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(SIXIÈME ARTICLE.)

CHAPITRE VI. — DE LA GRAMMAIRE UNIVERSELLE,

OU LA SÉRIE APPLIQUÉE A LA GRAMMAIRE.

«Les bonnes méthodes sont aux progrès de l'intelligence » ce que les bons systèmes de locomotion sont aux progrès » de la viabilité : ce sont les deux branches principales de » l'art de voyager commodément et avec vitesse et sécurité » dans les deux mondes de l'esprit et de la matière. » HUGH DOHERTY. La Série. Phalange. VII, 34.

NOTIONS PRÉLIMINAIRES.

(1) Le principe spirituel des langues, ou l'Idiome, et le principe matériel, ou la science des mots, ont formé le sujet de nos précédents articles; dans celui-ci nous nous proposons d'étudier le principe régulateur, ou la Grammaire, qui a pour objet les FONCTIONS des mots, et leurs diverses combinaisons dans la formation du discours.

(2) Les mots, en ne considérant que leurs fonctions, indépendamment de leur forme matérielle, peuvent se diviser en deux grandes classes: 4o ceux qu'on peut appeler SIGNIFICATIFS, parce que, représentant les objets de nos pensées ou leurs propriétés, ils ont une signification propre et inhérente, tels que maison, cheval; parler, penser; grand, petit; bien, mal; — et 2o ceux que nous nommerons RELATIONNELS OU DISTRIBUTIFS, parce que, sans exprimer par eux-mêmes aucune idée bien précise, ils servent à unir entre eux les mots significatifs, et à en déterminer les diverses relations ou les divers rapports: tels sont les mots pour, dans, contre, à ;—et, que, ni, ou.— Un troisième élément, celui du TON (Prosodie), sert à mettre en relief les mots ou les syllabes les plus importants, ou à modifier la signification d'une proposition (on appelle proposition l'expression d'un jugement, comme: Pierre est bon. Voyez syntaxe), et enfin la SYNTAXE, élément pivotal, qui résume les trois autres éléments, enseigne à les employer, et à les combiner de manière à rendre la pensée avec le plus de clarté, de force et d'élégance possible. (3) La Grammaire se compose donc de trois éléments, plus le pivotal; ainsi qu'il suit :

4. Mots significatifs.

2. Mots distributifs, ou relationnels.

3. Ton.

Syntaxe.

(4) Les mots significatifs se subdivisent en deux ordres : 4o ceux qui expriment des idées, proprement dites, soit de choses, soit d'actions, comme homme, arbre; agir, manger; 2o ceux qui en expriment les attribuls, propriétés, qualités ou modifications, comme blanc, gros; souvent, quelquefois.

2o ceux

(5.) Les mots significatifs qui expriment des idées se subdivisent encore en deux genres, savoir: 4o ceux qui expriment des idées de PERSONNES ou de cпoSES, tels que père, soleil, fruit, âme, et qu'on appelle NOMS, ces mots étant en effet les noms des personnes et des choses qu'ils représentent; qui expriment des idées d'ACTION, de PASSION ou d'EXISTENCE, comme marcher, boire, souffrir, exister, mots qu'on a nommés emphatiquement VERBES, ou mots par excellence, du latin verbum, parce qu'aucune phrase n'est complète sans qu'un verbe y soit exprimé ou sous entendu.

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(6) D'où il résulte que les mots qui en expriment les propriétés, qualités ou modifications, se subdivisent aussi en deux genres, savoir: 4° ceux qui qualifient, modifient ou déterminent les idées de choses, tels que beau, précieux, agréable, laid; et qu'on appelle ADJECTIFS, du latin adjicere, ajouter à parce qu'ils sont ajoutés à un nom pour le déterminer ou le modifier; -2° ceux qui qualifient ou modifient tous les autres mots significatifs, tels que toujours, poliment, encore, très. Les mots de ce dernier genre s'appellent, bien qu'improprement, ADVERBES; nous disons improprement, car ils déterminent ou modifient des adjectifs, et même d'autres adverbes aussi bien que des verbes, comme dans les phrases: « Je suis FORT Content » — « Il écrit TRÈS-mal; » — « Elles sont ADMIRABLEMENT BIEN faites. »

(7) Les mots relationnels, distributifs ou mécanisants se subdivisent aussi en deux branches: 4o ceux qui indiquent les rapports que les mots significatifs ont entre eux, comme avec, sans, contre, sur, mots qu'on a nommés PRÉPOSITIONS, parce que généralement ils précèdent les mots dont ils marquent les rapports; mais qui méritent souvent le nom de POSTPOSITIONS, attendu qu'ils les suivent assez souvent, surtout en anglais et en italien, et presque toujours dans les langues orientales; 2o ceux qui joignent ensemble les mots ou les propositions, comme et, que, mais, aussi, quand, et qu'on nomme par conséquent CONJONCTIONS.

(8) On devrait peut-être rapporter à cette classe une autre espèce de mots, peu nombreux il est vrai, mais qui sont néanmoins nécessaires au langage, auquel ils prêtent une grande expression, et beaucoup de grâce. Ces mots peuvent s'appeler des PARTICULES, du latin particula, petite partie, ou mieux encore, pour indiquer leur fonction, les EXPRESSIFS; ils se subdivisent en deux branches, savoir: 4° Les EXPLÉTIFS, ou mots employés simplement pour donner plus d'énergie ou de grâce au discours, comme done, en effet; (la langue italienne surtout est remarquable par la grâce de ses explétifs già, pure, mai, poi, etc.); 2° les INTERJECTIONS, qui servent à exprimer les émotions subites de l'esprit ou du cœur, comme ah! hélas ! fi donc !

(9) Tous les distributifs sont dérivés de mots significatifs, et n'ont pris naissance qu'à mesure que la langue se développait et se perfectionnait; nous donnerons plus loin des exemples de cette dérivation. Il paraîtrait même que les quelques racines dont sont dérivés tous les mots qui constituent les lan

gues sont dans l'origine des noms et des verbes, c'est-à-dire, des mots qui expriment des idées de choses ou d'actions; que plus tard il en est découlé des mots pour exprimer les qualités, propriétés et modifications de ces idées primitives; et que ce n'est que plus tard qu'on a senti la nécessité d'exprimer les différents rapports qui existent entre ces idées. Quant aux interjections, c'est à peine si on peut les appeler des mots; ce sont pour la plupart de simples émissions de voix (voyelles), comme: Ah! Eh! Ih ! Oh! Uh! et elles ont dù précéder la formation de tous les mots proprement dits: (40) Le tableau suivant résume ces notions élémentaires :

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(11) Le 3o élément grammatical est celui du TON qui par le plus ou moins d'accent donné à certaines syllabes ou à certains mots, ou par la variété de l'inflexion de la voix, modifie les phrases et remplace de longues périphrases; il se divise en 5 ordres, savoir:

4. Quantité ou Durée.

2. Accent Tonique ou Syllabique.
3. Emphase, ou Accent Rhétorique.
4. Intonation, ou Inflexion Vocale.
5. Ponctuation, ou Repos.

-

Par QUANTITÉ, on entend le plus ou moins de longueur que 'on donne au même son; comparez gîte à petite; — jeûne à jeune; — part à parasol ; intelligence à télégraphe, etc. - Pour l'ACCENT TONIQUE, voyez chap. IV, page 368.-L'EMPHASE, c'est l'accent plus ou moins prononcé que l'on donne au mot le plus important de la phrase, pour y attirer l'attention de celui qui écoute; quoique analogue à l'accent tonique, elle en est tout-à-fait indépendante et le modifie souvent. L'INFLEXION VOCALE indique mieux encore que la forme grammaticale, et indépendamment d'elle, si l'intention de celui qui parle est d'affirmer, d'interroger, de prier, de commander ou de reprocher. (Voy. l'article Ton.)—Enfin la PONCTUATION, ou le repos, sert à diviser les discours en périodes et les périodes en phrases, et montre le plus ou moins de rapports qu'elles ont entre elles.

(12) L'élément pivotal se compose: 1o du pivot inverse, ou analytique, appelé LEXICOLOGIE, et enseigne à décomposer les phrases et à analyser leurs éléments constituants; 2o du pivot direct ou synthétique, proprement dit SYNTAXE, qui enseigne l'art de construire les phrases avec précision et élégance, selon les lois de la logique et de l'usage établi; et enfin un élément ambigu, nommé l'ELLIPSE, qui forme la transition entre la langue, soit parlée, soit écrite, et le silence, puisqu'il consiste en paroles ou phrases nonexprimées, mais facilement sous-entendues, et qui a pour contre-partie le PLÉONASME, ou superfluité de paroles, complète la série de lagrammaire proprement dite, ou de l'élément neutre des langues.

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(14) Les lecteurs de la Phalange savent que Fourier a toujours employé la lettre K comme signe de l'EXCEPTION ou terme ambigu, dont lui seul a reconnu l'importance et expliqué le rôle dans l'œuvre du créateur, rôle qui consiste à lier ensemble les différents groupes de chaque série et les différentes séries elles-mêmes. Nous ferons un fréquent usage du terme ambigu dans la suite de ce chapitre, et nous espérons prouver que la connaissance de ce principe jettera un nouveau jour sur le sujet qui nous occupe et en applanira bien des difficultés. Qu'il nous suffise pour le moment de rappeler au lecteur que l'exception ou terme ambigu se trouve placée aux extrémités des groupes ou séries entre lesquels elle sert de transition et participe plus ou moins de la nature des deux, comme par exemple le récitatif qui est la transition entre la langue parlée et la musique, ou bien encore l'ellipse, qu'on pourrait nommer le silence expressif ou l'expression muelle, qui est la transition entre la parole et le silence absolu.

(15) Le mot fondamental d'une phrase, c'est le nom; car dès que l'on conçoit une existence, passion, action ou qualité, il faut bien que quelque chose existe, sente, agisse ou possède cette qualité; sur le second rang vient le verbe; les mots attributifs ne prennent que le troisième et le quatrième rang; le nom correspond en musique à la tonique, le verbe à la dominante, l'adjectif à la tierce et l'adverbe à la septième (l'accord parfait et la note sensible); les trois relationnels distributifs correspondent à la seconde, à la quarte et à la sixte.

(16) En adoptant la classification que nous proposons, les chiffres serviront à simplifier considérablement les analyses grammaticales. Dans les exemples qui suivent, on ne doit pas s'étonner de trouver les articles, et les mots roi de France classés parmi les adjectifs, et les pronoms parmi les noms. Dans toutes nos classifications, nous avons regardé au sens, à la fonction du mot dans la phrase et non à sa forme matérielle; et malgré les distinctions arbitraires des érudits grammaticiens, nous avons rapporté à la même classe les mots dont les fonctions sont identiques,

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<< Dès l'instant qu'un enfant est né, on doit respecter ses facultés. » Con

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» fucius. « Tant que nous ne savons pas reconnaître l'esprit divin dans les

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> harmonies mesurées naturelles, nous ne sommes pas dignes de nous élever

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>> aux passionnelles, ni d'en pressentir le système. » (Fourier.) — Il a pitié

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>> (plaint) des malheureux. Elle agit avec prudence (prudemment.)

- » —

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>> Tout ce qui blesse les lois naturelles a quelque chose de faux.» (Châteaubriand.)

Dans cette dernière citation, la phrase tout ce qui blesse les lois naturelles doit être regardée comme un seul mot composé; en effet, elle représente une chose contraire à la nature et devient ainsi un véritable nom (§ 5); on peut en dire autant de la phrase quelque chose de faux. D'où nous conclurons qu'une agrégation de mots remplissant une seule fonction, doit être considérée comme un seul mot; exemple: avec tendresse = tendrement, adverbe ; rendre visite = visiter, verbe ; — toile de Hollande= toile hollandaise, ad

jectif, etc.

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(17) Remarque. Nous ne prétendons pas que tout ce qui va suivre trouvera son application intégrale dans toutes les langues de l'Europe; car nous traitons de la grammaire universelle, sans nous astreindre à des langues particulières, qui sont toutes plus ou moins imparfaites en formes grammaticales comme en sons élémentaires (voyez Phalange V, 466); voilà pourquoi nous parlerons plus loin du nombre duel, du genre neutre, et de plusieurs autres conditions grammaticales non reconnues en français; cependant la plupart des principes généraux existent en germes dans toutes les langues, et c'est pourquoi l'exception peut nous être d'une immense utilité dans l'étude des langues étrangères, et l'on peut hardiment dire que celui qui a bien étudié les exceptions de sa langue naturelle est par là seul préparé à comprendre les règles de la plupart des autres; car l'EXCEPTION D'UNE LANGUE EST SOUVENT LA RÈGle d'une autre. (§ 21, 29, 33, 53, 55, etc., etc. ).

(La suite au prochain numéro.(

TITO PAGLIARDINI.

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