A ces mots renonçant à prier davantage, << Monstres! vos charmes souverains << Des lois peuvent (dit-il) renverser les barrières, << Mais ne changent point les destins. « Mes vœux vous poursuivront, et contre mes prières « Vos sacrifices seront vains. « Que dis-je? après ma mort, fruit de vos sortiléges, << Sortant de la nuit des tombeaux, « Je saurai contre vous user des priviléges << Accordés aux Dieux infernaux; « J'irai vous déchirer de l'ongle des furies, « Des plus sombres terreurs sans relâche assaillies, « Des vautours, après le trépas, « Des loups de l'Esquilin vous serez la pâture: « Et puissent mes tristes parens, « De me survivre, hélas! quand leur amour murmure, • « Jouir au moins de vos tourmens! » NOTES. V. 7. La pourpre dont se réclame cet enfant, désigue la robe prétexte ou bordée de pourpre que portoient en effet les enfans de condition libre, avant de prendre la robe virile. Cette distinction, qui paroît avoir été long-temps réservée aux enfans des patriciens, avoit pour but d'inspirer du respect pour leur personne et de la rendre sacrée, en quelque manière, comme celle des magistrats. On a fort bien remarqué qu'Horace a voulu rendre Canidie encore plus odieuse par le choix de la victime qu'elle immole à ses passions. 12. Par insignia le poète entend, outre la robe prétexte, le petit bijou d'or ou d'argent que les enfans de famille portoient suspendu au col. Ce bijou se nommoit bulla; il avoit la forme d'un cœur selon Macrobe, et d'une goutte d'eau selon Plutarque; deux opinions qui peuvent se concilier. Il étoit de cuir pour les enfans de basse paissance. (Vid, Macrob. Saturn., I, 6.) 15. Horace donne aux vipères, dont Canidie avoit ceint sa tête hérissée (incomtum caput), l'épithète de courtes (brevibus viperis), parce que, selon les interprètes modernes, les petites vipères sont les plus méchantes. J'aimerois mieux croire avec Porphyrion que cette épithète étoit donnée en général aux vipères, parce que c'est un des plus petits serpens. 17. Le figuier sauvage, caprificus, croissoit spontanément dans les lieux consacrés aux sépultures; sa stérilité l'avoit fait ranger parmi les arbres malheureux, 19-20. Tous les interprètes suivent l'explication d'Acron qui voit un crapaud, rubeta, dans le mot rana qui proprement désigne la grenouille. On ne sait pas précisément ce que c'est que la strix, mais il est sûr que c'étoit un oiseau de nuit. 21. L'Ibérie ne désigne point ici l'Espagne, mais la contrée de ce nom située entre l'Arménie et la Colchide. Dacier observe que plusieurs savans ont voulu lire: 1 Herbasque quas et Colchos atque Iberia, afin de rapprocher l'Ibérie de la Colchide dans ce vers, comme elles le sont dans la réalité. Le plus grand nombre de mes Mss. favorise en effet cette leçon: mais notre académicien remarque très - bien qu'en nommant ces deux contrées, Horace n'auroit indiqué pour ainsi dire que les mêmes lieux. Iolcos, au contraire, est en Thessalie, pays également célèbre dans l'histoire des enchantemeus, et le poète, en le nommant avec l'Ibérie, montre que Canidie, comme tous les charlatans de son espèce, rassembloit des pays les plus éloignés les uns des autres les ingrédiens nécessaires à ses conjurations. Ajoutons que Colchos, dans le vers 21, seroit bien près de Colchicis dans le vers 24; qu'Iolcos se trouve dans les meilleurs Mss. connus, et dans deux des miens A et y; que les copistes ont pu substituer à ce nom peu connu celui de Colchos qui l'est davantage, et qu'ils auroient moins facilement changé Colchos en Iolcos. 24. Voyez la note renvoyée à la fin du volume. 25. Dans le commentaire publié sous le nom d'Acron, on dit que Sagane étoit la femme d'un sénateur, ce qui n'est nullement probable. 26. Il n'est pas nécessaire de prendre à la lettre Avernales aquas, et de supposer que ces eaux avoient été réellement puisées dans le lac Averne. Cette expression revient à celle de Virgile (Æneid., Lib. IV, v. 512. Latices simulatos Averni. 28. L'Echinus marinus, que Dacier et Sanadon nomment, par une traduction littérale, le hérisson de mer, est aujourd'hui très-connu dans la Méditerranée sous le nom d'oursin; la chair de ce coquillage est comme autrefois très - estimée des gourmets.Bentley adopte la conjecture de N. Heinsius: Laurens aper; tous mes Mss. portent currens. M. Féa prouve très-bien que tous les sangliers peuvent hérisser leurs soies en courant sur leur ennemi comme en l'attendant, 37. Il y a plusieurs manières d'écrire le premier mot de ce vers, exusta, exsecta, exsucta, exserta. Bentley a préféré la conjecture de N. Heiusius exesa; je m'en tiens à la leçon exsecta approuvée par Gessner, et qui a pour elle la majorité de mes Mss. (Voyez les Variantes.) M. Féa lit exsueca, d'après Cuningam et Sanadon, mais il ne cite qu'un Ms. de Valart, Codex regius, 7977, et Valart a eu grand tort de l'indiquer contre sa coutume d'une manière aussi précise. C'est celui que je désigne par la lettre I, dont la leçon est exsucta. 41. Les difficultés qu'offrent tous ces détails m'ont obligé à prendre ici une liberté assez grande. Horace ne dit point que Folia arriva la dernière au rendez-vous, mais qu'elle n'y manqua pas, non defuisse. Je puis cependant alléguer que cette expression, et le mot hic qui commence le vers 47, peuvent faire entendre que Canidie attendoit Folia pour commencer ses conjurations. 43. Il est inutile de supposer une intention particulière à Horace dans l'épithète otiosa, qui étoit propre à la ville de Naples. Cette remarque me servira d'excuse pour l'avoir omise, 45. L'épithète Thessala revient ici à celle de magica. 47-48. Dacier traduit: « Canidie, en rongeant avec ses vilaines dents son pouce bordé d'un ongle qui n'avoit jamais été coupé. » Cette prose est exacte, mais j'ai tâché d'inspirer dans mes vers plus d'horreur et moins de dégoût. 55-72. Voyez, sur l'ensemble de ce passage difficile, la note renvoyée à la fin du volume. 55. Quelques éditeurs lisent formidolosis, et le rapportent à silvis; j'ai conservé formidolosa, leçon qui prévaut dans les Mss. et dans les éditions vulgaires. Ce sera même la seule à recevoir, si l'on adopte, comme je l'ai fait, l'opinion de M. Féa qui, après avoir observé que formidolosus peut signifier également celui qui craint et celui qui se fait craindre, préfère ici le premier sens. Ce sont en effet les animaux timides qui passent les nuits dans le sommeil; les bêtes féroces, au contraire, telles que les loups, emploient ce temps à chercher leur proie. Or, on peut dire des animaux craintifs, et non des forêts craintives. 63. Plusieurs de mes Mss. lisent superba. (Voyez les Variantes.) Cette leçon n'est pas nouvelle. 69. Mon Ms. P porte En dormit. 76. Les Marses étoient renommés en Italie pour leur habileté dans l'état des enchantemens, comme les Thessaliens l'étoient dans la Grèce. 87-88. Voyez, sur ce passage difficile, la note renvoyée à la fin du volume. 89. Diræ est un terme propre dont nous n'avons pas d'équivalent : imprécation est celui qui en approche le plus; mais quel effet produiroit-il dans la poésie lyrique, surtout lorsqu'il s'agit d'imiter autant qu'on le peut la rapidité des ïambes? 93-94. Aux ongles recourbés (curvis unguibus) j'ai substitué l'ongle *des furies. L'expression d'Horace est du goût ancien, qui veut toujours peindre; la mienne est du goût moderne, qui ne cherche qu'à frapper l'imagination. Je ne serois pas excusable si j'avois fait trop souvent de ces substitutions. Dacier voit un miracle dans ces vers; savoir, que des ombres puissent avoir des ongles. J'aime mieux l'explication de M. Mitscherlich; il rapporte vis à la puissance, au privilége qu'ont les morts de poursuivre leurs ennemis vivans. 00 60 100. Le Mont-Esquilin étoit la plus grande des sept montagnes renfermées dans l'enceinte de Rome; c'est dans ce quartier que l'on enterroit les pauvres,, les esclaves, et que l'on jetoit les corps des eriminels. (Voy. la Satire & du Liv. I.) ODE VI. ARGUMENT. PLINE, Tacite, Sénèque et Quintilien parlent d'un orateur nommé Cassius Sévérus, qui attaquoit devant les tribunaux et diffamoit dans ses écrits les personnages les plus distingués de son temps; il n'épargnoit même pas les amis et les parens d'Auguste. Ce prince l'exila dans l'île de Crète, et Tibère à Sériphe, petite île de l'Archipel, où il mourut. On a cru longtemps, sur la foi d'Acron, du scholiaste de Cruquius et de quelques Mss., que ce Cassius étoit le personnage attaqué dans l'Ode qui nous occupe: mais Gessner en a douté, et selon moi avec raison. Ce n'étoit point à l'homme qui déclaroit la guerre aux familles les plus puissantes, et qui fut banni pour son audace, qu'Horace auroit reproché de la lâcheté (v.2); ce n'est point à lui qu'il auroit dit que la moindre offrande calmoit sa colère (v. 9-10). Ajoutons à ces raisons de Gessner, qu'Acron et un grand nombre de Mss. traitent de poète médisant (poetam maledicum) le personnage qui figure dans cette Ode, et qu'aucun des auteurs cités plus haut ne donne à Cassius Sévérus cette qualité. Quintilien, Sénèque et l'auteur du dialogue de Causis corruptæ eloquentiæ parlent au long de ses talens d'orateur; aucun ne dit qu'il ait été poète; et si la chose en valoit la peine, on trouveroit, je crois, dans Sénèque, le moyen de prouver qu'il ne le fut pas. (Excerpt. Controv. ex Lib. III, p. 347, ed. Elz. 1640.)10 201 Il me paroît donc plus convenable de se résoudre à ignorer le nom d'un personnage, qu'Horace n'a point voulu nommer, ou de supposer que l'Ode est adressée à q quelque mauvais poète nommé Cassius. Ce nom n'étoit pas rare à à Rome, non plus que la manie de faire de mauvais vers. Cette pièce ne peut être que de la jeunesse de l'auteur. vidub & salemmis 291 03 |