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moyenne du prix du pain a.été, au plus bas, de 34 centimes le kilogramme (2 livres), et le plus haut de 40 centimes le kilogramme: moyenne générale: 35 à 36 centimes.

La consommation moyenne du pain à Paris est d'un 112 kilogramme par personne (hommes, femmes et enfants).

Or, d'après ces prix et ces moyennes, il est évident que si la plus grande partie de la population de Paris n'était pas continuellement dans la gène, la pénurie et la misère, la différence de quelques centimes dans le prix du pain ne devrait pas porter immédiatement la perturbation, l'anxiété, la terreur dans les familles et éveiller l'attention des magistrats de la ville.

Malheureusement le contraire arrive, preuve évidente de l'état de profond malaise.

II.

Citons le rapport même de M. de Cambray:

a... Le 8 novembre 1846, le préfet de police prévient son collègue, » le préfet de la Seine, que le prix du pain, qui était monté à 43 c. le » kilogramme, allait s'élever le 16, à 46 c. »

Remarquons que ce prix de 92 c. les deux kilogrammes de pain ne differe pas de beaucoup des 88 c. et de 90 c. des années 1838 et 1839.

«... Le 49, le préfet de la Seine propose au Conseil municipal de » venir en aide à la population nécessiteuse en lui faisant distribuer des » hons, sur la présentation desquels les familles ne paieraient que 80 » cent. les deux kilogrammes de pain de première qualité. »

>> Partageant la sollicitude de l'administration pour les classes souf» frantes, le conseil adopta, séance tenante, cette proposition, sans » mesurer l'étendue des sacrifices que son vote allait imposer à la ville » de Paris. >>

» Assuré dès le lendemain, 11 novembre, de l'approbation du Mi»nistre de l'Intérieur, et PRESSE par le préfet de police de faire com» mencer la distribution des bons le 16, jour où le prix du pain devait » être porté à 46 centimes le kilogramme, le préfet de la Seine prit >> immédiatement les dispositions nécessaires pour organiser le service. D » Dès le 43, il avait convoqué les maires, pour leur communiquer le projet d'organisation. »

Cette première mesure adoptée ainsi d'urgence par la Ville de Paris consistait en bons fixant un maximum du prix du pain, à l'avantage du porteur, la ville se chargeant de payer aux boulangers le surplus quel qu'il fût au dessus de QUATRE-VINGTS centimes les 2 kilogrammes.

Cette mesure fut bientôt suivie d'une autre dont l'application ne fut

pas seulement faite « aux pauvres inscrits, mais aux uvriers et aux chefs de famille MALAISES. »

La consommation journalière du pain à Paris, par une population de 1,000,000 d'habitants, étant de 2,500 sacs de farine de 457 kilogrammes, dont le rendement, à raison de 100 pains de deux kilogrammes, produit 1,000,000 de pains d'un demi kilogramme (une livre) : la consommation journalière de Paris, disons-nous, est en moyenne d'un demi-kilogramme par personne (hommes, femmes et enfants).

La ville de Paris accorda donc « un secours d'un demi-kilogramme de pain par jour et par personne, sans distinction d'àge ni de sexe >> aux personnes malaisées.

III.

Pourquoi ces mesures extraordinaires?

Parce que « la hausse subite du pain porta une telle inquiétude dans » les esprits, qu'il eût été dangereux de montrer trop de réserve » dans la distribution des bons; il fallut satisfaire largement aux pre» mières demandes, qui toutes, d'ailleurs, semblaient fondées sur des » besoins URGENTS; il fallut rassurer la population ouvrière et malaisée, » en lui prouvant que l'administration municipale était empressée à » venir en aide à tous ceux qui se trouvaient dans le cas d'être se

» courus. >>

Et comment la farouche population rouge de Paris reçut-elle ces me sures?

« La seule annonce de cette mesure bienfaisante tranquillise tous les » esprits; les classes laborieuses, qui commençaient à ressentir de sé>> rieuses inquiétudes pour leur subsistance, furent pleinement rassu» rées dès qu'elles virent l'administration municipale, prenant une gé» néreuse initiative, venir, par des moyens efficaces, en aide à toutes >> les familles nécessiteuses, qui devaient avoir à souffrir de la cherté » du pain. >>

» Il ne restait plus aucun élément de troubles, aucun prétexte aux » désordres; aussi le commerce put-il envisager sans crainte la crise » qu'il allait subir inévitablement. Si les affaires diminuèrent, si l'in»dustrie ne put donner à ses travaux leur essor ordinaire, le mal, 'du » moins, ne se présenta pas dans des conditions aussi redoutables que » dans le pays entier. >>

....... » Il est vrai de dire, qu'imitant le généreux élan de Paris, les > autres grandes cités s'empressèrent de faire également des sacrifices » proportionnés à leurs ressources, pour adoucir les souffrances des » populations. Il est egalement vrai que partout la charité privée se

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»conda de tous ses efforts la bienfaisance publique; que partout les >> habitants aisés donnèrent aux familles malheureuses les preuves d'une » touchante sympathie. >>

La ville de Paris dépensa dans l'espace de onze mois (du 15 novembre 1846 au 15 octobre 1847), pour l'œuvre de charité sociale qu'elle venait d'entreprendre, la somme de 9,024,699 francs.

Or quel fut le nombre et la condition des personnes qui profitèrent de ce bienfait?

IV.

Les habitants malaisés de Paris: - 635,000.

« L'administration et le conseil municipal, dit M. de Cambray, s'étaient >> proposé de venir en aide aux indigents, aux ouvriers sans ouvrage et >> aux habitants malaisés qui, forcés de subvenir à leur subsistance, >> auraient, en raison de l'insuffisance de leurs ressources et par suite » de la cherté du pain, éprouvé des privations et des souffrances. >>

Pour répondre aux vues bienfaisantes du conseil municipal, il fallait rechercher quel pouvait être le nombre des personnes se trouvant dans une position malaisée.

Or voici comment M. de Cambray, avec un juste esprit de critique, en calcule le chiffre.

« D'après le tableau du dernier recensement (1846), les 945,000 ha>>bitants composant la population fixe se divisaient en 357,000 mé» nages, ayant chacun un logement particulier. Or nous voyons que » dans les rôles des contributions 100,000 chefs de ménage seulement » sont imposés à la contribution mobilière, comme ayant un loyer de » 200 francs et au-dessus. Il semble donc évident que 257,000 familles » occupent des logements d'un prix inférieur à 200 francs, ou sont » logés gratuitement, comme le sont les portiers, etc. »

<«< Aucune de ces familles ne peut certainement être considérée » comme ayant une POSITION AISÉE; nous en retrancherons toutefois » le dixième, soit 26,000, pour les célibataires et les concierges des >> grandes maisons, qui ont des moyens d'existence assurés. Il restera >> encore 231,000 ménages auxquels on peut donner, à bon droit, la qualification de malaisés, surtout dans les temps de disette. Si l'on » multiplie ce chiffre de 231,000 par 2,64°, qui est le nombre moyen des » personnes composant un ménage, on trouve 610,000 habitants sus»ceptibles de participer, comme malaisés, à la distribution des secours publics extraordinaires. Il faut encore y ajouter les ouvriers logés en » garni, dont le nombre ne peut être évalué à moins de 23,000, c'est

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» à-dire à la moitié des personnes qui composent la population flot» tante de Paris.

» L'assistance de l'Administration n'a cependant pas été réclamée >> par un aussi grand nombre de personnes, parce que beaucoup de » célibataires, beaucoup même de familles laborieuses et honnêtes, > trouvant dans leur travail de quoi subvenir à leurs besoins, se sont, >> par un louable sentiment de pudeur, abstenus de solliciter des se

>> cours.

>> C'est ce qui explique qu'au lieu de 635,000 personnes, qui auraien t » pu figurer sur les listes des distributions de bons de pain, il n'y en a » jamais eu plus de 475,000, et que le chiffre moyen est resté infé» rieur à 400,000. »

Voici au reste le nombre moyen des personnes secourues journellement dans les douze arrondissements de Paris.

Disette de 1846-1847.

V.

- Nombre moyen des personnes malaisées et indigentes secourues quotidiennement pendant onze mois; les prix extrêmes de leurs loyers étant de 85 à 145 fr., le prix moyen de 118 fr.

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Voilà donc, d'après les calculs de l'administration elle-même, quelle était la position matérielle ou sociale de la population du Paris monarchique.

La moindre crise survenait-elle ? Six cent trente-cinq mille per

sonnes se trouvaient immédiatement sur le coup de la gène ou de la misère.

Certes, pour le lecteur qui nous a suivi jusqu'ici, cela n'a rien d'étonnant, puisque le chiffre des citoyens formant les deux classes des professions mécaniques et salariées s'élève à 740,000.

Or, en défalquant de ce nombre les domestiques en service (67,000), dont l'existence est assurée, on trouve que les professions mécaniques et salariées renferment encore 673,000 personnes (1).

Ces chiffres prouvent que ces deux catégories de citoyens, formant les classes inférieures de la société, ne renferment aux époques des crises momentanées que 38,000 à 40,000 personnes (hommes, femmes et enfants) au-dessus du besoin; c'est ce petit nombre de citoyens dont une partie forme la classe des personnes qui déposent leurs économies aux caisses d'épargne.

Mais, si les crises se prolongent, ces citoyens se trouvent bientôt dans la classe des malaisés, dans le nombre des 635,000 admis comme tels par l'administration.

En voici la preuve.

Pendant la disette, la préfecture de la Seine, reconnaissant la position précaire de cette population et d'une partie de la classe commerciale elle-même, avait décidé que des secours extraordinaires seraient accordés aux personnes qui, pendant la crise, se trouvaient dans la position suivante :

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« 1° Payant un loyer de 250 à 300 francs pour un logement simple; >> de 400 à 500 francs pour un logement avec » boutique ou atelier;

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» 3° Recevant (les chefs de famille) un traitement ou salaire de » 1,200 francs pour les familles sans enfants;

» 4o Recevant un traitement ou salaire de 1,400 francs pour les D familles qui avaient un mineur;

5o Recevant un traitement ou salaire de 1,600 francs pour les fa» milles qui avaient plusieurs mineurs à leur charge, ou leurs vieux » parents. » (Rapport de M. de Cambray.)

Ces faits admis par l'administration ne prouvent-ils pas d'une manière irrécusable l'état de gêne et de malaise d'une 2e catégorie de la population parisienne en dehors des 635,000 personnes que l'administration range parmi les plus pauvres ?

(1) D'après le tableau ci-dessus on voit qu'aux époques de crise ou de grand chômage le nombre des domestiques inoccupés est encore très-considérable. Les domestiques y figurent pour 5.319; les cochers pour 4,288; les femmes de ménage pour 3,345. Total: 12,952.

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