ODE VII. AUX ROMAINS. Ou courez-vous, cruels? Quoi! votre glaive impie Est encore altéré dę sang? Sur la terre et les flots, de la triste Italie " Si c'eût été du moins pour détruire à Carthage: Les lions et les loups ont moins de barbarie; C'en est fait! aux Romains l'antique fratricide : 4 [NOTES 1 V. 3. « N'y a t-il eu que peu de sang latin répandu dans les plaines et dans l'empire de Neptune. >> Le sang latin versé sur la mer ne peut s'entendre que de la guerre contre Sextus Pompée, la première des guerres civiles où les Romains combattirent sur cet élément. Dacier, qui a soutenu, contre Masson, que notre Ode datoit du commencement de cette guerre, n'a pas fait assez d'attention aux vers précédens; ils annoncent que le poète écrit après un assez long intervalle de paix el 68. Il est impossible de parler dans nos vers de la voie sacrée al 17-20. Ces vers sont remarquables. On y voit que les anciens regardoient les fautes des pères comme une source de malheurs pour les enfans, et qu'ils faisoient remonter très-haut cette solidarité des enfans punis des crimes de leurs pères. Dacier remarque que Virgile (Georg., 1, 502) attribue les malheurs de Rome au parjure de Laomédon. Horace ne remonte qu'à Rémus, ce qui devoit toucher plus sensiblement ses compatriotes. Le nostre alled DACIER a raison: cette Ode et la douzième Quid tibi vis ne sauroient être dangereuses pour les mœurs : elles sont obscènes, mais dégoûtantes, et rien n'est moins propre à inspirer la volupté que le dégoût. Ce n'est donc point comme immorales que je les supprime dans ma traduction, mais parce que notre goût et notre délicatesse repoussent avec raison de semblables nudités. Horace, encore très-jeune, a fort bien pu, dans une débauche d'imagination, s'amuser à tracer deux caricatures dont peut-être les originaux n'existèrent jamais; mais lorsque le temps les lui montra sous leur véritable jour, il les jugea indignes d'entrer dans le recueil de ses poésies lyriques; et ce n'est point à un Français à les traduire dans l'âge où un Romain les condamna. D Torrentius cite une glose manuscrite qui donne le nom de Gratidie à la vieille qu'Horace insulte dans ce morceau. Une glose semblable se trouve dans un Ms. d'Oberlin et dans plusieurs des miens (Α, γ, H, I, V). On a prétendu en conclure que cette femme est la même dont il est question dans l'Ode 16 du premier Livre, et que les ïambes qu'Horace offre de lui sacrifier sont précisément l'Ode qui nous occupe. Mais cette conclusion est tout-à-fait gratuite. Horace adresse cette Ode 16 du premier Livre à une jeune personne plus belle encore que sa mère, qui cependant étoit fort belle: Omatre pulchra filia pulchrior! et par conséquent, les ïambes dont il y fait mention, qu'ils fussent dirigés contre la mère ou contre la fille, ne pouvoient faire ni de l'une ni de l'autre le dégotitant portrait que l'on trouve dans ceux-ci. Dacier s'y prend d'une autre manière pour combattre cette même conclusion : il observe que Gratidie n'étoit point de qualité, au lieu que la vieille dont il est ici question comptoit des préteurs et des consuls parmi ses ancêtres. Il est au reste impossible de dire pourquoi les anciens annotateurs ont donné ce nom de Gratidie, et à la vieille de notre Ode, et à la mère de Tyndaris, et à la sorcière Canidie. (J'ai déjà réfuté cette dernière opinion, T. I, p. 336 et suivantes) Torrentius, après avoir transcrit les épithètes que les annotateurs lui donnent, libidinosa, putida, prostituta, cujus vitia corporis (poeta) detestatur, s'écrie plaisamment : Usque adeo misera illa Gratidia grammaticis exosa est! tant cette pauvre Gratidie fut haïe des grammairiens! et cela est d'autant plus plaisant en effet que son nom ne se trouve pas une seule fois dans tout Horace. Dacier a non seulement traduit cette Ode, en y laissant toutefois quelques lacunes, mais il l'a commentée, et se flatte d'avoir fait entendre tout ce qu'il y a de plus difficile sans choquer la modestie et sans s'éloigner de la hienséance. Je ne me sens ni disposé à en faire autant ni en état d'y réussir, et je renvoie les lecteurs curieux à ses remarques. Les miennes seront peu nombreuses et n'expliqueront point ce que Quintilien ne vouloit pas expliquer: Horatium in quibusdam nolim interpretari. |