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Je vais préfentement indiquer en peu de mots, les avantages de cette nouvelle Edition fur celle de 1743. Plus agréable au Public, par cela même qu'elle fera dégagée de ce fatras de Notes triviales & enfantines dont celle-ci avoit été embrouillée, elle plaira davantage encore par la beauté du caractére, & par des Estampes deffinées & gravées avec beaucoup de délicatesse, qui font voir à l'œil le fujet des Fables de la Fontaine, lefquelles charmeront toujours l'efprit des Lecteurs, par la noble fimplicité & le tour inimitable dont elles font écrites.

Quoique l'Edition de 1743. imprimée d'après les (1) meilleures qui ayent paru du vivant de La Fontaine, ait été très-bien reçue du Public, j'ofe dire que celle-ci à qui elle a fervi de copie, lui eft fuperieure, parce que j'ai épuré de quelques fautes d'impreffion affez confidérables l'Exemplaire qui a été mis entre les mains du Compofiteur, & que j'y ai rectifié la ponctuation en plufieurs endroits; réparation dont bien des Lecteurs profiteront fans s'en appercevoir.

On trouvera d'ailleurs dans cette Edition plufieurs Notes toutes nouvelles, qui m'ont paru néceffaires. Sans m'arrêter ici à faire voir de quelle importance elles peuvent être, ce que je dois laiffer au jugement du Public, je conclus de ces petits avantages que cette Edition a gagné fur celle de 1743. qu'elle pourra fort bien fervir de modéle à

(1) Savoir, celle qui fut im- | primée in-quarto en 1668. une autre, in-douze, publiée en 1678.

un petit volume publié en 1694. qui contient LES FABLES dont eft compofé le DOUZIE'ME LIVRE,

toutes celles qu'on fera à l'avenir, pourvû qu'on veuille bien prendre la peine de l'accompagner d'un bon Errata.

Nul Livre dont on fait plufieurs Editions, ne peut être confervé dans fa pureté originale fans cette précaution, qui ne peut être trop fortement recommandée, & que j'indique ici aux Libraires en faveur des Fables de La Fontaine. Car comme il échappe toujours de nouvelles fautes dans la nouvelle Edition d'un Livre (ce que tout correcteur reconnoît fans peine, & dont tout Lecteur attentif eft aisément convaincu ) il eft impoffible qu'un Livre ne foit infenfiblement défiguré par les Editions qu'on continue d'en faire, fi l'on néglige d'en marquer conftamment les fautes dans un Errata fort exact. Il en eft d'un bon Errata, comme des Digues de la Hollande. Ces Digues bien entretenues, empêchent que la Hollande ne foit fubmergée. Un Errata exact empêche de même qu'un bon Livre ne foit gâté par les fautes qui s'y gliffent nécessairement toutes les fois qu'on l'imprime, & qu'enfin il n'en foit inondé, jufqu'à devenir le jouet & le mépris de ceux qui fans cela l'auroient acheté avec empreffement.

Une autre chofe dont je me crois obligé d'avertir encore le Public, c'eft que cette Edition ayant été compofée d'après les trois Editions que je viens d'indiquer (les meilleures fans doute qui ayent paru du vivant de La Fontaine ) elle est par cela même fort au-deffus de celles qui paroiffent depuis long-temps, où l'on a inféré des Piéces qui ne fe trouvent point dans le dernier volume des Fables, imprimé en 1694,

un an avant la mort de La Fontaine. Car ces Piéces y ayant été introduites quelque temps après, fans la moindre formalité qui tendît à en autoriser l'introduction, l'on n'auroit pas dû les inférer parmi les Fables de la Fontaine, fuppofé même qu'elles euffent été auffi dignes de leur être affociées, qu'elles en font visiblement indignes, comme il feroit aifé de le prouver, fi c'en étoit ici le lieu.

A Paris le 10 Janvier 1746.
COSTE.

J'A

APPROBATIO N.

'AI lû, par l'ordre de Monfeigneur le Chancelier, les Fables choifies, mifes en Vers par M. de la Fontaine, avec un Commentaire par M. Cofte. Je n'y ai rien trouvé qui ne foutienne parfaitement la réputa→ tion que M. Cofte, ce célébre Ecrivain, s'eft acquife dans la République des Lettres, par fes favantes Traductions, & par les judicieuses Remarques dont il les a accompagnées. A Paris ce 2. Octobre 1742. DANCHET.

PREFACE.

'Indulgence que l'on a eûe pour quelques-unes de mes Fables, me donne lieu d'efperer la même grace pour ce Recueil. Ce n'est pas (1) qu'un des Maîtres de notre Eloquence n'ait défapprouvé le deffein de les mettre en Vers. Il a cru que leur principal ornement eft de n'en avoir aucun : que d'ailleurs la contrainte de la Poëfie, jointe à la sévérité de notre langue, m'embarrafferoient en beaucoup d'endroits, & banniroient de la plûpart de ces récits la bréveté, qu'on peut fort bien appeller l'ame du Conte, puifque fans elle il faut nécessairement qu'il languiffe. Cette opinion ne fauroit partir que d'un homme d'excellent goût : je demanderois feulement qu'il en relâchât quelque peu, & qu'il crût que les Graces Lacédémoniennes ne font pas tellement ennemies des Mufes Françoifes, que l'on ne puiffe fouvent les faire marcher de compagnie.

Après tout, je n'ai entrepris la chofe que fur l'éxemple, je ne veux pas dire des Anciens, qui ne tire point à conféquence pour moi, mais fur celui des Modernes. C'eft de tout temps, & chez tous les peuples qui font profeffion de Poëfie, que le Parnaffe a jugé ceci de fon appanage. A peine les Fables qu'on attribue à Esope, virent le jour, que Socrate trouva à propos de les habiller des livrées

(1) Patru, célébre Avocat au Parlement de Paris, & Membre de l'Académie Françoise,

des Muses. Ce que Platon en rapporte est si agréable, que je ne puis m'empêcher d'en faire un des ornemens de cette Préface. Il dit que Socrate étant condamné au dernier fupplice, l'on remit l'exécution de l'arrêt à caufe de certaines fêtes. Cébès l'alla voir le jour de fa mort. Socrate lui dit, que les Dieux l'avoient averti plufieurs fois pendant fon fommeil, qu'il devoit s'appliquer à la Mufique avant qu'il mourût. Il n'avoit pas entendu d'abord ce que ce fonge fignifioit: car comme la Mufique ne rend pas l'homme meilleur, à quoi bon s'y attacher? Il falloit qu'il y eût du myftére là-deffous ; d'autant plus que les Dieux ne fe laffoient point de lui envoyer la même inspiration. Elle lui étoit encore venue une de ces fêtes. Si bien qu'en fongeant aux chofes que le Ciel pouvoit exiger de lui, il s'étoit avifé que la Mufique & la Poëfie ont tant de rapport, que poffible étoit-ce de la derniére qu'il s'agiffoit. Il n'y a point de bonne Poëfie fans harmonie; mais il n'y en a point non plus fans fictions; & Socrate ne favoit que dire la vérité. Enfin il avoit trouvé un tempérament. C'étoit de choifir des Fables qui continssent quelque chofe de véritable, telles que font celles d'Esope. Il employa donc à les mettre en Vers les derniers momens de fa vie.

Socrate n'eft pas le fenl qui ait confidéré comme fœurs, la Poëfie & nos Fables. Phédre a témoigné qu'il étoit de ce fentiment; & par l'excellence de fon ouvrage, nous pouvons juger de celui du Prince des Philofophes. Après Phédre, Aviénus a traité le même fujet. Enfin, les Modernes les ont fuivis.

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