualités, sur les variantes d'assaisonnement; plus de ligues pour les subdivisions parcellaires, cultivant selon diverses méthodes, et variant les saveurs du légume; plus de rivalités actives avec les phalanges voisines: l'émulation tombe; la série des saladistes n'a plus de ressorts, ses produits dégénèrent, ses travaux sont dédaignés, on ne peut les soutenir que par entremise des corvéistes; et (137) il en coûtera plus cher pour avoir une mauvaise salade, que pour une option sur 50 sortes raffinées en qualités et en assaisonnement. Mème théorie s'applique aux voitures et à tout autre objet.

Nous regarderions déjà comme un prodige économique l'art de mener un train de vie fastueux, sans dépenser plus que si l'on vivait dans la médiocrité; que sera-ce de l'art de dépenser beaucoup moins dans le grand faste, que si l'on végétait dans la vie parcimonieuse. Il y aura encore dans ce résultat miracle redoublé ou composé: vingtupler, centupler les jouissances, en réduisant la dépense au-dessous de celle d'une vie monotone, d'un régime de privations.

Les miracles de mécanique sociétaire, que je borne ici au genre composé ou redoublé, s'élèveront dans diverses branches au sur

composé ou triple, et au bi-composé ou quadruple prodige(III, 486) Ces merveilles incompréhensibles, et pourtant certifiées par ceux qui auront vu la phalange, causeront sur le globe une telle stupéfaction, que tous les gens aisés voudront faire le voyage et voir de leurs yeux des effets si inconcevables: c'est ce qui garantira à la phalange d'essai un bénéfice de quarante millions sur les curieux, admis à cent francs par jour, dans le cas où elle prendra ses mesures pour opérer en pleine échelle, et étaler l'harmonie des passions dans toutes les branches qu'elle peut comporter au début.

A l'aspect de cette féerie sociétaire, de ces accords, de ces prodiges, de cet océan de délices produit par la seule attraction ou impulsion divine, on verra naître une frénésie d'enthousiasme pour Dieu, auteur d'un si bel ordre; et l'infâme civilisation perfectible sera couverte de malédictions universelles. Ses, bibliothèques politiques et morales seront conspuées, déchirées dans le premier instant de colère, et livrées aux plus vils emplois, jusqu'à ce qu'on les ait réimprimés avec la glose critique, placée en regard du texte, pour en faire la risée perpétuelle du genre humain. (Voyez IV, 477 et 560.)

Plaçons ici une remarque sur l'erreur fondamentale des sciences philosophiques, le simplisme. Elles envisagent toujours la nature et la destinée humaine en mode simple; elles s'obstinent a dissimuler le malheur social, à n'y voir qu'une disgrâce ou privation simple, quand elle est communément double, quadruple, décuple; et quand aux perspectives de bonheur moral ou politique dont elles nous leurrent, ce n'est toujours qu'un bonheur simple et trompeur, comme celui d'aimer la vertu pour elle-même, sans bénéfice, ni gloire, ni grandeurs attachées à l'exercice de cette vertu. Une telle mesquinerie ne saurait convenir à l'homme; sa destinée est le mode composé, en bonheur comme en malheur.

Il eût convenu d'ajouter à ce tableau un contraste ou parallèle des malheurs composés qui pèsent sur le civilisé : on n'en finirait pas si l'on voulait à chaque chapitre dire seulement le nécessaire (Voyez III, 194 et 555), l'ébauche de ce tableau renfermant 24

disgrâces qui accablent les civilisés pauvres. On pourra aisément

porter au double cette série des misères actuelles, effets nécessaires du régime subversif, qui produit en tous sens l'opposé des bienfaits sociétaires.

– MÉCANISME ET HARMONIES DE L'ATTRACTION. D'après l'admiration qu'excitera le mécanisme des Séries passionnées, on peut juger de l'empressement des associés, qui en recueilleront le fruit, à consentir tout sacrifice qui serait nécessaire pour assurer l'accord de répartition. J'ajoute un dernier chapitre sur cette harmonie intentionnelle dont, je le répète, on n'aura aucun besoin, car la cupidité, à elle seule, suffit pour établir l'exacte justice, quand les séries industrielles sont régu→ lièrement organisées.

CHAPITRE XXXII.

De l'accord intentionnel par les trois unités maté rielles, affectueuses et mécaniques.

L'UNITÉ est le mot le plus profané par le monde savant; convaincu qu'elle devrait être le but en mécanique sociale, mais ne sachant par quelle voie y arriver, il est borné à rêver des unités en accords sociaux, unités plus illusoires les unes que les autres, depuis celle des 3 pouvoirs, dont l'un dévore les 2 faibles, jusqu'à celle des ménages où un sexe opprime les 2 faibles.

Un des prodiges que les curieux viendront de tous les points du globe admirer dans la phalange d'essai, sera l'unité d'action, l'accord des passions abandonnées à la pleine liberté.

Ce n'est pas un accord de passions qu'un état de choses violenté, où les sbires empêchent les disputes: nous savons, par la crainte des prisons et des gibets, amener les 400 familles d'une bourgade à ne point se battre; elles ne sont pas pour cela amicales, affectueuses, unitaires; il en est de même de l'intérieur des familles où le père, au moyen du fouet et de la morale, établit un calme qui n'est point un accord passionné.

Il faudra donc, dans une phalange de 1800 personnes, que chaque individu aime passionnément tous les autres, qu'il soit porté à les soutenir de sa bourse au besoin.

Aimer tous les autres sociétaires, cela est matériellement impossible, dira-t-on, puisque chaque caractère a ses antipathiques. Répétons à ce sujet que toute assertion générale en mouvement, sous-entend l'exception d'un huitième : aimer tous les autres, parmi 1600 sociétaires au-dessus de 4 ans, c'est en aimer 1400 par affection directe, et les 200 autres par affection indirecte, par spéculation sur tels services qu'on tire d'eux. Si l'affection directe

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