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DIMAS,

Ce fut de nos malheurs la première origine:
Ce crime a de l'empire entraîné la ruine.
Du bruit de fon trépas mortellement frappés,
A répandre des pleurs nous étions occupés:
Quand du courroux des dieux miniftre épouvantable,
Funefte à l'innocent fans punir le coupable,

Un monftre, (loin de nous que faifiez-vous alors?)
Un monftre furieux vint ravager ces bords.
Le ciel induftrieux dans fa triste vengeance
Avait à le former épuifé fa puiffance.

Né parmi des rochers au pied du Cithéron, (b)
Ce monftre à voix humaine, aigle, femme et lion,
De la nature entière exécrable affemblage,

Uniffait contre nous l'artifice à la rage.

Il n'était qu'un moyen d'en préferver ces lieux.

t

D'un fens embarraffé dans des mots captieux,
Le monftre, chaque jour, dans Thèbe épouvantée
Propofait une énigme avec art concertée;

Et fi quelque mortel voulait nous fecourir,
Il devait voir le monftre et l'entendre, ou périr.
A cette loi terrible il nous fallut foufcrire.
D'une commune voix, Thèbe offrit fon empire
A l'heureux interprète infpiré par les dieux,
Qui nous dévoilerait ce fens mystérieux.
Nos fages, nos vieillards, féduits par l'efpérance,
Ofèrent, fur la foi d'une vaine science,

Du monftre impénétrable affronter le courroux;
Nul d'eux ne l'entendit, ils expirèrent tous.
Mais Oedipe, héritier du fceptre de Corinthe,

Jeune et dans l'âge heureux qui méconnaît la crainte, (c)

Guidé par la fortune en ces lieux pleins d'effroi,
Vint, vit ce monftre affreux, l'entendit et fut roi.
Il vit, il règne encor, mais fa trifte puiffance
Ne voit que des mourans fous fon obéiffance.
Hélas! nous nous flattions que fes heureuses mains
Pour jamais à fon trône enchaînaient les deftins.
Déjà même les dieux nous semblaient plus faciles:
Le monftre en expirant laiffait ces murs tranquilles ;
Mais la ftérilité, fur ce funefte bord,

Bientôt avec la faim nous rapporta la mort.

Les dieux nous ont conduit de fupplice en fupplice;
La famine a ceffé, mais non leur injuftice;
Et la contagion, dépeuplant nos Etats,
Pourfuit un faible reste échappé du trépas.

Tel eft l'état horrible où les dieux nous réduifent.
Mais vous, heureux guerrier, que ces dieux favorisent,
Qui du fein de la gloire a pu vous arracher?

'Dans ce féjour affreux que venez- vous chercher ?

PHILO CTET E.

J'y viens porter mes pleurs et ma douleur profonde.
Apprends mon infortune et les malheurs du monde.
Mes yeux ne verront plus ce digne fils des dieux,
Cet appui de la terre, invincible comme eux.
L'innocent opprimé perd fon dieu tutélaire;
Je pleure mon ami, le monde pleure un père.

DIMA S.

Hercule eft mort?

PHILO CTET E.

Ami, ces malheureufes mains

Ont mis fur le bûcher le plus grand des humains ;

Je rapporte en ces lieux fes flèches invincibles,
Du fils de Jupiter préfens chers et terribles;
Je rapporte fa cendre, et viens à ce héros,
Attendant des autels, élever des tombeaux.
Crois moi, s'il eût vécu, fi d'un préfent fi rare
Le ciel pour les humains eût été moins avare,
J'aurais loin de Jocaste achevé mon destin:
Et dût ma paffion renaître dans mon fein,

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Tu ne me verrais point, fuivant l'Amour pour guide, Pour fervir une femme abandonner Alcide.

DIMA S.

J'ai plaint long-temps ce feu fi puiffant et fi doux; Il naquit dans l'enfance, il croiffait avec vous. Jocafte, par un père à fon hymen forcée,

Au trône de Laïus à regret fut placée.

Hélas! par cet hymen, qui coûta tant de pleurs,
Les deftins en fecret préparaient nos malheurs.
Que j'admirais en vous cette vertu fuprême,
Ce cœur digne du trône et vainqueur de foi - même !
En vain l'Amour parlait à ce cœur agité,

C'est le premier tyran que vous avez dompté.

PHILO CTET E.

Il fallut fuir pour vaincre; oui, je te le confeffe,
Je luttai quelque temps, je fentis ma faibleffe:
Il fallut m'arracher de ce funefte lieu,

Et je dis à Jocafte un éternel adieu.

Cependant l'univers, tremblant au nom d'Alcide,
Attendait fon deftin de fa valeur rapide;

A fes divins travaux j'ofai m'affocier;

Je marchai près de lui ceint du même laurier.
C'est alors, en effet, que mon ame éclairée
Contre les paffions fe fentit affurée.

L'amitié d'un grand homme eft un bienfait des dieux :
Je lifais mon devoir et mon fort dans fes yeux;
Des vertus avec lui je fis l'apprentissage;

Sans endurcir mon cœur, j'affermis mon courage:
L'inflexible vertu m'enchaîna fous fa loi:

Qu'euffé-je été fans lui? rien que le fils d'un roi,
Rien qu'un prince vulgaire, et je ferais peut-être
Efclave de mes fens, dont il m'a rendu maître,

DIMA S.

Ainfi donc déformais, fans plainte et fans courroux, Vous reverrez Jocafte et fon nouvel époux?

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Comment! que dites-vous? un nouvel hyménée...

DIMA S.

Oedipe à cette reine a joint fa destinée.

PHILO CTET E.

Oedipe eft trop heureux! je n'en fuis point furpris; Et qui fauva fon peuple eft digne d'un tel prix :

Le ciel eft jufte.

DIMA S.

Oedipe en ces lieux va paraître :

Tout le peuple avec lui, conduit par le Grand-Prêtre,
Vient des dieux irrités conjurer les rigueurs.

Je me fens attendri, je partage leurs pleurs.
O toi, du haut des cieux, veille fur ta patrie;
Exauce en fa faveur un ami qui te prie;

Que leurs vœux jufqu'à toi montent avec les miens!

PHILO CTET E,

Hercule, fois le dieu de tes concitoyens !

SCENE I I.

LEGRAND-PRETRE, LE CHOEUR.

La porte du temple s'ouvre, et le Grand - Prêtre parait au milieu du peuple.

Ier PERSONNAGE

DUCHO E U R.

ESPRITS

SPRITS contagieux, tyrans de cet empire, Qui foufflez dans ces murs la mort qu'on y respire, Redoublez contre nous votre lente fureur,

Et d'un trépas trop long épargnez-nous l'horreur.

SECOND PERSONNAGE. Frappez, Dieux tout - puiffans, vos victimes font prêtes: O Monts, écrafez-nous... Cieux, tombez fur nos têtes! O Mort, nous implorons ton funefte fecours!

O Mort, viens nous fauver, viens terminer nos jours!

LE GRAND PRETRE.

Ceffez, et retenez ces clameurs lamentables,
Faible foulagement aux maux des miférables.
Fléchiffons fous un dieu qui veut nous éprouver,

Qui d'un mot peut nous perdre, et d'un mot nous fauver.
Il fait que dans ces murs la mort nous environne,
Et les cris des Thébains font montés vers fon trône.
Le roi vient. Par ma voix, le ciel va lui parler;
Les deftins à fes yeux veulent fe dévoiler.
Les temps font arrivés; cette grande journée
Va du peuple et du roi changer la destinée.

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