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Défaut du théâtre fran

çais.

Exemple du Caton an

glais.

Nous avons en France des tragédies eftimées qui font plutôt des converfations, qu'elles ne font la représentation d'un événement. Un auteur italien m'écrivait dans une lettre fur les théâtres: Un Critico del nostro Pastor -fido diffe, che quel componimento era un riaffunto di belliffimi Madrigali; credo, fe viveffe, che direbbe delle tragedie Francefe, che fono un riaffunto di belle elegie e fontuofi epitalami. J'ai bien peur que cet 'Italien n'ait trop raison. Notre délicateffe exceffive nous force quelquefois à mettre en récit ce que nous voudrions expofer aux yeux. Nous craignons de hafarder fur la fcène des fpectacles nouveaux devant une nation accoutumée à tourner en ridicule tout ̈ce qui n'est pas d'ufage.

L'endroit où l'on joue la comédie, et les abus qui s'y font gliffés, font encore une caufe de cette féchereffe qu'on peut reprocher à quelques-unes de nos pièces. Les bancs qui font fur le théâtre destinés aux fpectateurs, rétréciffent la fcène, et rendent toute action prefque impraticable. (b) Ce défaut eft cause que les décorations tant recommandées par les anciens, font rarement convenables à la pièce. Il empêche furtout que les acteurs ne paffent d'un appartement dans un autre aux yeux des fpectateurs, comme les Grecs et les Romains le pratiquaient fagement, pour conferver à la fois l'unité de lieu et la vraisemblance.

Comment oferions-nous fur nos théâtres faire paraître, par exemple, l'ombre de Pompée, ou le génie

(b) Enfin ces plaintes réitérées de M. de Voltaire ont opéré la réforme du Théâtre en France, et ces abus ne fubfiftent plus.

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de Brutus, au milieu de tant de jeunes gens qui ne
regardent jamais les chofes les plus férieufes que
comme l'occafion de dire un bon mot? Comment
apporter au milieu d'eux fur la scène
le corps de
Marcus, devant Caton fon père, qui s'écrie: "Heureux
,, jeune homme, tu es mort pour ton pays! O mes
,, amis, laiffez-moi compter ces glorieufes bleffures!
Qui ne voudrait mourir ainfi pour la patrie?
Pourquoi n'a-t-on qu'une vie à lui facrifier?

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دو

Mes amis, ne pleurez point ma perte, ne regrettez point mon fils; pleurez Rome; la maîtreffe du monde n'est plus: ô liberté! ô ma patrie! ô vertu! etc.,, Voilà ce que feu M. Addisson ne craignit point de faire représenter à Londres; voilà ce qui fut joué, traduit en italien, dans plus d'une ville d'Italie. Mais fi nous hafardions à Paris un tel spectacle, n'entendez-vous pas déjà le parterre qui fe récrie? et ne voyez-vous pas nos femmes qui détournent la tête?

Vous n'imagineriez pas à quel point va cette délicateffe. L'auteur de notre tragédie de Manlius prit fon fujet de la pièce anglaise de M. Otway, intitulée Venise fauvée. Le fujet est tiré de l'histoire de la conjuration du Marquis de Bedmar, écrite par l'Abbé de St Real; et permettez-moi de dire en paffant, que ce morceau d'histoire, égal peut-être à Sallufe, eft fort au-deffus de la pièce d' Otway et de notre Manlius. Premièrement, vous remarquez le préjugé qui a forcé l'auteur français à déguifer fous des noms romains une aventure connue que l'Anglais a traitée naturellement fous les noms véritables. On n'a point trouvé ridicule au théâtre de Londres, qu'un

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Jules-Céfar de

ambaffadeur espagnol s'appelât Bedmar, et que des conjurés euffent le nom de Jaffier, de Jacques-Pierre, d'Elliot; cela feul en France eût pu faire tomber la pièce.

Mais voyez qu'Otway ne craint point d'affembler tous les conjurés. Renaud prend leur ferment, affigne à chacun fon pofte, prefcrit l'heure du carnage, et jette de temps en temps des regards inquiets et foupçonneux fur Jaffier dont il fe défie. Il leur fait à tous ce difcours pathétique, traduit mot pour mot de l'Abbé de St Réal : Jamais repos fi profond ne précéda un trouble fi grand. Notre bonne destinée a aveuglé les plus clair-voyans de tous les hommes, rassuré les plus timides, endormi les plus foupçonneux, confondu les plus fubtils: nous vivons encore, mes chers amis, nous vivons, et notre vie fera bientôt funefte aux tyrans de ces lieux, etc.

Qu'a fait l'auteur français? Il a craint de hafarder tant de personnages fur la fcène; il fe contente de faire réciter par Renaud fous le nom de Rutile, une faible partie de ce même difcours qu'il vient, dit-il, de tenir aux conjurés. Ne fentez-vous pas, par ce feul expofé, combien cette fcène anglaise est audeffus de la françaife, la pièce d'Otway fût-elle d'ailleurs monftrueuse!

Examen du Avec quel plaifir n'ai-je point vu à Londres votre Shakespeare. tragédie de Jules-Céfar, qui depuis cent cinquante années fait les délices de votre nation! Je ne prétends approuver les irrégularités barbares dont elle eft remplie : il eft feulement étonnant qu'il ne s'en trouve pas davantage dans un ouvrage

pas affurément approuver

compofé dans un fiècle d'ignorance, par un homme qui même ne favait pas le latin, et qui n'eut de maître que fon génie. Mais au milieu de tant de fautes groffières, avec quel raviffement je voyais Brutus tenant encore un poignard teint du fang de Céfar, affembler le peuple Romain, et lui parler ainfi du haut de la tribune aux harangues!

et

Romains, compatriotes, amis, s'il eft quelqu'un de vous qui ait été attaché à Céfar, qu'il fache que Brutus ne l'était pas moins: Oui, je l'aimais, Romains; et fi vous me demandez pourquoi j'ai vérse son sang, c'est que j'aimais Rome davantage.. Voudriez-vous voir Cefar vivant, mourir fes efclaves, plutôt que d'acheter votre liberté par fa mort? Céfar était mon ami, je le pleure; il était heureux, j'applaudis à fes triomphes; il était vaillant, je l'honore; mais il était ambitieux, je l'ai tué. Y a-t-il quelqu'un parmi vous assez lâche pour regretter la fervitude? S'il en eft un feul, qu'il parle, qu'il fe montre; c'est lui que j'ai offenfe: Ta-t-il quelqu'un affez infame pour oublier qu'il eft Romain? Qu'il parle, c'est lui feul qui eft mon ennemi.

CHOEUR DES

ROMAINS.

Perfonne, non, Brutus, perfonne.

BRUT U S.

Ainfi donc je n'ai offenfé perfonne. Voici le corps du Dictateur qu'on vous apporte; les derniers devoirs lui feront rendus par Antoine, par cet Antoine, qui n'ayant point eu de part au châtiment de Céfar, en retirera le même avantage que moi: et que chacun de vous fente le bonheur ineftimable d'être libre. Je n'ai plus qu'un mot à vous dire: J'ai tué de cette main mon meilleur ami pour

le falut de Rome; je garde ce même poignard pour moi, quand Rome demandera ma vie.

LE CHOE U R.

Vivez, Brutus, vivez à jamais.

Après cette fcène, Antoine vient émouvoir de pitié ces mêmes Romains à qui Brutus avait infpiré fa rigueur et fa barbarie. Antoine, par un difcours artificieux, ramène infenfiblement ces efprits fuperbes ; `et quand il les voit radoucis, alors il leur montre le corps de Céfar; et fe fervant des figures les plus pathétiques, il les excite au tumulte et à la vengeance. Peut-être les Français ne fouffriraient pas que l'on fit paraître fur leurs théâtres un chœur compofé d'artifans et de plébéïens Romains; que le corps fanglant de Céfar y fût expofé aux yeux du peuple, et qu'on excitât ce peuple à la vengeance du haut de la tribune aux harangues: c'eft à la coutume, qui eft la reine de ce monde, à changer le goût des nations, et à tourner en plaifir les objets de notre averfion.

Les Grecs ont hafardé des fpectacles non moins révoltans pour nous. Hippolyte brisé par fa chûte, vient compter fes bleffures et pouffer des cris douloureux. Philoctete tombe dans fes accès de fouffrance; un fang noir coule de fa plaie. Oedipe couvert du fang qui dégoutte encore des reftes de fes yeux qu'il vient d'arracher, fe plaint des dieux et des hommes. On entend les cris de Clytemnestre que fon propre égorge; et Electre crie fur le théâtre: Frappez, ne l'épargnez pas, elle n'a pas épargné notre père. Prométhée est attaché sur un rocher avec des clous qu'on lui enfonce dans l'estomac et dans les bras. Les Furies

répondent

fils

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