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POLOGNE.

—————-- la grandeur d'ame poffible. On ne put s'empêcher de l'admirer, en regrettant qu'il n'eut pas fait briller ces vertus pour une meilleure caufe. Il refufa d'embraffer Kofinski, le regardant comme un traitre. Dans la courte harangue qu'il fit au lieu du fupplice, il ne témoigna ni regret, ni repentir de fon attentat qu'il perfiftoit fans doute à regarder comme une action digne d'un héros & d'un patriote. Strawenski, décapité en même temps, ne montra pas plus de remords.. On fait que Pulawski, le véritable auteur de la confpiration, paffa en Amérique, à la fin des troubles de Pologne; qu'il y entra au fervice des Etats-Unis, & fut tué au fiège de Savannah en 1779. C'étoit de l'aveu même des Ruffes fes ennemis; un officier très-diftingue par fes talens militaires

Après l'exécution de ces deux conjurés, Kofmski reçut ordre du roi de fortir de Pologne. Il est à préfent à Sinigaglia, dans l'Etat ecclé fiaftique, où il jouit d'une penfion de ce prince.

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Ici finit la rélation de M. Wraxall, à laquelle j'ajouterai les circonf tances fuivantes.

Lorsque le général Coccei arriva au moulin, la première question que lui fit le roi, fut pour favoir fi aucun de fes ferviteurs n'avoit fouffert; & le général lui ayant répondu qu'un de fes heyduques avoit été tué, & un autre dangereufement bleffé, il en fut fenfiblement. affecté; & la joie que devoit lui caufer fa délivrance en parut confidérablement diminuée.

Lorsqu'il rentra dans Varfovie, les rues par lefquelles il paffa furent illuminées, & remplies d'une foule innombrable qui le fuivit jufques au palais, en criant fans ceffe: le roi eft en vie! Quand il entra dans le palais, toutes les portes furent ouvertes, & des perfonnes de tout rang eurent là permiffion d'approcher de lui & de le féliciter.. On ne vit jamais de fcène fi touchante. Chacun s'efforçoit d'appro cher de fa perfonne, de lui baifer la main, ou mème de toucher fes habits. Tout le monde étoit tellement tranfporté de joie, qu'on accabloit de careffes Kofinski lui-même, & qu'on l'appeloit le fauveur du

roi. Ce prince fut fi touché de tant de marques de zèle & d'affection, qu'il en exprima vivement fa reconnoiffance, & déclara que c'étoit POLOGNE. là le moment le plus beau de fa vie. Il oublioit les dangers qu'il avoit courus, & les bleffures mêmes qu'on lui avoit faites: & comme chacun étoit curieux des circonftances de cette étrange aventure, il ne voulut pas laiffer vifiter ni panser ses plaies, jufques à ce qu'il eût fatisfait à l'impatience qu'on lui témoignoit d'en apprendre tous les détails. Ceux qui l'écoutoient paffoient felon les événemens qu'on leur racontoit, de la terreur à la pitié, de la pitié à la furprise; & ces fentimens, ainfi qu'un attendriffement général peint fur tous les vifages, n'étoient interrompus que par des foupirs & des larmes de joie.

Le roi ayant fini fon récit remercia ceux qui étoient préfens de toutes les marques qu'il venoit de recevoir de leur affection; ajoutant qu'il efpéroit qu'il n'avoit été ainfi délivré par la Providence d'une manière miraculeufe, que pour travailler avec un nouveau zèle au bien de la patrie, qui avoit toujours été fon grand objet.

Quand il fut feul, les chirurgiens examinèrent la bleffure qu'il avoit à la tête. Il parut que l'os avoit été entamé, mais non pas dangereufement. Une abondance de fang caillé rendit le traitement douloureux; mais le roi le fupporta avec une grande patience. On lui trouva les pieds fort enflés & meurtris, ce qui fit qu'on ne put le faigner.

Il pourvut généreufement aux befoins de la famille de l'heyduque qui avoit péri en expofant fa vie pour fauver la fienne. Il le fit enterrer avec pompe, & voulut qu'on élevât un monument pour honorer fa mémoire, avec une belle infcription où il exprime fa reconnoiffance de la fidélité de cet homme. J'ai vu ce monument, qui eft une pyramide. élevée fur un tombeau avec une infcription en latin & en polonois, dont voici la traduction: «Ci git George - Henri Butzau, qui mourut » glorieusement le 3 Novembre 1771, percé de plufieurs coups pendant » qu'il s'efforçoit de faire de fon corps un bouclier contre les traits » que des fcélérats parricides deftinoient au roi Stanislas Augufte. Le roi » pleurant la mort d'un fujet fidelle, a érigé ce monument pour que fa » vertu fût honorée & que celle des autres eût un modèle

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M

POLOGNE.

CHAPITRE IV.

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Partage de la Pologne Le roi de Pruffe en forme le premier projet Il eft adopté par l'empereur, & enfin par l'impératrice de Ruffie Après une grande oppofition, la diète de

Pologne eft forcée d'y donner fon confentement

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Réfiftance courageufe, mais inutile des députés Polonois Sort des Diffidens.

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Le projet de partager & démembrer la Pologne fut formé dans un fi profond fecret, qu'à peine en eut-on quelque foupçon qu'on le mettoit déjà en exécution. La sûreté de la Pologne étoit due principalement à fa fituation. Placée entre trois grandes puiffances jaloufes les unes des autres, il fembloit que leur union fùt impoffible, & il ne l'étoit pas moins, à ce qu'on croyoit; que fi cette union avoit lieu, les autres princes puffent voir tranquillement qu'en s'aggrandiffant aux dépens de ce royaume, fes voifins rompiffent auffi effentiellement l'équilibre de l'Europe.

D'un autre côté, on avoit garanti à la Pologne, par des traités multipliés, toutes fes poffeffions, & ces mêmes puiffances qui les démembrèrent enfuite, avoient renoncé folemnellement, à l'occafion de l'élection du roi régnant, à toute prétention fur quelque partie que ce pût être de ce royaume. Mais les traités n'ont guères de force qu'autant qu'on n'a point d'intérêt à les enfreindre, & une nation qui fonde fa sûreté fur un pareil appui ne tarde pas à reconnoître combien elle eft précaire, fi celui de la force, de l'union, du courage n'y eft joint. La Pologne avoit dans fon fein des forces fuffifantes pour se défendre contre l'ambition de fes voifins ; & cette garantie eût mieux valu pour elle, fi elle eût fu en ufer, que les traités, la jaloufie fubfiftante entre fes voisins, & l'attachement des autres puiffances au fyftême de l'équilibre. C'eft une chofe bien remarquable dans cette

circonftance, que l'affoibliffement de cette nation rélativement aux puiffances qui la dépouilloient. La Pruffe étoit encore dans le fiècle paffé un fief relevant de la couronne de Pologne. Les Polonois avoient été pendant un temps maîtres de Mofcow, & s'étoient fait redouter des Ruffes. Il n'y avoit pas un fiècle que l'archiduc d'Autriche avoit dù la délivrance de fa capitale, & peut-être fon existence, comme fouverain, au roi de Pologne Jean Sobieski. C'étoit après avoir ainfi donné la loi à fes voifins, que la Pologne la recevoit d'eux à fon tour. Mais que ne peut opérer pour la ruine ou la grandeur d'un peuple un bon ou un mauvais gouvernement! Pendant que tous ceux des autres nations fe perfectionnoient, celui de Pologne fe dégradoit de jour en jour, & n'offroit plus qu'une proie facile à d'ambitieux conquérans.

Le partage de la Pologne fut d'abord projeté par le roi de Pruffe. La Pruffe-polonoife étoit depuis long-temps l'objet de fon ambition. Sans parler de fa fertilité, de fon commerce, de fa population, elle étoit extrêmement à fa bienféance à caufe de fa fituation. Cette province féparoit fes provinces d'Allemagne, de la Pruffe orientale qui lui appartient, & coupoit ainfi la communication entre ces deux parties de fes états. Il avoit éprouvé dans la dernière guerre tous les inconvéniens de cette pofition. En acquérant la Pruffe-polonoife, il pouvoit faire marcher des troupes de Berlin à Kanigsberg fur fes terres; fes états arrondis formoient un corps capable de plus de résistance. La circonstance favorifoit fes défirs & fon projet. Il travailla à l'exécuter avec toute la circonfpection d'un habile politique. Indifférent en apparence aux troubles de Pologne dans leurs commencemens, quoiqu'il eût fecondé l'élection du roi, il ne lui donna aucun fecours contre les confédérés. Enfuite, quand la Pologne entière fut en proie aux troubles civils, & défolée par la pefte en 1769, il prit le prétexte de ce dernier fléau pour faire marcher des troupes fur les frontières, & pour occuper toute la Pruffe-polonoife.

Mais ce n'en étoit pas affez pour s'affurer de cette province. Il Falloit le confentement de la Ruffie & de l'Autriche. De-là nâquit l'idée d'un partage entre ces trois puillances. Il la communiqua à l'empereur, ou dans fon entrevue avec ce prince à Neifs en Siléfie en 1769, ou dans celle de l'année fuivante à Neustadt en Autriche. Cette ouverture

POLOGNE.

POLOGNE.

fut très-bien reque. Jofeph qui avoit jufqu'alors encouragé fecrètement
les confédérés, & même entamé une négociation avec la Porte contre
la Ruffie, changea fubitement de mefures, & fit marcher de nouvelles
troupes vers les frontières de la Pologne. La pefte qui affligeoit ces
contrées lui fournit, comme au roi de Pruffe, un prétexte spécieux
pour occuper les provinces de la république voifines de fes états. Il
étendit fes lignes fucceffivement; & en 1772, il avoit déjà pris poffeffion
de tout ce qui lui échut enfuite par le traité de partage. Ses vues
reftèrent fi fecrètes, & du moins les confédérés prirent tellement le
change, qu'ils ne doutoient pas que cette armée Autrichienne ne
vînt à leur fecours, perfuadés de l'impoffibilité d'un concert entre les
cours de Vienne & de Berlin.

Il ne manquoit plus que l'acceffion de l'impératrice de Ruffie. Cette
habile princeffe ne pouvoit voir fans jaloufie des puiffances étrangères
prendre pied en Pologne. Elle fentoit que l'afcendant tout puiffant dont
elle jouiffoit dans ce royaume, valoit mieux que l'acquifition de quel-
qu'une de fes provinces. Auffi le roi de Pruffe attendit-il qu'elle fût
engagée dans une guerre avec les Turcs pour entamer avec une prin-
ceffe qu'il connoiffoit fi éclairée, une négociation fur le partage projeté.
Alors il lui envoya fon frère le prince Henri qui lui fit entendre
que la cour de Vienne étant fur le point de fe lier avec la Porte, &
le danger qui en réfulteroit pour elle étant évident, elle devoit le
prévenir & regagner l'amitié de la cour de Vienne, en confentant au
partage à cette condition, ajoutoit-il, cette cour renonceroit à toute
alliance avec les Turcs, & laifferoit la Ruffie maitreffe de pourfuivre
la guerre contr'eux.

Catherine défirant de pourfuivre fes conquêtes de ce côté-là, craignant que l'empereur ne fecourût les Turcs, comprenant enfin que dans fa fituation actuelle, elle ne pourroit empêcher l'empereur & le roi de Pruffe de partager la Pologne, s'ils y étoient réfolus, fe détermina à la partager avec eux, & prit pour fa part une partie confidérable de ce royaume. Le traité entre ces puiffances fut donc figné à Pétersbourg, en Février 1772.

Leurs troupes occupant déjà la plus grande partie de la Pologne, les confédérés preffés de toutes parts, furent bientôt difperfés & foumis.

L'Europe

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