Obrazy na stronie
PDF
ePub

Vrai langage des Dieux, tes chants sont l'ambroisie!
Rendras-tu, Praxitèle, un si charmant objet?
Non: ton art s'épouvante, et ton ciseau se tait.
Viens, saisis, Titien, ta palette magique;

Prends ton pinceau moëlleux, éloquent, énergique;
Aux tissus les plus fins, aux plus beaux ornemens,
Unis l'éclat de l'or, le feu des diamans;

Tes efforts seront vains; et jamais la Peinture pourra de Vénus égaler la ceinture.

Ne

Et

que

Le poète à son tour doit savoir éviter
Des effets que le peintre a le don d'imiter.
Ah! pour mêler deux arts, une ignorante audace
Invoquerait en vain l'autorité d'Horace :
Horace les compare, et ne les confond pas.
Je dirai leurs rapports; mais allons pas à pas;
des lois du goût le goût soit l'interprète.
Oui, le poète est peintre, et le peintre est poète.
Corneille, dans ses vers, nous peint de grands tableaux;
Et Poussin, pense, écrit, parle avec ses pinceaux.
Pour traiter cependant les sujets qu'ils choisissent,
Aux moyens de leur art tous deux s'assujettissent;
Le chemin seul diffère, et tous deux vont au but.
Poussin, qui parle aux yeux, ne peint pas Qu'il mourut!
Du théâtre français le fondateur sublime,
Créant la tragédie et non la pantomime,

Laisse obtenir en foule au peuple des auteurs
Des succès réclamés par les décorateurs.

Ainsi que Melpomène, on voit la Muse épique
Employer du discours la forme dramatique.
Voulant frapper les yeux bien moins que les esprits,
Melpomène à sa sœur emprunte les récits:
Pharnace, Xipharès, les Romains, Mithridate,
Combattent devant moi lorsque j'écoute Arbate;
Par des vers enchanteurs, Théramène, en pleurant,
Me fait voir, suivre, entendre, Hippolyte expirant;
Isménie à l'autel me montre Poliphonte
Linmolé par Égiste aux mânes de Cresphonte;
Ulysse en traits de feu me peint les longs débats
Excités et calmés à la voix de Calchas.

Quand la satiété des chefs-d'œuvre sans nombre
A l'éclat de nos arts mêlait déja quelque ombre,
On n'a pas craint d'offrir au public assemblé
Aux yeux d'Iphigénie Agamemnon voilé;

Et tous les Grecs luttant contre le seul Achille;
Et le sanglant couteau dans les mains d'Ériphyle;
Mais, juste cette fois, le public a vengé
La raison méconnue et Racine outragé.

Quels objets montre aux yeux l'art savant du théâtre?
Teinte du sang d'un fils, l'horrible Cléopâtre
Épuise en sa fureur le vase empoisonné

Qu'au second de ses fils elle avait destiné;
Des trésors de David exigeant ce qui reste,
Athalie est conduite en un piège funeste,

Et, dans les murs du temple admise sans soldats,

Voit avec la vengeance apparaître Joas;
D'un vieillard éploré la voix inattendue
Arrache le poignard à Mérope éperdue,
Qui va tuer son fils en voulant le venger;
Par un injuste arrêt se laissant égorger,
Pour Tancrède banni, la tendre Aménaïde,
A la honte, au trépas porte une âme intrépide;
Tancrède, qui paraît quand elle est sans secours,
Se croit trahi par elle, et combat pour ses jours.
Le Génie, en traçant ces peintures habiles,
Atteint, sans les franchir, des bornes difficiles,
Qu'égaré loin du but, de faux pas en faux pas,
Un vulgaire talent franchit et n'atteint pas.

Mais, lorsqu'Iphigénie a reconnu son frère,
N'a-t-on pas de Diane apaisé la colère?

Et son temple est-il fait pour de sanglans combats?
Se glissant sain et sauf à travers les soldats,
Se peut-il que Lyncée ait eu l'adresse extrême
D'escamoter le fer levé sur ce qu'il aime?
Que Tell avec les siens soit libre et triomphant;
Mais à quoi bon la flèche, et la pomme, et l'enfant?
Pour secourir Bayard faut-il tant de cohortes?
Accourant, s'agitant, forçant toutes les portes,
Sur les rives du Gange un général français

I

1. Allusion à la tragédie de Lemière, intitulée : la Veuve du Malabar.

Devrait-il d'un bûcher tolérer les apprêts,
Pour venir un peu tard, lentement magnanime,
Du milieu de la flamme enlever la victime?
Auteurs, qui recherchez, pour séduire nos yeux,
D'un stérile appareil l'éclat fastidieux!
Melpomène a besoin d'effets plus énergiques;
Étalez à grands frais vos parades tragiques
Sur ce brillant théâtre, aujourd'hui profané,
Où Franconi succède à Quinault détrôné1.

Un défaut puéril, en dépit du poète,
Vient gâter quelquefois la pièce la mieux faite,
Quand un peintre moderne, un antique sculpteur,
Mal à propos inspire ou l'actrice ou l'acteur.
O vous! qui nous offrez une toile vivante
Des héros que la scène à nos regards présente,
Pourquoi disputez-vous aux acteurs des tréteaux
Le soin de copier d'immobiles tableaux?
On ne vit pas Clairon, par une oisive étude,
De la Diane antique affecter l'attitude;
Et Lekain retraçait aux spectateurs émus
Vendôme, Achille, OEdipe, et non l'Antinous.
D'autres ont cru mieux faire; et le théâtre en France
A des arts du dessin trop senti l'influence;

1. Ce trait de satire est évidemment dirigé contre l'opéra de Trajan, où les chevaux de Franconi ont en effet joué un rôle. OEuvres posthumes. II. 13

Mais par eux à son tour le théâtre imité
Énerve leur vigueur, corrompt leur pureté.
Tantôt la toile indique et rend mal une scène;
Tantôt le peintre assiste aux jeux de Melpomene,
Et, des acteurs en vogue étudiant les traits,
Dans ses tableaux d'histoire esquisse leurs portraits.
Je reconnais le port, l'œil, le maintien, le geste:
Oreste n'est point là; c'est Talma dans Oreste.
Peintre heureux de Sextus", retrempez vos pinceaux
Aux sources d'Hippocrène, en ces fertiles eaux
Où les arts inventeurs vont puiser le génie;
Et remontez encor sur les monts d'Aonie!

Sans un débit 'heureux, dans la chaire, au sénat,
Un orateur habile obtiendrait peu d'éclat.

Tel
que l'acteur tragique, il s'émeut, il déclame;
Dans sa voix, dans son geste, il fait
il fait passer son âme;
Mais il a d'autres tons, comme un autre pouvoir;
Et Polus, illustré par le don d'émouvoir,
N'allumait pourtant pas au théâtre d'Athènes
Les foudres éclatans que lançait Démosthènes.
Dans Rome, Cicéron, qui vanta Roscius
Déclamant les vers lourds de l'antique Ennius,
D'accens plus solennels armait son éloquence
Pour confondre le crime et sauver l'innocence.

1. Guérin.

« PoprzedniaDalej »