Ne découragez point un effort téméraire.
Eh! peut-on trop ofer, quand on cherche à vous plaire ?
Daignez vous transporter dans ces temps, dans ces lieux,
Chez ces premiers humains vivans avec les dieux:
Et que votre raison se ramène à des fables
Que Sophocle et la Grèce ont rendu vénérables.
Vous n'aurez point ici ce poison si flatteur
Que la main de l’Amour apprête avec douceur.
Souvent dans l'art d'aimer Melpomène avilie,
Farda ses nobles traits du pinceau de Thalie.
On vit des courtisans, des héros déguisés
Pousser de froids foupirs en madrigaux usés.
Non, ce n'est point ainsi qu'il est permis qu'on aime;
L'amour n'est excusé, que quand il est extrême.
Mais ne vous plairez - vous qu'aux fureurs des amans,
A leurs pleurs, à leur joie, à leurs emportemens ?
N'est-il point d'autres coups pour ébranler une ame?
Sans les flambeaux d'amour, il est des traits de flamme;
Il est des sentimens, des vertus, des malheurs
Qui d'un caur élevé favent tirer des pleurs.
Aux sublimes accens des chantres de la Grèce
On s'attendrit en homme, on pleure sans faiblesse;
Mais pour suivre les pas de ces premiers auteurs,
De ce spectacle utile, illustres inventeurs,
Il faudrait pouvoir joindre en fa fougue tragique,
L'élégance moderne avec la force antique.
D'un æil critique et juste il faut s'examiner,
Se corriger cent fois, ne fe rien pardonner;
Et foi-même avec fruit se jugeant par avance,
Par ses sévérités gagner votre indulgence.