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à apprendre dans Polyeucte et dans Cinna, que dans tous les préceptes de l'abbé ďAubignac: Sévère et Pauline font les véritables maîtres de l'art. Tant de livres faits fur la peinture par des connaisseurs n'instruiront pas tant un élève, que la feule vue d'une tête de Raphaël.

Les principes de tous les arts qui dépendent de l'imagination font tous aifés et fimples, tous puifés dans la nature et dans la raifon. Les Pradons et les Boyers les ont connus auffi- bien que les Corneilles et les Racines; la différence n'a été et ne fera jamais que dans l'application. Les auteurs d'Armide et d'Iffé, et les plus mauvais compofiteurs, ont eu les mêmes règles de mufique. Le Pouffin a travaillé fur les mêmes principes que Vignon. Il paraît donc auffi inutile de parler de règles à la tête d'une tragédie, qu'il le ferait à un peintre de prévenir le public par des differtations fur fes tableaux, ou à un muficien de vouloir démontrer que fa mufique doit plaire.

Mais puifque M. de la Motte veut établir des règles toutes contraires à celles qui ont guidé nos grands maîtres, il eft jufte de défendre ces anciennes lois, non pas parce qu'elles font anciennes, mais parce qu'elles font bonnes et néceffaires, et qu'elles pourraient avoir dans un homme de fon mérite un adverfaire redoutable.

DES TROIS UNITÉS.

M. de la Motte veut d'abord profcrire l'unité d'action, de lieu et de temps.

Les Français font les premiers d'entre les nations modernes, qui ont fait revivre ces fages règles du théâtre; les autres peuples ont été long-temps fans vouloir recevoir un joug qui paraiffait fi févère; mais comme ce joug était jufte, et que la raifon triomphe enfin de tout, ils s'y font foumis avec le temps. Aujourd'hui même, en Angleterre, les auteurs affectent d'avertir audevant de leurs pièces que la durée de l'action eft égale à celle de la représentation; et ils vont plus loin que nous, qui en cela avons été leurs maîtres. Toutes les nations commencent à regarder comme barbares les temps où cette pratique était ignorée des plus grands génies, tels que Don Lopez de Vega et Shakespear; elles avouent même l'obligation qu'elles nous ont de les avoir retirées de cette barbarie: faut-il qu'un Français fe ferve aujourd'hui de tout fon efprit pour nous y ramener?

Quand je n'aurais autre chofe à dire à M. de la Motte, finon que meffieurs Corneille, Racine, Molière, Addiffon, Congreve, Maffei, ont tous obfervé les lois du théâtre, c'en ferait affez pour devoir arrêter quiconque voudrait les violer:

mais M. de la Motte mérite qu'on le combatte par des raifons, plus que par des autorités.

Qu'est-ce qu'une pièce de théâtre? La représentation d'une action. Pourquoi d'une feule, et non de deux ou trois? C'est que l'efprit humain ne peut embraffer plufieurs objets à la fois; c'est que l'intérêt qui fe partage s'anéantit bientôt; c'est que nous fommes choqués de voir, même dans un tableau, deux événemens; c'est qu'enfin la nature feule nous a indiqué ce précepte, qui doit être invariable comme elle.

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Par la même raison, l'unité de lieu est effentielle ; car une feule action ne peut fe paffer en plufieurs lieux à la fois. Si les perfonnages que je vois font à Athènes au premier acte, comment peuvent-ils fe trouver en Perfe au fecond? M. le Brun a-t-il peint Alexandre à Arbelles et dans les Indes fur la même toile?" Je ne ferais pas étonné, dit adroitement M. de la Motte, qu'une nation fensée, mais moins amie des règles, , s'accommodât de voir Coriolan condamné à » Rome au premier acte, reçu chez les Volfques » au troisième, et affiégeant Rome au quatrième, », etc.,,. Premièrement, je ne conçois point qu'un peuple fenfé et éclairé ne fût pas ami de règles toutes puifées dans le bon fens, et toutes faites pour fon plaifir. Secondement, qui ne fent que voilà trois tragédies, et qu'un pareil

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projet, fût-il exécuté mêmè en beaux vers, ne ferait jamais qu'une pièce de Jodelle ou de Hardy verfifiée par un moderne habile?

L'unité de temps eft jointe naturellement aux deux premières. En voici, je crois, une preuve bien fenfible. J'affifte à une tragédie, c'est-à-dire à la représentation d'une action; le fujet eft l'accomplissement de cette action unique. On confpire contre Augufte dans Rome; je veux favoir ce qui va arriver d'Augufte et des conjurés. Si le poëte fait durer l'action quinze jours, il doit me rendre compte de ce qui se fera paffé dans ces quinze jours; car je fuis là pour être informé de ce qui fe paffe, et rien ne doit arriver d'inutile. Or, s'il met devant mes yeux quinze jours d'événemens, voilà au moins quinze actions différentes, quelques petites qu'elles puiffent être. Ce n'eft plus uniquement cet accompliffement de la confpiration, auquel il fallait marcher rapidement; c'est une longue histoire qui ne fera plus intéreffante, parce qu'elle ne sera plus vive, parce que tout fe fera écarté du moment de la décifion, qui eft le feul que j'attends. Je ne fuis point venu à la comédie pour entendre l'histoire d'un héros, mais pour voir un feul événement de fa vie. Il y a plus: le fpectateur n'eft que trois heures à la comédie; il ne faut donc pas que l'action dure plus de

trois heures. Cinna, Andromaque, Bajazet, Oedipe, foit celui du grand Corneille, foit celui de M. de la Motte, foit même le mien, fi j'ofe en parler, ne durent pas davantage. Si quelques autres pièces exigent plus de temps, c'est une licence qui n'eft pardonnable qu'en faveur des beautés de l'ouvrage; et plus cette licence est grande, plus elle eft faute.

Nous étendons fouvent l'unité de temps jufqu'à vingt-quatre heures, et l'unité de lieu à l'enceinte de tout un palais. Plus de févérité rendrait quelquefois d'affez beaux fujets impraticables, et plus d'indulgence ouvrirait la carrière à de trop grands abus. Car s'il était une fois établi qu'une action théâtrale pût se passer en deux jours, bientôt quelqu'auteur y emploierait deux femaines, et un autre deux années: et fi l'on ne réduifait pas le lieu de la fcène à un efpace limité, nous verrions en peu de temps des pièces telles que l'ancien Jules Céfar des Anglais, où Caffius et Brutus font à Rome au premier acte, et en Theffalie dans le cinquième.

Ces lois obfervées, non-feulement fervent à écarter les défauts, mais elles amènent de vraies beautés; de même que les règles de la belle architecture, exactement fuivies, exactement fuivies, compofent néceffairement un bâtiment qui plaît à la vue. On voit qu'avec l'unité de temps, d'action et de

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