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Mon cœur encor furpris de fon égarement,
Emporté loin de foi, fut coupable un moment;
Ce moment m'a couvert d'une honte éternelle,
A mon pays que j'aime il m'a fait infidelle:
Mais ce moment paffé, mes remords infinis
Ont égalé mon crime, et vengé mon pays.
Prononcez mon arrêt. Rome, qui vous contemple,
A befoin de ma perte et veut un grand exemple.
Par mon juste supplice il faut épouvanter
Les Romains, s'il en eft qui puiffent m'imiter.
Ma mort fervira Rome autant qu'eût fait ma vie;
Et ce fang en tout temps utile à fa patrie,
Dont je n'ai qu'aujourd'hui fouillé la pureté,
N'aura coulé jamais que pour la liberté.

BRUT US.

Quoi! tant de perfidie avec tant de courage?
De crimes, de vertus, quel horrible affemblage!
Quoi! fous ces lauriers même, et parmi ces drapeaux,
Que ton fang à mes yeux rendait encor plus beaux,
Quel démon t'infpira cette horrible inconftance?

TITUS.

Toutes les paffions, la foif de la vengeance,
L'ambition, la haine, un inftant de fureur....

Achève, malheureux.

BRUTU S.

TITUS.

Une plus grande erreur,

Un feu qui de mes fens eft même encor le maître, Qui fit tout mon forfait, qui l'augmente peut-être.

C'est trop vous offenfer par cet aveu honteux,
Inutile pour Rome, indigne de nous deux.
Mon malheur eft au comble, ainfi que ma furie;
Terminez mes forfaits, mon défefpoir, ma vie,
Votre opprobre et le mien. Mais fi dans les combats
J'avais fuivi la trace où m'ont conduit vos pas,
Si je vous imitai, fi j'aimai ma patrie,
D'un remords affez grand fi ma faute eft fuivie,
(il fejette à genoux.)

A cet infortuné daignez ouvrir les bras;

Dites du moins, Mon fils, Brutus ne te hait pas.
Ce mot feul me rendant mes vertus et ma gloire,
De la honte où je fuis défendra ma mémoire.
On dira que Titus, defcendant chez les morts,
Eut un regard de vous pour prix de fes remords:
Que vous l'aimiez encore, et que malgré fon time.
Votre fils dans la tombe emporta votre estime.

...

BRUT US.

Son remords me l'arrache. O Rome! ô mon pays!
Proculus..... à la mort que l'on mène mon fils.
Lève-toi, trifte objet d'horreur et de tendresse:
Lève-toi, cher appui qu'efpérait ma' vieillesse :
Viens embraffer ton père: il t'a dû condamner;
Mais s'il n'était Brutus, il t'alloit pardonner.
Mes pleurs, en te parlant, inondent ton yifage:
Va, porte à ton fupplice un plus mâle courage;
Va, ne t'attendris point, fois plus Romain que moi;
Et que Rome t'admire en fe vengeant de toi.

TITU S.

Adieu, je vais périr, digne encor de mon père.

(On l'emmène.)

SCENE VIII.

SCENE VIII.

BRUTUS, PROCULUS.

PROCULUS.

SEIGNEUR, tout le Sénat dans fa douleur fincère, En frémiffant du coup qui doit vous accabler., ..

BRUT U s.

Vous connaiffez Brutus, et l'ofez confoler?
Songez qu'on nous prépare une attaque nouvelle.
Rome feule a mes foins, mon cœur ne connaît qu'elle.
Allons que les Romains, dans ces momens affreux,
Me tiennent lieu du fils que j'ai perdu pour eux;
Que je finiffe au moins ma déplorable vie
Comme il eût dû mourir, en vengeant la patrie.

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Rome eft libre: il fuffit... Rendons grâces aux Dieux.

Fin du cinquième et dernier acte.

Théâtre. Tom. I.

B b

de la Tragédie de Brutus.

(4) Nous joindrons ici le morceau fuivant que M. de

Voltaire a retranché dans les éditions poftérieures à 1738.

"

Au refte, Mylord, s'il y a quelques endroits paffables dans cet ouvrage, il faut que j'avoue que j'en ai l'obligation à des amis qui pensent comme vous. Ils m'encourageaient à tempérer l'austérité de Brutus par l'amour paternel, afin qu'on admirât et qu'on plaignît l'effort qu'il fe fait en condamnant fon fils. Ils m'exhortaient à donner à la jeune Tullie un caractère de tendresse et d'innocence, parce que fi j'en avais fait une héroïne altière qui n'eût parlé à Titus, que comme à un fujet qui devait fervir fon prince; alors Titus aurait été avili, et l'ambaffadeur eût été inutile. Ils voulaient que Titus fût un jeune homme furieux dans fes paffions, aimant Rome et fon père, adorant Tullie, fe fefant un devoir d'être fidèle au Sénat même dont il fe plaignait, et emporté loin de fon devoir par une paffion dont il avait cru être le maître. En effet, fi Titus avait été de l'avis de fa maîtreffe, et s'était dit à lui-même de bonnes raifons en faveur des rois; Brutus alors n'eût été regardé que comme un chef de rébelles; Titus n'aurait plus eu de remords; fon père n'eût plus excité la pitié.

"Gardez, me difaient-ils, que les deux enfans de Brutus paraiffent fur la fcène; vous favez que l'intérêt eft perdu quand il fe partage. Mais furtout, que votre pièce foit fimple; imitez cette beauté des Grecs, croyez que la

multiplicité des événemens et des intérêts compliqués, n'eft que la reffource des génies ftériles qui ne favent pas tirer d'une feule paffion de quoi faire cinq actes. Tâchez de travailler chaque fcène, comme fi c'était la feule que vous euffiez à écrire. Ce font les beautés de détail, etc. etc.

(b) Edition de 1738.

Je devenais Romain, je fortais d'esclavage.

(c) Ibidem.

* Quoi! le fils de Brutus, un foldat, un Romain

* Aime, idolâtre ici la fille de Tarquin!

* Coupable envers Tullie, envers Rome et moi-même,

* Ce Sénat que je hais, ce fier objet que j'aime,

* Le dépit, etc.

(d) Ibid.

* Hélas! ne vois-tu pas les fatales barrières,

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* J'attendais un deftin plus digne et plus heureux.

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