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ODE V.

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ARGUMENT.

Si toutes les Odes de notre poète ressembloient à cette pièce et à la dix-septième de ce Livre, je doute qu'il eût trouvé beaucoup de traducteurs. En général, quelles que soient les difficultés qu'il oppose à ses interprètes, le plaisir que l'on éprouve à se pénétrer de ses sentimens, à le suivre dans son vol lyrique, à rendre, ne fût-ce que foiblement, une foible partie de ses beautés, sont des amorces séduisantes pour quiconque n'est pas insensible aux charmes de la poésie, de la raison et de la vertu. Ici, c'est tout autre chose; les difficultés sont plus rebelles que jamais à toute l'adresse du traducteur, et il n'a plus rien pour le soutenir dans la tâche pénible qu'il s'est imposée. L'Ode qu'on va lire n'est point un de ces essais majestueux où le prince des lyriques latins s'élève à la hauteur de Pindare il n'y développe ni sa philosophie désintéressée et courageuse, ni son amour pour la vertu, ni son attachement à ses amis et à sa patrie. Il ne nous offre pas, comme dans les productions de sa jeunesse, les tableaux rians des plaisirs de cet âge, rehaussés encore par les ombres qu'il y jette, en rappelant l'idée de la mort. On ne retrouve même point ici le moraliste sévère qui gourmande les vices de ses contemporains. L'Ode n'est qu'une satyre personnelle dirigée contre des femmes obscures et méprisables; et cette satyre sanglante est sans finesse et sans gaîté. Il n'y a qu'une seule manière de la considérer qui puisse la rendre intéressante ; c'est d'y voir une espèce de drame tragique où l'auteur a entrepris d'exciter en nous la terreur et la pitié. Il est même très-probable qu'il sut produire cet effet sur la plupart de ses contemporains; car on peut croire que le crime affreux qu'il

raconte dans tous ses détails, avoit été commis par quelque sorcière, ou que du moins ces atroces sortiléges n'étant point alors sans exemple, chacun pouvoit se figurer un pareil sort, comme pouvant atteindre ses propres enfans, et s'attendrir par conséquent aux plaintes de celui que notre poète met en scène. Sous ce point de vue, on peut admirer également les deux parties de cette Ode: dans ce qu'elle a de dramatique, le caractère des personnages est parfaitement conservé; dans ce qu'elle a de pittoresque, et si l'on peut dire de technique, Horace a vaincu en maître les plus grandes difficultés. Le traducteur ne se flatte point d'avoir été aussi heureux que son modèle. Mais, fût-il parvenu à faire l'impossible, c'est-à-dire à l'égaler, il ne pourroit espérer que sa traduction produira sur ses lecteurs les mêmes impressions que les contemporains purent recevoir de l'Ode originale. Il y a encore aujourd'hui quelques misérables sorcières, mais elles ne peuvent trouver des dupes que dans les dernières classes du peuple, et l'on ne les voit plus employer dans leurs sortiléges d'aussi horribles ingrédiens. Ajoutons que tous les détails des apprêts de Canidie, qui pouvoient occuper, à un certain point, l'attention des Romains du siècle d'Auguste, ne présentent plus guère à nos yeux qu'une fastidieuse énumération.

Je ne ferai point ici l'analyse de cette pièce: elle se développe de la manière la plus claire dans son ensemble, et les intentions de l'auteur n'ont rien de douteux. Dans les détails, au contraire, elle offre des difficultés que personne encore n'a pu résoudre, et sur lesquelles je dirai mon sentiment dans les notes, sans prétendre à les éclaircir entièrement.

Sans vouloir assigner une date précise à cette Ode, on peut croire qu'elle appartient à la jeunesse de l'auteur. Canidie, qui y joue le principal rôle, ne pouvoit être, d'après tous les traits dont il la peint, non seulement dans ce morceau, mais dans les ïambes qui terminent ce Livre, et dans la satyre 8 du Livre I, qu'une courtisane surannée dont il avoit dédaigné les attraits flétris. Canidie avoit eu recours sans doute aux vaines ressources de la magie pour vaincre son indifférence et

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ses mépris. La satire 8 du Livre I paroît en être la preuve, lorsqu'on la rapproche des ïambes dont nous venons de parler, et dans lesquels le poète feint de chanter la palinodie. L'Ode qui nous occupe n'a, il est vrai, aucun rapport à cette passion malheureuse de Canidie pour Horace; car le philtre qu'elle y compose est destiné à un vieillard nommé Varus, et le ton que le poète y prend diffère absolument de celui qui règné dans les deux autres pièces; mais il n'est point à présumer qu'Horace se fût occupé d'un pareil personnage à deux époques différentes de sa vie, et l'on doit croire ques tout ce qu'il a écrit contre elle est à peu près du même temps, waloob Nous avons prouvé, dans la note sur Tyndaris (Thy p. 336 et suiv.), que, malgré la glose dun séholiaste de Cruquius, qui se retrouve en tout ou en partie dans plusieurs de mes Mss., Canidie étoit bien le véritable nom de la coura tisane qui parle dans cette pièce, et que ce nom ne couvre point celui de Gratidie qui appartiendroit plutôt à Tyndaris. On ne sait des trois magiciennes qui vont figurer avec Canidie que ce qu'Horace nous en dit. Veïa et Folia ne paroissent point dans ses autres poésies: Sagane seule joue un rôle dans la satire 8 du Livre I, dont un passage permet de supposer qu'elle étoit plus vieille que Canidie. Quant au vieillard Varus nous avons dit, dans l'argument de l'Ode 18 du premier Livre, qu'il ne faut pas le confondre avec le personnage à qui elle est adressée. Baxter apprête à rire Forsqu'il prétend qu'Horace se désigne lui-même sous ce nom. Le Varus dont Canidie veut se faire aimer étoit probablement un homme fort riche, mais d'ailleurs tout-à-fait obscur. Un Ms. d'Oberlin et deux des miens (voyez les Variantes) peuvent faire croire qu'il se nommoit Alfius Varus; il seroit possible alors qu'il eût quelque rapport avec l'usurier Alfius de l'Ode deuxième ( Beatus ille). 1 o vogt

Le mètre est encore le même que dans l'Ode première dé ce Livre. J'ai fait douze vers de plus que mon auteur: 1 Aus gluch e 162 2196095% μg hors sibins? 21 17 2*p***

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ODE V.

IN CANIDIAM.

« AT, o Deorum quicquid in cœlo regit << Terras et humanum genus,

« Quid iste fert tumultus? et quid omnium « Vultus in unum me truces ?

« Per liberos te (si vocata partubus

« Lucina veris adfuit)

« Per hoc inane purpuræ decus, precor,

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<< Per improbaturum hæc Jovem,

Quid ut noverca me intueris, aut uti << Petita ferro bellua ?»>

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Ut hæc trementi questus ore constitit,
Insignibus raptis puer,

Impube corpus, quale posset impia
Mollire Thracum pectora,

Canidia brevibus implicata viperis

Crines et incomtum caput,
Jubet sepulcris caprificos erutas,
Jubet cupressos funebres,
Et uncta turpis ova ranæ sanguine
Plumamque nocturnæ strigis,
Herbasque quas Iolcos atque Iberia
Mittit, venenorum ferax,

Et ossa ab ore rapta jejunæ canis
Flammis aduri Colchicis.

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ODE V.

CONTRE CANIDIE.

<< DIEUX puissans! O vous tous qui des voûtes célestes « A l'univers donnez la loi,

« Que veulent ces apprêts et ces regards funestes <«<< Qui tous ne 'menacent que moi?

« Et toi dont le pouvoir commande à ces cruelles, « Au nom de tes enfans chéris,

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(S'il est vrai que Lucine à des couches réelles << Se vit appeler par tes cris),

<«< Au nom de cette pourpre, égide, hélas! trop vaine, « Au nom de Jupiter vengeur!

« Pourquoi me regarder en marâtre inhumaine, «En tigre atteint le chasseur? »>

par

Dépouillé des habits, des bijoux de son âge,
Ainsi parloit un noble enfant

Dont les tendres appas auroient calmé la rage
Du Thrace et du Gete sanglant.

Mais il gémit en vain : l'immonde Canidie,
Le front ceint de serpens hideux,

Veut qu'on jette à l'instant dans une flamme impie,
Qu'on livre à de magiques feux
Le funèbre cyprès et le figuier stérile
Arrachés parmi les tombeaux,

Les herbes, les poisons que l'Ibère distille,
Tous ceux que prépare Iolcos,
Les plumes et les œufs de l'effraie odieuse
Dans le sang du crapaud plongés,
Et les os qu'à sa faim là chienne furieuse
Vit soustraire à demi rongés.

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