: : mes et enfants, ce sera un sujet de rumeur extrême chez toute la classe industrieuse du voisinage. On ne s'entretiendra que du bien-être des débutants; toute famille d'ouvriers, d'artisans, de petits cultivateurs, ambitionnera leur poste, et quiconque aura hésité sur l'engagement, viendra le solliciter comme haute fa veur. Je suppose qu'à cette époque une aile du phalanstère sera déjà construite et habitable: on engagera donc le deuxième essaim de quatre cents personnes, dont une partie en ouvriers insructeurs, charpentiers, charrons, cordonniers, serruriers; une partie en petits cultivateurs, puis des instituteurs d'école primaire, car le régime des Séries passionnées excite bien vite le peuple et les enfants à demander l'instruction qu'ils n'acceptent que forcément en civilisation. Dans l'engagement de ce deuxième essaim, la régence aura l'option sur les bons ouvriers qui, séduits par le train de vie des sociétaires, se présenteront en nombre décuple du nécessaire, et l'on pourra choisir les meilleurs. Le noyau se trouvant porté à sept cents par cette recrue, passera de la manœuvre de dégrossissement à celle de sousapproximation, ou quart d'exercice. Alors commencera l'essai du mécanisme des séries qui ne peut pas être ébauché à moins de six cents personnes (Voyez le tableau de la phalange, chap. X, en tribus et chœurs.) La régence livrera à tous les engagés leurs trousseaux de travail et de parade; les groupes commenceront à aller au travail avec drapeaux, hymnes, fanfares. On établira aussi trois degrés pour les tables qui auront été bornées à deux espèces dans le premier essaim, plus celle de la régence. Ce ne sera qu'après cette ébauche du mécanisme sériaire qu'on pourra entrevoir les propriétés de l'attraction, sa justesse géométrique, le préservatif d'excès par alternat de plaisirs, la perfection du travail et l'ardeur industrielle croissant en raison des raffinements gastronomiques, l'amour des richesses devenant voie de vertu, l'entraînement des enfants au travail productif, l'emploi des discords en harmonie générale, et l'accord indirect des antipathies. Tous ces prodiges, dont on verra des germes sur une masse de sept cents personnes, ne pourrraient pas se manifester dans le noyau de trois cents; mais celui de sept cents et même six cents, donnera des résultats qui ne laisseront aucun doute sur la chute prochaine de la civilisation. (Voyez les détails en troisième et quatrième sections.) Alors tous les regards se fixeront sur cet embryon de l'harmonie; les actions en seront recherchées à double prix : beaucoup de gens de la classe riche demanderont à faire partie du troisième essaim, que la régence travaillera à rassembler, ou plutôt ACCEPTER. L'admission sera d'autant plus recherchée, qu'on verra déjà éclater l'une des plus belles propriétés du régime sériaire, le vingtuplement relatif de richesse, ou faculté de quadrupler le produit effectif, 4000 pour 1000, et de mener, dans la phalange, avec une somme de 4000 francs, le train de vie qui en coûterait 20000 en civilisation. L'on ne sera admis que difficilement au troisième essaim, qui devra se composer d'instituteurs, d'habiles artisans, de cultivateurs expérimentés, d'agronomes, d'artistes chargés de donner la haute éducation aux plébéiens de la phalange, et surtout aux enfants. Quant au choix à faire sur les prétendants riches ou pauvres, on devra s'attacher à diverses qualités réputées vicieuses ou inutiles en civilisation, telles sont : La justesse d'oreille musicale, et suivre diverses règles opposées aux idées philosophiques, Préférer les familles ayant peu d'enfants, Introduire un tiers de célibataires, Rechercher les caractères titrés de bizarrerie, Etablir l'échelle graduće en âges, fortunes, lumières. L'industrie sociétaire tire grand avantage de certaines facultés, comme la justesse d'oreille, que méprisent les sophistes, d'après leur principe, qui bien chante et danse, peu avance, principe très-faux en mécanique sociétaire, et surtout dans la phalange d'essai, qui avancera beaucoup si elle a un peuple très-poli, bien chantant et dansant. D'abord elle aura (je parle de la grande échelle) une somme énorme à percevoir sur les curieux payants: cette seule branche de bénéfice triplera le capital des actionnaires. On manquerait en grande partie cette récolte, si la phalange ne présentait aux curieux qu'un peuple grossier, inhabile aux évolutions matérielles : i 4 : : : de l'harmonie, et à la manœuvre de passions qui exige beaucoup de raffinement. Comme il faudra un assortiment d'ouvriers instructeurs, au moins trois en chaque métier, afin d'établir la concurrence de méthodes; si chacun de ces ouvriers, tirés de la ville, amenait une famille considérable, on aurait presque moitié de pères et enfants non habitués à l'agriculture, ce qui fausserait le mécanisme sociétaire où l'agriculture doit tenir le haut rang. Dans les crédits et comptes courants relatifs aux avances de subsistance, vêtements, logement et autres, la phalange ne connait jamais de familles, mais seulement des individus qui ont leur compte distinct. Un homme ne peut pas traiter en commun pour sa femme et ses enfants; on stipule pour chacun individuellement, sauf les enfants au-dessous de trois ans, qui sont tenus aux frais de la phalange quand ils sont de la classe pauvre. D'après cela, tout ouvrier surchargé de petits enfants recherchera l'admission; mais la régence n'acceptera d'enfants que selon les proportions convenables: je les indiquerai ailleurs. Il conviendra que la phalange, dès l'entrée du troisième essaim, ait au moins deux tiers de ses végétaux en espèces fécondes; ou devra donc faire les frais de transplanter les arbres fruitiers, encaissement du massif de terre qui contient les racines. Si Parbre est grand et qu'on ne puisse pas employer cette méthode, on suivra celle récemment publiée en Ecosse par sir Stuart, et qu opérant par déchaussement des racines, permet de transplanter avec succès les arbres de toute grandeur. Moyennant ces dispositions on ne courra pas le risque de fausser le mécanisme pendant deux ou trois ans, par des travaux ingrats et mal intrigués, comm seraient ceux de jeunes vergers qui ne passionneraient pas les groupes, tant qu'on n'y verrait pas de fruits. La phalange d'essai devra, même en échelle réduite, pourvoir au bien-être d'une centaine de salariés qu'elle s'adjoindra, les élever au demi-bonheur sociétaire par les variantes de fonctions et autres moyens, leur garantir l'admission dans les premières phalanges à fonder, ou dans la leur si elle n'est que réduite, extensible de 900 à 4800. Il faut que tout soit heureux dans cette réunion, même les animaux ; leur bien-être est une branche essentielle de l'harmonie sociétaire, et une des sources de sa richesse. Elle s'appauvrirait et fausserait son mécanisme, si elle donnait dans l'égoïsme de Platon qui, au lieu de chercher un remède aux misères de l'humanité, remerciait les dieux d'avoir échappé au malheur commun, d'être né homme et non femme, Grec et non barbare, libre et non esclave. Je reviendrai sur cet égoïsme de Platon et consorts: faut-il s'étonner qu'avec un tel caractère les philosophes aient manqué le calcul de l'attraction qui tend au bonheur de tous ? Il est aisé de prévoir que tout ouvrier, tout paysan, voudra, en entrant dans la phalange, abonner sa femme et ses enfants à des tables de degré inférieur, les placer en troisième degré, s'il s'abonne en deuxième. Il voudra aussi s'allouer tout le montant du fixe ou somme d'option accordée dans les engagements; n'en céder qu'une parcelle à la femme et aux enfants. Tels sont les tendres pères civilisés; les tendres paysans veulent tout pour eux sous prétexte de soutenir la morale douce et pure : ces tyrannies maritales et paternelles sont inadmissibles en régime sociétaire. D'ailleurs au bout d'un mois, tout sociétaire dédaignera cette rapacité civilisée, et sera assez satisfait d'être exempt de l'entretien de femme et enfants qui, par effet de l'attraction industrielle, gagneront bien plus que leurs frais. La phalange pourvue de son troisième essaim pourra s'élever à la grande approximation ou demi exercice qui exige 1300 personnes. Alors commenceront les opérations de haute harmonie, comme l'éducation attrayante ou naturelle qui n'aura pu être qu'ébauchée dans le quart d'exercice borné à 700 per sonnes. L'éducation naturelle (troisième section) sera ła plus puissante amorce pour la classe opulente: on sera convaincu, après avoir vu les enfants de la phalange, qu'un monarque même ne peut pas, avec ses trésors et ses gouverneurs salariés, donner à ses enfants le quart des développements matériels et intellectuels que recevra le plus pauvre enfant de la phalange. D'après cela, tous les gens riches qui auront des héritiers précieux à conserver, se disputeront l'admission dans les deux derniers essaims numéros quatre et cinq, ou demanderont à y introduire leurs enfants, sauf une prise d'action au cours qui sera déjà triple du capital primitif. J'ai dit (40) que la propriété la plus saillante de l'éducation harmonienne est de développer dès le bas âge de trois à quatre ans une vingtaine de vocations industrielles, même chez l'enfant qui serait dans les ménages civilisés un paresseux obstiné; et d'élever cet enfant au goût des sciences et des arts, au raffinement : matériel et intellectuel, sans autre précaution que de l'abandonner à l'attraction, à la nature, à toutes ses fantaisies (Voyez troisième et quatrième sections) : un enfant élevé dès sa naissance dans les Séries passionnées serait à quatre ans bien plus avancé en vigueur qu'un civilisé de six ans, et plus avancé en intelligence que la plupart des enfants de dix ans. -Pour donner du lustre à ces propriétés de la méthode naturelle, il faudra réserver des places aux enfants extérieurs que les princes et les grands offriront en foule. On devra donc éviter d'admettre dans les trois premiers essaims des plébéiens chargés de famille, qui causeraient encombrement d'enfants. Il suffira qu'on ait assez pour organiser en âge de cinq à treize ans les manœuvres chorégraphiques à 144 des deux sexes avec leurs chefs, soit 160. Or, le nombre d'enfants de 5 à 13 s'élèverait à 220 au moins sur 1300 individus de familles civilisées. On pourra donc réduire la proportion naturelle d'enfants sur les trois premiers essaims, et admettre des enfants à pension qui seront très offerts. Je suppose que le troisième essaim aura été admis au com mencement de l'automne; les 1300 sociétaires auront pu former pendant l'hiver assez de liens pour se déployer d'une manière brillante au printemps, lorsque la phalange songera à enrôler son complet numérique, ses derniers essaims quatrième et cinquième, à l'effet de frapper le grand coup, et déterminer en six semaines de plein exercice, l'abandon et la clôture de la civilisation. Déjà elle aura été condamnée de toutes voix; mais comme l'hiver de demi exercice sera sujet aux calmes de passions, par absence des deux classes supérieures, ce sera après leur entrée qu'on la verra confondue honteusement et bafouée par ses plus obstinés défen scurs. Négligeons les détails d'installation de ces quatrième et cinquième essaims, puisqu'on se bornera à une petite phalange de trois essaims seulement. Elle suffira déjà pour attirer une foule immense de curieux payants qui viendront de toute part s'assurer s'il est vrai que la destinée de l'homme, la mécanique sociétaire des passsions est découverte, que la loi naturelle va succéder aux visions morales tendant à réprimer, modérer et changer la nature, substituer aux lumières de Dieu, les lumières de Caton et Target. |